Chaque région du corps possède un ensemble de tests d'examen physique orthopédique appelés "tests spéciaux". Les cliniciens utilisent ces tests pour étayer les diagnostics et aider à la prise de décision.
Il existe plus de 70 tests "spéciaux" pour l’examen clinique de l’épaule. Ils ont été développés dans le but d’identifier les pathologies du labrum, de la coiffe des rotateurs, de l'acromio-claviculaire ou du tendon du biceps. Certains ont également été crées pour tenter de diagnostiquer une instabilité d’épaule, un conflit sous-acromial ou une dyskinésie scapulaire.
Dans leur papier en 2020, Salamh et Lewis se sont intéressés à la validité des tests utilisés pour évaluer les douleurs de l'épaule liées à la coiffe des rotateurs (Salamh et Lewis, 2020). Ce terme englobe un certain nombre d’étiologies comme le syndrome du conflit sous-acromial, la tendinopathie de la coiffe des rotateurs, la pathologie des bourses séreuses et les déchirures atraumatiques partielles et complètes de la coiffe des rotateurs.
Dans un premier temps, on dit qu’un test est valide lorsqu’il teste ce qu’il prétend tester. De manière générale, la validité des tests orthopédiques de l’épaule est étudiée en comparant les résultats du test avec une méthode reconnue comme efficace pour identifier la pathologie associée et/ou responsable des symptômes. Cette méthode est souvent appelée norme de référence ou Gold standard.
Les normes de références courantes pour l’épaule sont la radiographie, l'imagerie par résonance magnétique (IRM), l'échographie diagnostique et l'observation directe lors d'une arthroscopie.
Par conséquent, il est convenu que si un test est valide pour impliquer une structure spécifique de l’épaule, celui-ci doit être positif lorsque la méthode de référence met en évidence la pathologie et au contraire négatif lorsque le test de référence est rapporté comme “normal”.
Toutefois, Salamh et Lewis soulignent qu’il est difficile de valider les tests orthopédiques de l'épaule pour identifier les structures à l'origine des symptômes. En effet, l'imagerie détecte régulièrement des anomalies de la coiffe des rotateurs et de la bourse séreuse ou bien de la forme de l'acromion, du labrum glénoïde et d'autres structures de l'épaule chez des personnes asymptomatiques (Barreto et al. 2019). L’étude de Barreto et al. en 2019 démontre que chez 123 personnes souffrant d'une douleur unilatérale de l'épaule et ayant effectué une IRM bilatérale, il y avait autant d'anomalies dans l'épaule symptomatique que dans l'épaule asymptomatique. Seules les déchirures du supra-épineux de pleine épaisseur et l'arthrose gléno-humérale avaient une incidence supérieure de 10% dans les épaules symptomatiques. L'IRM et l'échographie sont probablement de mauvaises comparaisons de référence pour les tests de l'épaule.
Il semble alors impossible de déterminer la validité des tests orthopédiques de l’épaule pour les pathologies de la coiffe des rotateurs (Salamh et Lewis. 2020).
Un autre point soulevé par les auteurs est le fait que les "tests spéciaux", conçus pour identifier une pathologie de la coiffe des rotateurs, s’appuient sur l'hypothèse qu'une structure spécifique peut être isolée et que la douleur reproduite avec un test positif provient de la structure testée. Le test de Jobe ou “empty can test” par exemple, permettrait d’isoler le muscle supra-épineux. Un test positif nous faisait alors penser que le supra-épineux était responsable des douleurs d’épaule du patient.
Cependant, les études de dissections anatomiques et les examens histologiques (Clark et al. 1992) mettent en évidence la relation intime et la nature imbriquée des tendons de la coiffe des rotateurs avec les structures adjacentes telles que la capsule, les ligaments et la bourse séreuse. Salamh et Lewis remettent alors en question la capacité d’un thérapeute à isoler un muscle ou un tendon de la coiffe des rotateurs d’un groupe de structures connexes et entrelacés avec un test d’épaule (Salamh et Lewis, 2020).
