2 - Diagnostic - Bilan clinique
a - Formuler une hypothĂšse
Tout d'abord il est important de rappeler que l'hypothÚse a été utilisée pour guider le traitement et établir un pronostic. De maniÚre générale l'hypothÚse est ensuite testée et affinée au fur et à mesure de la progression de la rééducation. Une premiÚre impression est constituée lors de la premiÚre rencontre des patients dans la salle d'attente - en observant leur position assise, la façon dont ils se lÚvent de leur chaise, leur démarche initiale, etc.
Ensuite, un historique est Ă©tabli pour rechercher les Ă©ventuels mĂ©canismes douloureux ainsi que les facteurs augmentant ou soulageant les douleurs perçues. Lâobservation se poursuit pendant l'exĂ©cution de mouvements de base au fur et Ă mesure que le processus d'Ă©valuation avance, en approfondissant les connaissances sur la mĂ©canique et la nature des symptĂŽmes. Ensuite, des tests de provocation sont effectuĂ©s pour renforcer ou rĂ©duire la probabilitĂ© de l'hypothĂšse.
Les mouvements et les schémas moteurs qui sont tolérés sont identifiés. Toutes les informations sont utilisées pour formuler le plan d'exercice correctif et la dose de départ de l'exercice thérapeutique tolérable. La progression se termine par du screening et des tests fonctionnels qui sont choisies sur la base des informations obtenues au cours du processus précédent. De cette maniÚre, un diagnostic fonctionnel est suffisant pour envisager le choix des exercices et la courbe de progression.
Dans certains cas, le tissu Ă l'origine de la douleur est clairement identifiĂ©. Dans d'autres, la cause est prĂ©cisĂ©ment identifiĂ©e en termes de mouvements, de positions et de charge spĂ©cifique, ainsi que de symptĂŽmes de mouvements et de schĂ©mas moteurs anormaux. Au fur et Ă mesure que chaque Ă©lĂ©ment est examinĂ©, lâhypothĂšse est soit renforcĂ©e, soit affaiblie.
Les connaissances biomécaniques sont essentielles pour réussir à formuler des hypothÚses. Habituellement, les tissus sursollicités sont ceux qui sont impliqués dans la création des symptÎmes. La solution consiste souvent à modifier la biomécanique pour éviter de charger les tissus douloureux.
La prévention et la rééducation peuvent maintenant s'orienter grùce à des paramÚtres quantitatifs. Le patient et le clinicien sont capables d'éliminer les variables qui causent la douleur et de construire des progressions qui évitent la douleur.
L'Ă©valuation d'un patient rĂ©vĂšle gĂ©nĂ©ralement plusieurs dysfonctionnements. Pourtant, parfois, malgrĂ© la multitude de dysfonctions Ă©numĂ©rĂ©es par le patient, aucun ne semble ĂȘtre Ă l'origine de leur mal de dos. En tant que thĂ©rapeutes, nous devons d'abord nous concentrer sur la rĂ©duction de la douleur, c'est-Ă -dire aborder les problĂšmes majeurs et montrer rapidement aux patients comment rĂ©duire la douleur. Les dysfonctionnements qui n'entraĂźnent pas de douleur pourront ĂȘtre traitĂ©s plus tard.
b - PremiÚre rencontre thérapeute /patient
1 - AnamnĂšse
La check-list suivante peut aider le thĂ©rapeute Ă dĂ©terminer les exercices de rĂ©Ă©ducation appropriĂ©s :Â
1) Identifier les objectifs de rééducation (objectifs spécifiques de santé ou de performance). L'objectif de rééducation spécifique détermine le rapport bénéfice/risque acceptable. Un objectif de performance comporte un risque plus élevé.
Les principes du renforcement musculaire et de l'entraßnement sportif étant trÚs répandu, vous devez vous assurer que tous les patients comprennent la différence entre les objectifs de performance sportives et ceux de réduction de la douleur et d'amélioration du fonctionnement quotidien. Cela implique que le plan de rééducation doit d'abord viser à éliminer la douleur, puis, en cas de succÚs, améliorer les performances sportives.
