Dans cette masterclass, nous aborderons la pathologie de surutilisation en course à pied par un angle encore trop méconnu des rééducateurs : l’entraînement. Nous reprendrons succinctement les chiffres qui peuvent expliquer ou justifier de la nécessité de s’entraîner. Et mieux encore : de bien s’entraîner.
Nous décrirons les grandes lignes d’une prise en charge conventionnelle de pathologies de surutilisation, puis nous introduirons l’intérêt de l’entraînement dans le traitement de ces blessures avec plusieurs concepts : quantification, planification et mesure.
Sommaire
Dans cette discussion sur les pathologies de surcharge en course à pied, nous allons explorer en détail le traitement par l'entraînement. Pour commencer, nous examinerons les statistiques de la Fédération Française d'Athlétisme (FFA) pour mieux comprendre la place de l'entraînement dans ce contexte. Ensuite, nous aborderons les pathologies de surutilisation en course à pied, leur prévalence et les facteurs de risque associés, car ces derniers nous guideront dans notre approche. Nous passerons en revue la prise en charge conventionnelle de ces pathologies avant de nous concentrer sur le traitement par l'entraînement. Nous discuterons de l'éducation des coureurs, des athlètes et des patients, ainsi que des méthodes pour quantifier les éléments d'entraînement. Enfin, nous conclurons notre discussion avec un résumé et des considérations finales.
La course à pied en chiffres
L'étude récente de la Fédération Française d'Athlétisme (FFA) de mars 2022 fournit des données intéressantes post-COVID. Elle révèle que 24% des personnes âgées de 18 à 85 ans en France pratiquent la course à pied, ce qui représente environ 12,4 millions de personnes, dont les deux tiers sont des coureurs réguliers. Cela signifie qu'environ un Français sur quatre fait de la course à pied. De plus, 17% des pratiquants ont commencé la course à pied depuis la crise du COVID et les femmes représentent 54% des néo-coureurs.
L'étude a également examiné les objectifs de course à pied des participants : 76% courent pour rester en bonne santé et se sentir bien, 25% s'entraînent pour améliorer leurs performances, 15% relèvent des défis personnels, 12% participent à des compétitions et 11% maintiennent des liens sociaux.
Ces données fournissent des indications précieuses pour orienter un bon programme d'entraînement. Peu importe l'objectif de chaque coureur, l'entraînement est essentiel. Même ceux qui courent pour la santé et le bien-être doivent suivre un programme d'entraînement approprié pour éviter les blessures. De même, les coureurs qui visent la performance, les défis personnels ou la compétition doivent s'entraîner de manière adéquate pour atteindre leurs objectifs.
En conclusion, l'entraînement joue un rôle central dans la pratique de la course à pied, qu'il s'agisse de débutants, de coureurs confirmés ou de compétiteurs. Il est essentiel de s'entraîner de manière appropriée pour progresser et éviter les blessures, quel que soit l'objectif de chaque coureur.
Les pathologies de surutilisation en CAP
Définition
Les pathologies de surutilisation en course à pied, également connues sous l'acronyme ROI (Running Overuse Injuries), sont le résultat d'une accumulation de stress répétitif associée à un manque de repos adéquat, ce qui empêche les tissus de se remodeler correctement. Cette situation peut éventuellement conduire à une dégénérescence des tissus affectés. Les ROI peuvent affecter divers tissus du corps, notamment les muscles, les tendons (causant des tendinopathies), les os (pouvant entraîner des périostites tibiales médiales ou des fractures de fatigue), le cartilage, ainsi que les bourses et les différentes bursites qui peuvent exister. Ces pathologies peuvent survenir à différents endroits du corps et ont des origines variées et complexes, ce qui rend crucial leur détection et leur diagnostic précoce.