Par rapport à l’exemple précédent, il est désormais prouvé que les tests empty can et full can ne peuvent pas isoler le supra-épineux. En effet, il a été démontré que lors du test empty can, pas moins de 9 muscles de l’épaule étaient actifs au même titre que le supra-épineux, tandis que 8 autres autres muscles étaient actifs lors du test full can (Boettcher et al. 2008). Par conséquent, ces tests ne sont pas très spécifiques et ne permettent donc pas d’identifier la source exacte des symptômes.
La revue systématique et méta-analyse de Hegedus et al. en 2012, examinant les tests de l'épaule, n’a pas pu recommander l’utilisation d’un test unique aux cliniciens pour établir un diagnostic pathognomonique (Hegedus et al. 2012). De même, sur les 11 recommandations de meilleures pratiques en matière de soins pour les douleurs musculo-squelettiques proposées par Lin et ses collaborateurs en 2019, aucune ne recommandait de tests "spéciaux" pour l'examen physique orthopédique (Lin et al. en 2019).
Compte tenu des preuves actuelles, Salamh et Lewis estiment que les tests spéciaux ne devraient plus être utilisés pour déterminer la source des symptômes dans la pratique clinique. Les résultats de ces tests et de l'imagerie ne devraient plus servir à recommander des procédures invasives, telles que des injections ou des interventions chirurgicales dans des cas non traumatiques (Salamh et Lewis, 2020).
Il est en revanche possible d’utiliser ces tests dans la recherche de reproduction de symptômes (Salamh et Lewis, 2020). Dans la pratique, il peut être plus utile d'interpréter ces tests d'un point de vue biomécanique, en examinant les mécanismes possibles, les positions, les mouvements ou les variations de charge qui augmentent ou diminuent les symptômes, sans trop se concentrer sur une éventuelle pathologie structurelle (Cools. 2021).
Si on reprend l’exemple du test de Jobe, très décrié pour isoler la rupture du supra-épineux. Dans le cadre de son raisonnement clinique, le kinésithérapeute pourrait l’utiliser pour tester la force en abduction en association avec le SRT afin de mettre en évidence une éventuelle différence de force lorsque la scapula est stabilisée.
Barreto RPG, Braman JP, Ludewig PM, Ribeiro LP, Camargo PR. Bilateral magnetic resonance imaging findings in individuals with unilateral shoulder pain. J Shoulder Elbow Surg. 2019.10.1016/j.jse.2019.04.001
Boettcher, Craig E., Karen A. Ginn, et Ian Cathers.« The ‘Empty Can’ and ‘Full Can’ Tests Do Not Selectively Activate Supraspinatus ». Journal of Science and Medicine in Sport 12, no4 (1 juillet 2009): 435‑39.
Clark JM, Harryman DT, 2nd. Tendons, ligaments, and capsule of the rotator cuff. Gross and microscopic anatomy. J Bone Joint Surg Am. 1992;74(5):713-725
Cools, Ann. Shoulder Rehabilitation: A Practical Guide for the Clinician. Skribis., 2020.
Hegedus, E. J.; Goode, A. P.; Cook, C. E.; Michener, L.; Myer, C. A.; Myer, D. M.; Wright, A. A. (2012). Which physical examination tests provide clinicians with the most value when examining the shoulder? Update of a systematic review with meta-analysis of individual tests. British Journal of Sports Medicine, 46(14), 964–978.
Lin, Ivan; Wiles, Louise; Waller, Rob; Goucke, Roger; Nagree, Yusuf; Gibberd, Michael; Straker, Leon; Maher, Chris G; O’Sullivan, Peter P B (2019). What does best practice care for musculoskeletal pain look like? Eleven consistent recommendations from high-quality clinical practice guidelines: systematic review. British Journal of Sports Medicine, (), bjsports-2018-099878–.
Salamh, Paul; Lewis, Jeremy (2020). It Is Time to Put Special Tests for Rotator Cuff Related Shoulder Pain out to Pasture. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50(5), 222–225. doi:10.2519/jospt.2020.0606
Chaque région du corps possède un ensemble de tests d'examen physique orthopédique appelés "tests spéciaux". Les cliniciens utilisent ces tests pour étayer les diagnostics et aider à la prise de décision.