2) On sâintĂ©ressera Ă lâhistoire mĂ©dicale du patient, son histoire chirurgicale, traumatique, incluant aussi les fausses croyances pouvant ĂȘtre vĂ©hiculĂ©es par les imageries. On sâintĂ©ressera Ă©galement Ă lâhistoire familiale du patient : est-ce que le patient est soutenue par sa famille dans son problĂšme ? Quelle est lâinfluence de son entourage proche (famille, amis, collĂšguesâŠ) sur les croyances associĂ©es Ă la lombalgie et dans le parcours de santĂ© du patient ? Il conviendra Ă©galement dâinvestiguer les croyances ? les comportements ? la façon de faire face au problĂšme ? Est-ce que le patient souffrant estime quâil doit arrĂȘter de travailler / de pratiquer une activitĂ© sportive sâil ressent une douleur ?Â
On cherchera Ă©galement Ă connaĂźtre les comorbiditĂ©s associĂ©es chez le patient ? La plus commune Ă©tant lâobĂ©sitĂ©, puis le syndrome du cĂŽlon irritable, la fibromyalgie et la dĂ©pression. Ces comorbiditĂ©s auront forcĂ©ment un impact sur le ressenti des douleurs du patient dans la lombalgie.
Poser au patient des questions clés : « vos symptÎmes changent ils d'intensité ? Avez-vous des périodes plus ou moins bonnes ? » Si la réponse est oui, le succÚs est garanti. Demandez-lui : « ressentez-vous une douleur aiguë en vous retournant dans votre lit ? » si la réponse et oui il est possible que le patient présente une instabilité telle que lorsque la colonne vertébrale n'est pas contrÎlée par une contraction musculaire, les micro-mouvements articulaires provoquent une douleur aiguë. Il se sentira certainement bien mieux une fois qu'il aura intégré les schémas qui permettent de soulager sa douleur. Une autre question clé et la suivante : « avez-vous une raideur ou une douleur matinale qui diminue au cours de la matinée, ou la douleur augment-elle au cours de la journée ? » ; une douleur qui s'intensifie indique généralement que la charge provoque des symptÎmes cumulatifs. Enseigner à la personne des stratégies temporaires de mouvement « parfaites » épargnant la colonne vertébrale permettra de retarder l'apparition des symptÎmes.
La raideur matinale peut ĂȘtre le signe d'un lit ou d'un matelas inadaptĂ© : pour confirmer ce soupçon, demandez Ă la personne si sa douleur est diffĂ©rente aprĂšs avoir dormi, par exemple dans un lit d'hĂŽtel. D'autres questions et rĂ©ponses permettent de mieux cibler le reste de l'entretien.Â
3) Tenez compte de l'Ăąge et de l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral du patient. Les patients plus jeunes (de l'adolescence Ă la cinquantaine) ont tendance Ă prĂ©senter davantage de troubles discogĂ©niques, tandis que les rachis arthritiques ont tendance Ă commencer Ă se dĂ©velopper aprĂšs 45 ans, et les stĂ©noses aprĂšs cela. Notez comment les patients marchent et s'assoient. Sont-ils visiblement en mauvaise santĂ©, Ă©maciĂ©s avec peu de masse musculaire ou lourds de graisse plutĂŽt que de muscle ? On suppose Ă©galement que les patients ont fait l'objet d'un examen mĂ©dical et que les risques de problĂšmes cardiovasculaires, de tumeurs ou autres, ont pu ĂȘtre Ă©cartĂ©s. Toutefois ce nâest pas toujours le cas (cf : parties reds-flags).Â
4) Identifiez les dĂ©tails relatifs Ă la vie professionnelle et Ă la vie privĂ©e. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, il vaut mieux commencer par recueillir des informations sur les habitudes quotidiennes des patients : quand et comment ils se lĂšvent et vont se coucher, leurs habitudes concernant les repas, leurs exercices, leurs loisirs, la qualitĂ© et la quantitĂ© du sommeil, le tabagisme, la consommation dâalcool, le surpoidsâŠ. Ensuite, il faut se concentrer de maniĂšre plus ciblĂ©e sur les sujets qui semblent poser problĂšme. Par exemple, si le patient dĂ©clare regarder la tĂ©lĂ©vision pendant 2h le soir, demandez-lui des dĂ©tails sur le type de fauteuil, les diffĂ©rentes postures adoptĂ©es, etc. AprĂšs avoir recueilli des informations sur les habitudes quotidiennes du patient, demandez-lui Ă quelle exigence professionnelle il doit faire face.
