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Épidémiologie et facteurs de risque de blessure en course à pied

Masterclass
Published
5/25/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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La course à pied est un sport très populaire en France puisque selon la FFA, un français sur cinq le pratiquait déjà en 2014. Cependant, il est connu qu’un grand nombre de coureurs se blessent chaque année.

Au terme de cette masterclass, vous aurez des notions solides sur l’épidémiologie des blessures en course à pied, vous serez également en mesure de connaître et modifier les facteurs de risque de blessure de vos patients quand cela est possible.

Épidémiologie

Commençons par une introduction historique à la course à pied. Au début de notre ère, la course à pied était essentielle à la survie humaine, car les hommes étaient considérés comme des proies et devaient développer leur endurance pour passer de proie à chasseur. Bien que la nécessité de courir pour survivre ait disparu, la course à pied reste extrêmement populaire en France, pratiquée par environ 19% des Français en 2014, avec une tendance à la hausse. Ce sport est attrayant en raison de son coût relativement bas et de ses contraintes temporelles minimes, ce qui en fait une activité accessible à la plupart des gens.

En ce qui concerne l'épidémiologie, il est important de noter que 70 à 80% des blessures en course à pied sont des blessures de surutilisation. Environ la moitié des coureurs se blessent chaque année, ce qui peut entraîner l'arrêt de la pratique ou une diminution du plaisir de courir. Étant donné les nombreux bienfaits de la course à pied pour la santé, il est essentiel pour les kinésithérapeutes de prévenir ces blessures autant que possible pour assurer la santé et le bien-être de leurs patients. Bien que les blessures traumatiques soient moins fréquentes, elles peuvent néanmoins affecter les performances et nécessitent une prise en charge appropriée.

Dans la suite de notre discussion, nous aborderons l'épidémiologie anatomique des blessures liées à la course à pied, ainsi que les types de blessures rencontrées chez différents types de coureurs.

Épidémiologie anatomique

Les données de la littérature confirment que le genou est l'articulation la plus fréquemment affectée chez les coureurs, avec environ 40% des blessures chez les femmes et 31% chez les hommes. Les chevilles et les pieds sont également souvent touchés, représentant environ 19% des blessures chez les femmes et 26% chez les hommes. Globalement, on estime que 70 à 75% des blessures surviennent au niveau du genou ou plus bas dans les membres inférieurs.

Top 10 des blessures en course à pied

Les blessures les plus courantes chez les coureurs, selon Francis et ses collaborateurs, incluent le syndrome fémoro-patellaire, également connu sous le nom de douleur fémoro-patellaire, suivi de la tendinopathie d’Achille, le syndrome du stress tibial médial, et la fasciapathie plantaire. D'autres pathologies fréquentes comprennent le syndrome de la bandelette ilio-tibiale et les lésions myo-aponévrotiques du triceps. Ces résultats sont généralement cohérents avec la littérature, qui met en avant ces trois principales blessures : douleurs fémoro-patellaires, syndrome du stress tibial, et tendinopathie d'Achille.

Quelle blessure pour quel coureur ?

Les différentes spécialités de coureurs présentent des profils de blessures distincts. Les coureurs d'ultra-endurance sont plus sujets aux tendinopathies des fléchisseurs dorsaux (“ultra-marathon ankle”), aux douleurs fémoro-patellaires et à moindre mesure aux syndromes de la bandelette ilio-tibiale. Les sprinteurs quant à eux sont davantage exposés aux lésions musculaires et myo-aponévrotiques de la cuisse en raison des contraintes élevées sur les ischios liées à la vitesse. Par contre, les sprinteurs sont les moins à risque de se blesser au niveau des douleurs fémoro-patellaires ou d'autres pathologies du genou. Les coureurs loisirs rencontrent fréquemment des douleurs fémoro-patellaires et des fasciapathies plantaires, tandis que les débutants et les marathoniens sont sujets aux tendinopathies achilléennes et aux blessures de la jambe et du pied comme la fasciapathie plantaire. Les traileurs présentent quant à eux des blessures cutanées et traumatiques au niveau des chevilles, accompagnées de  blessures de surutilisation, notamment les tendinopathies achilléennes. Les débutants sont particulièrement vulnérables aux blessures, avec un risque accru de 17,8 blessures pour 1000 heures de course, comparé à 7,7 pour les coureurs loisirs. Ces résultats soulignent l'importance d'évaluer le risque de blessure en fonction du temps de course, notamment chez les débutants. 

Généralités

Les facteurs de risque de blessures en course à pied peuvent être divisés en deux catégories : intrinsèques et extrinsèques. Les études montrent que l'expérience est un facteur intrinsèque crucial, les coureurs novices étant plus susceptibles de blessures, notamment cutanées. Une autre classification peut être utilisée avec les facteurs de risque personnels incluant l'âge, le sexe et l'expérience. Ceux liés à la santé comprenant les antécédents de blessures, tant spécifiquement liées à la course qu'à d'autres causes. Et enfin les facteurs liés à l’entraînement, comme un faible volume hebdomadaire (<2h/semaine), sont également importants. Il semblerait qu’il n’y ait pas suffisamment de preuves pour associer la morphologie du pied, la surface de course et l'âge des chaussures avec les risques de blessures.