Il existe plus de 70 tests "spéciaux" pour l’examen clinique de l’épaule. Ils ont été développés dans le but d’identifier les pathologies du labrum, de la coiffe des rotateurs, de l'acromio-claviculaire ou du tendon du biceps. Certains ont également été crées pour tenter de diagnostiquer une instabilité d’épaule, un conflit sous-acromial ou une dyskinésie scapulaire.
Dans leur papier en 2020, Salamh et Lewis se sont intéressés à la validité des tests utilisés pour évaluer les douleurs de l'épaule liées à la coiffe des rotateurs (Salamh et Lewis, 2020). Ce terme englobe un certain nombre d’étiologies comme le syndrome du conflit sous-acromial, la tendinopathie de la coiffe des rotateurs, la pathologie des bourses séreuses et les déchirures atraumatiques partielles et complètes de la coiffe des rotateurs.
Dans un premier temps, on dit qu’un test est valide lorsqu’il teste ce qu’il prétend tester. De manière générale, la validité des tests orthopédiques de l’épaule est étudiée en comparant les résultats du test avec une méthode reconnue comme efficace pour identifier la pathologie associée et/ou responsable des symptômes. Cette méthode est souvent appelée norme de référence ou Gold standard.
Les normes de références courantes pour l’épaule sont la radiographie, l'imagerie par résonance magnétique (IRM), l'échographie diagnostique et l'observation directe lors d'une arthroscopie.
Par conséquent, il est convenu que si un test est valide pour impliquer une structure spécifique de l’épaule, celui-ci doit être positif lorsque la méthode de référence met en évidence la pathologie et au contraire négatif lorsque le test de référence est rapporté comme “normal”.
Toutefois, Salamh et Lewis soulignent qu’il est difficile de valider les tests orthopédiques de l'épaule pour identifier les structures à l'origine des symptômes. En effet, l'imagerie détecte régulièrement des anomalies de la coiffe des rotateurs et de la bourse séreuse ou bien de la forme de l'acromion, du labrum glénoïde et d'autres structures de l'épaule chez des personnes asymptomatiques (Barreto et al. 2019). L’étude de Barreto et al. en 2019 démontre que chez 123 personnes souffrant d'une douleur unilatérale de l'épaule et ayant effectué une IRM bilatérale, il y avait autant d'anomalies dans l'épaule symptomatique que dans l'épaule asymptomatique. Seules les déchirures du supra-épineux de pleine épaisseur et l'arthrose gléno-humérale avaient une incidence supérieure de 10% dans les épaules symptomatiques. L'IRM et l'échographie sont probablement de mauvaises comparaisons de référence pour les tests de l'épaule.
Il semble alors impossible de déterminer la validité des tests orthopédiques de l’épaule pour les pathologies de la coiffe des rotateurs (Salamh et Lewis. 2020).
Un autre point soulevé par les auteurs est le fait que les "tests spéciaux", conçus pour identifier une pathologie de la coiffe des rotateurs, s’appuient sur l'hypothèse qu'une structure spécifique peut être isolée et que la douleur reproduite avec un test positif provient de la structure testée. Le test de Jobe ou “empty can test” par exemple, permettrait d’isoler le muscle supra-épineux. Un test positif nous faisait alors penser que le supra-épineux était responsable des douleurs d’épaule du patient.
Cependant, les études de dissections anatomiques et les examens histologiques (Clark et al. 1992) mettent en évidence la relation intime et la nature imbriquée des tendons de la coiffe des rotateurs avec les structures adjacentes telles que la capsule, les ligaments et la bourse séreuse. Salamh et Lewis remettent alors en question la capacité d’un thérapeute à isoler un muscle ou un tendon de la coiffe des rotateurs d’un groupe de structures connexes et entrelacés avec un test d’épaule (Salamh et Lewis, 2020).