Toutes ces informations, ajoutĂ©es Ă l'Ă©valuation clinique, vous aideront Ă Ă©valuer la pertinence des liens frĂ©quemment faits. Les problĂšmes discogĂ©niques sont souvent liĂ©s Ă la position assise prolongĂ©e (notamment la conduite automobile prolongĂ©e) et Ă la flexion rĂ©pĂ©tĂ©e du tronc. Un mode de vie inactif ou sĂ©dentaire est Ă©galement associĂ© aux problĂšmes discaux. Les problĂšmes d'arthrite, de facettes etc., sont davantage liĂ©s aux emplois et aux activitĂ©s qui impliquent de grandes amplitudes de mouvements et des ports de charges plus importantes. Les anciens sportifs, tels que les joueurs de football, entrent Ă©galement dans cette catĂ©gorie, bien que les coureurs de fonds n'en fassent pas partie, car ils ne s'entraĂźnent vraisemblablement pas avec des amplitudes maximales de la colonne vertĂ©brale.Â
5) RĂ©flĂ©chissez au mĂ©canisme de la blessure. Les tentatives de recrĂ©er des mĂ©canismes de blessures ne sont intĂ©ressantes que lorsque les mĂ©canismes d'origine ont Ă©tĂ© compris. Une fois identifiĂ©s, les mĂ©canismes peuvent ĂȘtre associĂ©s Ă des lĂ©sions tissulaires spĂ©cifiques (dont la plupart ne peuvent ĂȘtre diagnostiquĂ©es autrement). Cela aidera non seulement Ă concevoir les exercices thĂ©rapeutiques, mais aussi Ă apprendre aux patients Ă Ă©viter les scĂ©narios de charges qui pourraient exacerber les lĂ©sions et les symptĂŽmes. Il convient de noter que certains de ces mĂ©canismes lĂ©sionnels se manifestent de maniĂšre aiguĂ«, tandis que d'autres Ă©voluent lentement. La lenteur de l'Ă©volution peut faire que certains patients soient incapables d'identifier le mĂ©canisme de la lĂ©sion. NĂ©anmoins, il y a gĂ©nĂ©ralement un Ă©vĂ©nement culminant dĂ©clencheur. Un interrogatoire attentif sur tous les petits Ă©vĂ©nements qui ont conduit Ă cet Ă©vĂ©nement dĂ©clencheur fournira des indices sur les mĂ©canismes de la lĂ©sion.
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6) Demandez au patient de citer les situations qu'il perçoit comme Ă©tant provocatrices d'une plus forte douleur ou qui empirent ces symptĂŽmes. Inviter le patient Ă dĂ©crire toutes les tĂąches, postures et mouvements qui exacerbent la douleur. Examinez ces tĂąches d'un point de vue biomĂ©canique pour dĂ©terminer quels tissus sont en charge ou irritĂ©s. Ces tissus doivent ĂȘtre Ă©pargnĂ©s lors des exercices thĂ©rapeutiques et les mouvements exacerbant doivent ĂȘtre rĂ©duits au minimum grĂące Ă l'apprentissage des schĂ©mas de mouvements adaptĂ©s.Â
Une bonne maniĂšre dâinvestiguer cette Ă©tape est de demander au patient le comportement de la douleur ou des symptĂŽmes sur 24 heures ? Comment fluctue-t-elle entre matin/midi/soir et pendant la nuit. Ces informations vont en effet nous donner une indication sur les activitĂ©s algiques et celles au contraire qui vont soulager les symptĂŽmes. De mĂȘme lorsquâil nây a aucune activitĂ© (ex : la nuit) et que le corps nâest gĂ©nĂ©ralement pas ou moins confrontĂ© Ă des contraintes MSQ, on sâattendra Ă ce que les douleurs ne posent pas trop de problĂšmes (en dehors des douleurs provoquĂ©es par les changements de position). Si le patient ne parvient pas Ă trouver une position de confort pendant toute la nuit, ou une bonne partie de la nuit, on pourrait alors suspecter une pathologie inflammatoire voire tumorale (cf : reds flags).