Une étude plus ancienne de Fredericson et Misra datant de 2007, identifie des facteurs de risque qu'on retrouve en fait beaucoup dans la littérature actuelle. Premièrement, une augmentation trop rapide et non graduelle de la charge d'entraînement, avec un kilométrage dépassant 64 km par semaine. Deuxièmement, les antécédents de blessures, plus courants chez les coureurs compétitifs avec la recherche de performance et les novices. Un risque accru de blessure serait d’ailleurs retrouvé dans les deux premières années d'expérience. En résumé, l'expérience et les antécédents de blessures semblent être les principaux facteurs de risque de blessures en course à pied. 

La biomécanique comme facteur de risque ?

La biomécanique est un facteur de risque important étudié dans la littérature scientifique en course à pied, principalement sur la cadence de course, la pose du pied et le type de pose du pied. On va trouver selon les études soit une catégorie en trois groupes, avec une attaque talon, une attaque médio-pied, ou une attaque avant-pied, soit en deux groupes, avec une attaque talon et une attaque non-talon. Les chaussures modernes, avec leur amorti, ont conduit de nombreux coureurs à adopter une attaque talon plutôt qu'une attaque naturelle à l'avant-pied. Les débutants ont tendance à atterrir sur le talon, tandis que les athlètes confirmés privilégient une attaque plus antérieure. Les preuves montrent qu'une attaque non-talon peut réduire les contraintes sur le genou, la hanche et le dos, mais elle augmente les contraintes sur la cheville et le pied, notamment le triceps sural. Il est donc essentiel d'individualiser la prise en charge, en tenant compte des blessures et en évitant de changer la technique de course de manière précipitée. Les recommandations solides font toujours défaut, mais une approche logique et prudente est de rigueur.

Facteurs de risques liés à l'entrainement

Les facteurs de risque liés à l'entraînement sont des aspects cruciaux à discuter avec les coureurs, surtout s'ils suivent un plan d'entraînement standard ou sont encadrés par un coach. Une revue systématique suggère qu'augmenter la distance, la durée, la fréquence ou la vitesse de course ne semble pas nécessairement augmenter le risque de blessures. Cependant, ces études ne prennent souvent pas en compte d'autres facteurs comme la récupération, le sommeil et la nutrition ce qui nécessite une attention particulière lors de l'augmentation des contraintes d'entraînement. Donc même si à première vue il semblerait qu'il n'y ait pas encore de lien, il est tout de même conseillé d'être attentif lors de l'augmentation des contraintes. 

Analyse des charges d'entrainement

La gestion de la charge d'entraînement est cruciale pour prévenir les blessures liées à la surutilisation. Les approches antérieures se fondent principalement sur la distance parcourue, mais désormais, il est reconnu que cela est insuffisant. Il est essentiel d'analyser à la fois les charges internes et externes. Les charges internes comprennent des mesures telles que le RPE (notation de l'effort perçu), les tests de lactate et la variabilité de la fréquence cardiaque, tandis que les charges externes sont mesurées par l'allure, la distance et le dénivelé. Des études montrent même une corrélation entre le RPE et le taux de lactate, ce qui facilite l'évaluation de la charge interne.

Ratio ACWR

Le ratio aigu/chronique (ACWR) est un outil utilisé pour évaluer les charges d'entraînement en course à pied, bien qu'il ne soit pas encore pleinement validé pour ce sport. Il se base sur la comparaison entre la charge d'entraînement d'une semaine (charge aiguë) sur la moyenne des quatre semaines précédentes (charge chronique). Pour mesurer la charge d'entraînement aiguë, on prend une semaine et à chaque sortie on va multiplier le RPE par la durée de la sortie, et additionner toutes les sorties de la semaine, et pour la charge d'entraînement chronique on fait la même chose mais sur les quatre semaines précédentes. Un ACWR optimal se situe entre 0,8 et 1,3, il est défini comme le "sweet spot" par Gabette. Lorsque ce ratio dépasse ces limites, les risques de blessure augmentent, que ce soit par sur- ou sous-entraînement. Bien que critiqué, l'ACWR est largement utilisé dans les sports collectifs et présente un intérêt pour la gestion des charges d'entraînement en course à pied.

Une modération possible ?

Un article datant de 2017, souligne l'importance d'avoir une grande base aérobie, c'est-à-dire un volume d'entraînement important à basse intensité, pour modérer les risques de blessures lors d'une augmentation rapide de la charge d'entraînement. Cependant, il est important de noter que les blessures restent multifactorielles et dépendantes du contexte individuel de chaque coureur. 

 

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