Par rapport à l’exemple précédent, il est désormais prouvé que les tests empty can et full can ne peuvent pas isoler le supra-épineux. En effet, il a été démontré que lors du test empty can, pas moins de 9 muscles de l’épaule étaient actifs au même titre que le supra-épineux, tandis que 8 autres autres muscles étaient actifs lors du test full can (Boettcher et al. 2008). Par conséquent, ces tests ne sont pas très spécifiques et ne permettent donc pas d’identifier la source exacte des symptômes.
La revue systématique et méta-analyse de Hegedus et al. en 2012, examinant les tests de l'épaule, n’a pas pu recommander l’utilisation d’un test unique aux cliniciens pour établir un diagnostic pathognomonique (Hegedus et al. 2012). De même, sur les 11 recommandations de meilleures pratiques en matière de soins pour les douleurs musculo-squelettiques proposées par Lin et ses collaborateurs en 2019, aucune ne recommandait de tests "spéciaux" pour l'examen physique orthopédique (Lin et al. en 2019).
Compte tenu des preuves actuelles, Salamh et Lewis estiment que les tests spéciaux ne devraient plus être utilisés pour déterminer la source des symptômes dans la pratique clinique. Les résultats de ces tests et de l'imagerie ne devraient plus servir à recommander des procédures invasives, telles que des injections ou des interventions chirurgicales dans des cas non traumatiques (Salamh et Lewis, 2020).
Il est en revanche possible d’utiliser ces tests dans la recherche de reproduction de symptômes (Salamh et Lewis, 2020). Dans la pratique, il peut être plus utile d'interpréter ces tests d'un point de vue biomécanique, en examinant les mécanismes possibles, les positions, les mouvements ou les variations de charge qui augmentent ou diminuent les symptômes, sans trop se concentrer sur une éventuelle pathologie structurelle (Cools. 2021).
Si on reprend l’exemple du test de Jobe, très décrié pour isoler la rupture du supra-épineux. Dans le cadre de son raisonnement clinique, le kinésithérapeute pourrait l’utiliser pour tester la force en abduction en association avec le SRT afin de mettre en évidence une éventuelle différence de force lorsque la scapula est stabilisée.
Barreto RPG, Braman JP, Ludewig PM, Ribeiro LP, Camargo PR. Bilateral magnetic resonance imaging findings in individuals with unilateral shoulder pain. J Shoulder Elbow Surg. 2019.10.1016/j.jse.2019.04.001
Boettcher, Craig E., Karen A. Ginn, et Ian Cathers.« The ‘Empty Can’ and ‘Full Can’ Tests Do Not Selectively Activate Supraspinatus ». Journal of Science and Medicine in Sport 12, no4 (1 juillet 2009): 435‑39.
Clark JM, Harryman DT, 2nd. Tendons, ligaments, and capsule of the rotator cuff. Gross and microscopic anatomy. J Bone Joint Surg Am. 1992;74(5):713-725
Cools, Ann. Shoulder Rehabilitation: A Practical Guide for the Clinician. Skribis., 2020.
Hegedus, E. J.; Goode, A. P.; Cook, C. E.; Michener, L.; Myer, C. A.; Myer, D. M.; Wright, A. A. (2012). Which physical examination tests provide clinicians with the most value when examining the shoulder? Update of a systematic review with meta-analysis of individual tests. British Journal of Sports Medicine, 46(14), 964–978.
Lin, Ivan; Wiles, Louise; Waller, Rob; Goucke, Roger; Nagree, Yusuf; Gibberd, Michael; Straker, Leon; Maher, Chris G; O’Sullivan, Peter P B (2019). What does best practice care for musculoskeletal pain look like? Eleven consistent recommendations from high-quality clinical practice guidelines: systematic review. British Journal of Sports Medicine, (), bjsports-2018-099878–.
Salamh, Paul; Lewis, Jeremy (2020). It Is Time to Put Special Tests for Rotator Cuff Related Shoulder Pain out to Pasture. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50(5), 222–225. doi:10.2519/jospt.2020.0606