7) Demandez au patient de dĂ©crire le type de douleur, sa localisation, si elle est irradiante, ainsi que les dermatomes et myotomes spĂ©cifiques. Les descriptions du type de douleur sont gĂ©nĂ©ralement utiles ; les patients peuvent dĂ©crire leur douleur comme Ă©tant profonde et sourde, irritante, brĂ»lante, elle peut ĂȘtre localisĂ©e sur un point prĂ©cis ou ĂȘtre diffuse dans tout le rachis, continuellement changeant, et ainsi de suite. En termes de symptĂŽmes et de douleur on peut utiliser un body chart pour voir quel est le ou les sites impactĂ©s et Ă©ventuellement voir sâil y a des liens entre les diffĂ©rents sites.Â
Vous devrez peut-ĂȘtre aider certaines personnes Ă dĂ©crire leur douleur en leur proposant des adjectifs parmi lesquels choisir. Gardez Ă l'esprit que l'Ă©volution des symptĂŽmes dans le court laps de temps d'un bilan suggĂšre gĂ©nĂ©ralement des syndromes fibromyalgiques, qui peuvent parfois rĂ©sister aux thĂ©rapies par l'exercice - en particulier celles qui causent de la douleur. Le problĂšme ici est que le mouvement sans douleur doit ĂȘtre trouvĂ© et rĂ©pĂ©tĂ©, afin que les personnes puissent peu Ă peu Ă©largir leur rĂ©pertoire de mouvement sans douleur.
On peut Ă©galement discuter de la pĂ©riodicitĂ© de la douleur : est-ce quâil sâagit dâune douleur aigue (< 6 semaines) ? subaiguĂ« (S6 et 3 mois) ? chronique (> 3 mois) ? En fonction de la pĂ©riodicitĂ©, on peut supposer que les mĂ©canismes de douleur vont changer. Bien quâil ne faille pas tomber dans ce stĂ©rĂ©otype, on pourrait imaginer quâau plus les douleurs sont chroniques au plus cela devient « complexe » et multifactoriel. Bien entendu, câest dĂ©jĂ le cas en aigue mais peut-ĂȘtre dans une moindre mesure.Â
Câest Ă©galement lors de cette Ă©tape puis plus tard avec les tests de provocation, que nous allons jauger lâirritabilitĂ© du patient.Â
8) Prenez en compte la personnalitĂ© et les perceptions du patient. Les patients perçoivent diffĂ©remment des symptĂŽmes similaires. Par exemple, le patient qui prĂ©sente un comportement dâauto-manipulation pendant l'entretien (par exemple faire une rotation de la colonne vertĂ©brale pour amorcer un craquement) accordent gĂ©nĂ©ralement une prioritĂ© Ă©levĂ©e au rĂ©flexe d'Ă©tirement. Ce mĂȘme patient dĂ©clarera probablement aimer le yoga et les Ă©tirements quotidiens. En revanche, un autre patient percevra les Ă©tirements comme inconfortables - il perçoit le rĂ©flexe d'Ă©tirement diffĂ©remment.
Ces 2 patients ont besoin d'approches cliniques diffĂ©rentes. De la mĂȘme maniĂšre, certains perçoivent le travail musculaire comme une douleur, tandis que d'autres perçoivent la diffĂ©rence entre le travail musculaire et le mal de dos. En distinguant ces 2 prĂ©sentations et en aidant les patients Ă interprĂ©ter leur perception, on augmentera leur observance. Il sera Ă©galement intĂ©ressant dâinvestiguer les croyances du patient sur sa douleur, sur lâimpact de la douleur dans sa vie, sur lâimage quâil se fait de son dos, sur le contrĂŽle quâil exerce sur sa douleurâŠ
9) Effectuer des tests de provocation. AprÚs avoir observé le patient s'asseoir, se lever d'une chaise, se tenir debout et marcher, vous avez développé une hypothÚse de diagnostic. Une fois que vous soupçonnez que des tissus spécifiques sont endommagés ou sensibles, vous pouvez leur appliquer une contrainte pour voir si elle provoque une douleur. Il s'agit d'un test de provocation.
De nombreux patients ont des présentations plus complexes, avec plusieurs tissus impliqués. Néanmoins, la procédure de provocation indique toujours quelle posture, quel mouvement et quelle charge provoque la douleur, ainsi que les mouvements, posture et charges spécifiques à éviter lors de la conception des exercices thérapeutiques. En général, la description faite par les patients des activités qu'ils trouvent exacerbant pour leur douleur guidera votre décision quant aux tissus à charger et à solliciter.