Facteurs de risque
Dans la diapo ci-dessous, plusieurs pathologies de surutilisation en course à pied ont été mentionnées, notamment le syndrome fémoro-patellaire, la tendinopathie d'Achille, le stress tibial médial, le syndrome de l'essuie-glace (syndrome de la bandelette iliotibiale), la fracture de fatigue et la fasciite plantaire. Ces pathologies ont été étudiées dans l'article de Willwacher, qui met en évidence divers facteurs de risque, certains étant plus étayés que d'autres. Notamment, les facteurs de risque liés à l'entraînement sont ceux qui semblent avoir le plus de preuves solides, tandis que les données concernant la biomécanique de la course comme facteur de risque sont moins convaincantes.
Parmi les facteurs de risque, on retrouve des éléments intrinsèques à l'individu tels qu'un indice de masse corporelle (IMC) élevé, un âge avancé et le sexe masculin, ainsi que des facteurs extrinsèques liés à l'entraînement, comme l'absence d'expérience, un faible volume d'entraînement et une augmentation rapide du volume d'entraînement. Cela souligne une fois de plus l'importance centrale de l'entraînement dans la prévention des pathologies de surutilisation en course à pied. Alors que certains facteurs comme l'âge, le sexe et l'IMC peuvent être difficiles à modifier, l'expérience, le volume, la charge et le type d'entraînement peuvent être des aspects sur lesquels intervenir efficacement dans la prise en charge des coureurs.
Épidémiologie des ROI
On a mit en lumière l'importance de comprendre l'épidémiologie des blessures liées à la course à pied, que vous pourrez retrouver plus longuement dans la Masterclass d’Antoine Lallier. Les blessures ne se limitent pas aux compétitions, mais surviennent également pendant l'entraînement, avec un taux élevé de 7,2 blessures pour 1000 heures d'entraînement. De plus, ces blessures peuvent également se produire lors de performances visant à améliorer les chronomètres. Ainsi, il est clair que l'entraînement joue un rôle central dans l'apparition et la prévention des blessures liées à la surutilisation.
Traitement par l'entrainement
La prise en charge kinésithérapique des pathologies de surutilisation en course à pied est bien établie et largement documentée dans la littérature. Elle comprend plusieurs axes de traitement. Tout d'abord, il est important de travailler sur l'amélioration de la mobilité, notamment au niveau de la colonne lombaire, des hanches, des genoux et des chevilles. Ensuite, un renforcement global du membre inférieur est essentiel, en mettant l'accent sur les abducteurs de hanche, les rotateurs de hanche, le ratio ischio-jambier/quadriceps et le mollet, en distinguant le gastrocnémien du soléaire. Il est également crucial d'adapter un renforcement spécifique à la course à pied, en incluant des exercices en chaîne fermée pour les abducteurs de hanche, les ischio-jambiers, les quadriceps, le triceps sural et les muscles intrinsèques du pied, tout en respectant une progression adaptée. Le travail du contrôle moteur du tronc “core”, des hanches et des genoux dans des positions fonctionnelles de la course à pied est également recommandé. En complément, une routine d'étirements peut être bénéfique, ainsi qu'un traitement local de l'inflammation et des séances de physiothérapie.
Le traitement par l'entraînement se révèle être une approche primordiale dans la gestion des pathologies de surutilisation en course à pied. Les principaux facteurs de risque étant liés à l'inexpérience, à la surcharge et aux mésentraînements, la planification de l'entraînement devient notre premier outil thérapeutique. Elle nous permet de quantifier et d'adapter la charge mécanique, de respecter le seuil de douleur, et de gérer la charge d'entraînement de nos athlètes. De plus, elle nous aide à travailler sur les différentes compétences spécifiques des coureurs, à les développer et à les maintenir, tout en adaptant l'entraînement à leur environnement et à leurs objectifs individuels. Il est crucial de reconnaître que chaque coureur est unique, avec ses propres besoins et contraintes, et que l'entraînement doit être adapté en conséquence, en tenant compte des antécédents de blessures et de performances de chaque individu. En somme, l'entraînement en course à pied implique le développement de compétences spécifiques, le renforcement musculaire, ainsi que la variation et l'adaptation de la charge, du volume et de l'intensité.