Comme nous lâavons mentionnĂ© au-dessus, câest Ă©galement lors de cette Ă©tape que le patient va nous donner une idĂ©e du niveau dâirritabilitĂ© dans lequel il se trouve. Si le patient est particuliĂšrement irritable, il sera trĂšs facile de reproduire sa douleur. Câest dâailleurs chez ces patients que nous retrouverons souvent des positions antalgiques (ex : shift du bassin). A lâautre extrĂȘme, si le patient est peu irritable, le thĂ©rapeute devra aller chercher plus loin dans lâamplitude ou en ajoutant une surpression pour reproduire les symptĂŽmes du patient. Chez ces patients peu irritables, la douleur disparaĂźt assez vite lorsque la position / surpression algique est retirĂ©e.
Tous ces Ă©lĂ©ments seront importants Ă Ă©valuer puisque le dĂ©but du traitement va ĂȘtre diffĂ©rent en fonction de lâirritabilitĂ© du patient. Ăgalement, est-ce quâon retrouve chez notre patient des sensibilisations des structures qui sont plutĂŽt dâorigine psychosocial comme le stress, l'anxiĂ©tĂ©, les croyances dĂ©lĂ©tĂšres, les conflits familiaux, professionnels⊠Ces facteurs peuvent engendrer un niveau de vigilance du systĂšme nerveux plus important et par consĂ©quent une perception de douleur plus importante. Il est Ă©galement possible que le SN en tant que tel soit la structure hyperactive vĂ©hiculant ainsi une information beaucoup trop forte par rapport Ă la rĂ©alitĂ© ? Dans la majoritĂ© des cas, il est probable de rencontrer un patient avec un Ă©tat mixte.Â
10) Réaliser une évaluation fonctionnelle. Pour déterminer si le patient bouge de façon efficace et en économisant sa colonne vertébrale, il faut utiliser un screening fonctionnel. En outre, le screening fonctionnel indique la pertinence d'un exercice spécifique ou sert de test de qualification avant la prescription d'exercice.
Selon certains auteurs, lâanamnĂšse est une Ă©tape dĂ©cisive dans la dĂ©tection des diffĂ©rents types de douleurs. Selon lâIASP, il est possible de dĂ©finir trois types de douleurs. La premiĂšre est la douleur nociceptive, elle rĂ©sulte de dommages rĂ©els ou craints par des tissus non neuraux et est dĂ©clenchĂ©e par l'activation des nocicepteurs. La seconde est la douleur neuropathique. Elle est dĂ©finie comme une douleur qui est la consĂ©quence directe dâune lĂ©sion ou dâune maladie touchant le systĂšme somatosensoriel » (International Association for the Study of Pain (IASP), 2011).
Finalement, la douleur neuroplastique (ou sensibilisation centrale) est dĂ©finie comme « lâaugmentation de la rĂ©ponse des neurones du systĂšme nerveux central Ă des stimulus d'intensitĂ© normale ou sous liminaire ». Ă ces douleurs, dĂ©finies par lâIASP, certains auteurs proposent dâajouter la dĂ©finition de la douleur mixte. Cette derniĂšre dĂ©signe un « chevauchement complexe des diffĂ©rents types de douleur connus (nociceptive, neuropathique, nociplasique) dans n'importe quelle combinaison, agissant simultanĂ©ment et/ou en concurrence pour provoquer une douleur dans la mĂȘme zone corporelle.
Chaque mĂ©canisme peut ĂȘtre plus cliniquement prĂ©dominant Ă tout moment. La douleur mixte peut ĂȘtre aigue ou chronique » (Freynhagen et al., 2019).
Ainsi, il sera donc possible de définir le type de douleur auquel on se confronte :
Selon Nijs, il est possible Ă travers lâanamnĂšse de poser 5 questions pour soupçonner la prĂ©sence dâune douleur neuropathique (Nijs et al., 2015) :
- Y a-t-il eu des antécédents de lésion ou de maladie du systÚme nerveux ?
- Si des comorbidités sont présentes, sont-elles liées à une douleur neuropathique (par exemple : cancer, accident vasculaire cérébral, diabÚte, zona ou maladie neurodégénérative) ?
- La distribution de la douleur est-elle neuroanatomique ?
- La douleur est-elle décrite comme une sensation de brûlure ou de piqûre ?
- La localisation du dysfonctionnement sensoriel est-il neuroanatomique ?
Selon Freynhagen (Freynhagen et al., 2020), il est possible Ă travers les 9 questions suivantes de suspecter lâorigine de la douleur (neuropathique, nociceptive, mixte) :
- « OĂč ressentez-vous exactement votre douleur ? Veuillez marquer les zones douloureuses dans ce dessin de la douleur (Body chart)»
- « Quels mots utiliseriez-vous pour décrire votre douleur ? »
- « Depuis combien de temps ressentez-vous votre douleur ? »
- « Sur une échelle de 0 à 10, quelle est l'intensité de votre douleur au repos et pendant le mouvement ? »
- « Ressentez-vous constamment de la douleur, plus en mouvement ou plus au repos ? »
- « Votre douleur est-elle liée à une cause identifiable ? Comment cela a-t-il commencé et s'est-il développé ? »
- « Qu'avez-vous fait pour traiter votre douleur ? »
- « Votre douleur vous a-t-elle causé une détresse psychologique ? »
- « Avez-vous ressenti d'autres symptÎmes ou changements qui vous ont inquiété ? »
De mĂȘme, cette anamnĂšse pourrait permettre au thĂ©rapeute de dĂ©tecter les patients prĂ©sentant des instabilitĂ©s (radiologiques et/ou fonctionnelles) Ă travers lâobservation de ses dĂ©placements ainsi que de ses sensations perçues comme le suggĂ©rait un consensus dâexperts en 2006 (Cook et al., 2006). On retrouvera par exemple :
- Des sensations de dos qui cĂšde,
- Un besoin de la part du patient de réaliser fréquemment des auto-manipulations afin de faire « craquer » le dos,
- Des épisodes de symptÎmes fréquents,
- Un faible contrĂŽle lombo-pelvien et une mauvaise proprioception,
- Une faible coordination neuromusculaire avec la présence de tremblements, une faiblesse musculaire en force et en endurance,
- Des mouvements aberrants avec des shift latéraux lors de mouvements actifs,
- Le Signe de Gower : le patient doit appuyer ses mains sur les jambes afin de réaliser un retour de flexion.
Il est Ă noter que selon les guidelines du JOSPT datant de 2012 (Delitto et al., 2012), la prĂ©sence de mouvements aberrants pourrait ĂȘtre dĂ©celĂ©e :
- le patient note une douleur lors du retour de la flexion lombaire Ă une position neutre mais pas dans les fins dâamplitude,
- lorsque le patient dévie du plan sagittal en réalisant une flexion ou une extension,
- lorsque le patient doit sâaider de ses mains pour se relever dâune position en flexion (signe de Gower)
- lorsque le patient rĂ©alise une flexion de genou avant de se relever lorsque ce dernier Ă©tait pliĂ© en avant (on parle ici dâune inversion du rythme lombopelvien).
LâanamnĂšse sera aussi lâoccasion de dĂ©celer les potentiels Red Flags que nous allons aborder dans la prochaine partie.
c -Diagnostic Différentiel et Red Flags
âAvec lâanamnĂšse prĂ©cĂ©demment Ă©noncĂ©e, vient un concept dâimportance cruciale dans le diagnostic kinĂ©sithĂ©rapique : celui de « Red Flags » ou « drapeaux rouges ». Ce concept est dâautant plus dâactualitĂ© que la prise en charge de la lombalgie en premiĂšre intention par les kinĂ©sithĂ©rapeutes fait partie intĂ©grante du pacte de refondation des urgences, prĂ©sentĂ© par Mme AgnĂšs Buzyn en Septembre 2019. Ainsi, le journal officiel parue le 8 mars 2020 prĂ©sente lâautorisation du protocole de coopĂ©ration intitulĂ© « Prise en charge de la douleur lombaire aiguĂ« infĂ©rieure Ă 4 semaines par le kinĂ©sithĂ©rapeute dans le cadre dâune structure pluri-professionnelle » (MinistĂšre des SolidaritĂ©s et de la SantĂ©, 2020).
Au sein de ce protocole de coopĂ©ration figure « lâĂ©valuation des drapeaux rouges et jaunes ». Ainsi, la dĂ©tection des Red Flags sâinscrit dans le champ de compĂ©tence du kinĂ©sithĂ©rapeute et doit donc ĂȘtre rĂ©alisĂ©e obligatoirement en premiĂšre intention afin dâĂ©viter toute contre-indication Ă un traitement kinĂ©sithĂ©rapique.
Par exemple, la non dĂ©tection dâune fracture vertĂ©brale pourrait avoir de lourdes consĂ©quences si le praticien rĂ©alisait de la thĂ©rapie manuelle par-dessus (Downie et al., 2013).