L'entraînement en course à pied est régi par des principes fondamentaux tels que la progressivité, la spécificité, la surcharge, l'affûtage, la récupération, l'individualisation, le transfert, la diversité et la variabilité des compétences, ainsi que la réversibilité. Ces principes orientent notre périodisation, c'est-à-dire l'organisation en macro-cycle, mésocycle et micro-cycle, en vue de l'objectif principal de l'athlète. Il est essentiel de comprendre les motivations de chaque coureur et de définir clairement les objectifs à atteindre. La périodisation peut suivre différents modèles, tels que le modèle pyramidal ou pyramidal inversé et le modèle polarisé, en fonction des besoins spécifiques de l'athlète. Les méthodes d'entraînement, qu'elles soient complètes ou fractionnées, telles que les entraînements en continu, par intervalles, en sprint ou en fartlek, sont choisies en fonction des objectifs et des compétences à développer. En ajustant judicieusement la charge, le volume et l'intensité de l'entraînement, nous pouvons progresser de manière optimale vers nos objectifs tout en minimisant les risques de blessures et en favorisant la performance.
Éducation et quantification des éléments d'entrainement
L'éducation du patient est un aspect crucial de la planification de l'entraînement en course à pied. Il est essentiel d'adopter un langage commun pour communiquer efficacement et anticiper les changements environnementaux potentiels. L'éducation à l'effort et au ressenti permet de sécuriser l'entraînement et d'ajuster les séances en fonction des sensations de l'athlète. L'utilisation d'outils tels que l'échelle RPE (Rating of Perceived Exertion) et l'échelle de sensation permettent d'évaluer la difficulté perçue et de guider l'intensité de l'entraînement. D'autres outils, comme la fréquence cardiaque et les pourcentages de VMA (Vitesse Maximale Aérobie), peuvent être utilisés pour quantifier l'entraînement, mais ils nécessitent souvent du matériel spécifique et peuvent être plus coûteux.
Parmi les méthodes couramment utilisées pour évaluer l'entraînement en course à pied, on retrouve plusieurs approches : le test VAMEVAL, le test de Cooper, ou son équivalent demi-Cooper, la lactatémie, bien que cette méthode nécessite un équipement spécifique, la mesure de la VO2max, qui est généralement mesurée en laboratoire et peut être difficile à réaliser en dehors de ce cadre. L'allure et la vitesse sont également utilisées pour évaluer l'entraînement, bien que leur précision puisse être influencée par divers facteurs. Parmi ces méthodes, l'échelle de RPE, la fréquence cardiaque et les pourcentages de VMA sont souvent privilégiés pour leur facilité d'utilisation et leur fiabilité relative.
Il est important de croiser ces données avec d'autres échelles de mesure de la fatigue, du stress et de la nutrition pour obtenir une image complète de la condition de l'athlète et ajuster la planification de l'entraînement en conséquence. En ayant une compréhension approfondie de tous les facteurs en jeu, les thérapeutes peuvent développer des plans d'entraînement précis et adaptés aux besoins individuels de chaque athlète.
Conclusion
En conclusion, il est crucial de ne pas sous-estimer les blessures liées à la course à pied. Nous devons adopter un rôle proactif en matière de prévention, de diagnostic précoce et de traitement efficace. Il est essentiel de reconnaître que les blessures par surutilisation résultent souvent d'une planification d'entraînement inadéquate, voire de l'absence d'entraînement. Une planification minutieuse de l'entraînement permet d'éviter les blessures en gérant correctement la charge, la surcharge, la recharge et la décharge, ainsi que les facteurs de risque associés. Il est primordial d'établir une communication ouverte et de prendre le temps d'adapter l'entraînement en fonction des besoins spécifiques de chaque individu, en ajustant la charge ou la décharge en conséquence. Il est également crucial de reconnaître le rôle du renforcement musculaire dans la prévention des blessures, tant comme composante du traitement conventionnel en kinésithérapie que comme élément essentiel de la prévention primaire. Intégrer le renforcement musculaire dès les premières phases de l'entraînement peut contribuer à réduire considérablement le risque de blessures et à améliorer les performances athlétiques à long terme.