IntĂ©ressons-nous donc de plus prĂšs aux Red Flags. Ces derniers ont Ă©tĂ© dĂ©finis par Goodman et Snyder comme des « caractĂ©ristiques, des antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux et/ou de lâexamen clinique de lâindividu supposĂ©s ĂȘtre associĂ©s Ă un risque Ă©levĂ© de troubles graves » (Goodman & Snyder, 2013).
Pour lâheure actuelle, 163 signes et symptĂŽmes ont pu ĂȘtre reportĂ©s comme Red Flags (Finucane et al., 2020). Ces derniers peuvent ĂȘtre Ă©valuĂ©s lors dâune premiĂšre consultation, mais aussi lorsque la symptomatologie Ă©volue (Haute AutoritĂ© de SantĂ©, 2019a).
Parmi les pathologies graves Ă dĂ©tecter, on retrouve le cancer, le syndrome de la queue de cheval, la spondylarthrite ankylosante, lâinfection et la fracture vertĂ©brale (considĂ©rĂ©e comme la plus commune) (Bardin et al., 2017). Cependant, pour ĂȘtre efficace, le systĂšme des Red Flags doit ĂȘtre connu de tous dans son fonctionnement.
Pour mieux lâapprĂ©hender, dĂ©butons par un point essentiel Ă la comprĂ©hension du systĂšme Red Flag : le niveau de prĂ©occupation. On pourrait dĂ©finir le niveau de prĂ©occupation comme la « probabilitĂ© dâĂȘtre en prĂ©sence dâune pathologie grave ». Cette dĂ©cision se base sur le profil clinique du patient ainsi que sur les caractĂ©ristiques de la pathologie suspectĂ©e et la prĂ©sence de Red Flags. (Finucane et al., 2020).
En effet, les pathologies graves sont peu frĂ©quentes (moins de 1% (Urits et al., 2019)), ne touchent pas toute la population de maniĂšre Ă©gale et prĂ©sentent des signes et symptĂŽmes parfois connus (voire presque pathognomonique), parfois peu connus (et pouvant passer inaperçus). Alors, Ă lâheure de rĂ©aliser son raisonnement, le thĂ©rapeute doit prendre en compte lâensemble des Ă©lĂ©ments qui lui sont exposĂ©s :
- Exemple 1 : une femme de 55 ans avec antĂ©cĂ©dent de cancer au du sein (datant de 5 ans) se prĂ©sente avec des lombalgies chroniques exacerbĂ©es. Pour autant, le thĂ©rapeute doit il suspecter un dĂ©veloppement de mĂ©tastases chez cette patiente ? La rĂ©ponse est NON ! Se baser sur un seul Ă©lĂ©ment (en lâoccurrence lâantĂ©cĂ©dent de cancer) peut biaiser notre jugement et ce dâautant plus que peu de Red Flags utilisĂ©s de maniĂšre isolĂ©s seraient pertinents (Finucane et al., 2020).
â - Exemple 2 : La mĂȘme femme se prĂ©sente avec en plus une perte de poids et des douleurs nocturnes. Dans ce cas-lĂ , le thĂ©rapeute devrait il suspecter le dĂ©veloppement dâune mĂ©tastase ? La rĂ©ponse est OUI puisque de nombreux Red Flags sont prĂ©sents (antĂ©cĂ©dents de cancer, perte de poids, douleurs nocturnes) ! Il semble donc clair que lâassociation des Red Flags est lâun des meilleurs moyens de dĂ©tecter une pathologie grave mĂȘme si des Ă©tudes validant ce fonctionnement sont encore requises (Henschke et al., 2009).
Ainsi, selon le niveau de suspicion, le thĂ©rapeute devra mettre en place diffĂ©rentes dĂ©marches comme nous lâexplique le framework de Finucane et ses collaborateurs au sujet des Red Flags (Finucane et al., 2020) :
Maintenant que nous avons éclairci un premier point, intéressons-nous donc aux différentes pathologies graves, les Red Flags associés et leur pertinence.
- Le syndrome de la queue de cheval :
Cette pathologie se prĂ©sente lorsquâil existe une compression de la queue de cheval (un faisceau de cordons nerveux marquant la fin du tube neural au niveau de L2) et plus prĂ©cisĂ©ment des 20 nerfs dont elle est constituĂ©e (Drake, 2006). Un diagnostic rapide est essentiel afin dâĂ©viter des modifications irrĂ©mĂ©diables au niveau de la vessie ou des intestins ainsi que des dysfonctions sexuelles accompagnĂ©es de consĂ©quences psychologiques. Heureusement, cette pathologie nâest que peu frĂ©quente. La prĂ©valence de celle-ci ne serait que de 0,04% en premiĂšre intention (Long et al., 2020).Â
La compression se produirait gĂ©nĂ©ralement Ă la suite dâune hernie discale (ce syndrome constitue dâailleurs une complication dans 2% des cas des hernies discales (Dionne et al., 2019)) bien que dâautres causes pourraient y ĂȘtre liĂ©es (canal lombaire Ă©troit, chirurgie).
Le tableau ci-dessous présente les Red Flags les plus rencontrés (Finucane et al., 2020) :
- âLa Spondylarthrite Ankylosante :
Il sâagit dâun « rhumatisme inflammatoire chronique atteignant les articulations sacro-iliaques et la colonne vertĂ©brale » (Quevauvilliers et al., 2009). En termes de preÌvalence, certains articles proposent une preÌvalence de 0,1 aÌ 1% (Jordan & Rhon, 2012). Cette maladie sâinscrit dans le cadre des maladies inflammatoires (avec les arthrites, le rhumatisme psoriasique, les maladies de Crohn). On retrouve donc un cadre inflammatoire caractĂ©ristique avec une douleur localisĂ©e au niveau de la fesse, principalement nocturne et qui ne sâamĂ©liore pas avec le repos mais avec lâexercice ou en marchant. De mĂȘme, la douleur dĂ©bute de maniĂšre insidieuse, avant 45 ans et se caractĂ©rise par une certaine rigiditĂ© matinale durant une trentaine de minutes (Taurog et al., 2016).Â
La diapositive suivante présente les Red Flags les plus rencontrés (Bardin et al., 2017; National Institute for Health and Care Excellence, 2017) :
Nous noterons quâun rĂ©cent consensus mĂ©dical conseille la rĂ©orientation du patient auprĂšs dâun mĂ©decin rhumatologue lorsque le patient prĂ©sente 4 des 5 signes suivants : douleur lombaire qui a dĂ©butĂ© avant 35 ans, le patient marche durant la seconde partie de la nuit Ă cause de la douleur, douleur fessiĂšre, amĂ©lioration de la douleur avec le mouvement, amĂ©lioration de la douleur dans les 48 heures aprĂšs la prise dâun anti-inflammatoire, un parent au premier degrĂ© atteint de spondylarthrite ankylosante, une atteinte prĂ©sente ou passĂ©e dâarthrite (National Institute for Health and Care Excellence, 2017).
- âLa fracture vertĂ©brale :â
Cette pathologie se prĂ©sente principalement chez les patients ĂągĂ©s, en particulier chez les femmes. La prĂ©valence des fractures liĂ©es Ă lâostĂ©oporose serait de 0,7 Ă 4,5% en premiĂšre intention. Les fractures les plus frĂ©quemment rencontrĂ©es sont liĂ©es Ă des chocs normalement non traumatisants. Dâailleurs, il est considĂ©rĂ© que 20% des femmes au-dessus de 70 ans prĂ©sentent une fracture vertĂ©brale par ostĂ©oporose.
Comme dit tout Ă lâheure, se baser sur un seul Red Flag est souvent peu fiable. Câest dâautant plus le cas dans la dĂ©tection de la fracture vertĂ©brale (Williams et al., 2013). Il est intĂ©ressant de noter que le nombre de fractures rachidiennes augmente chez les plus jeunes en consĂ©quence de lâaugmentation de nombreux facteurs de risques comme la consommation excessive dâalcool.Â
La diapositive ci-dessous présente les Red Flags les plus rencontrés (Finucane et al., 2020) :
- âLes mĂ©tastases rachidiennes :â
Les mĂ©tastases rachidiennes font partie de ce que lâon appelle plus gĂ©nĂ©ralement les « tumeurs osseuses mĂ©tastasiques». En effet, lâos est un site frĂ©quent dâimplantation des mĂ©tastases et notamment de certains cancers (primaires) comme celui du poumon, de la prostate, du sein, des reins ou de la thyroĂŻde. Heureusement, ces mĂ©tastases sont peu frĂ©quentes et ne sont rencontrĂ©es que dans 0,7% des cas au maximum (bien que ces chiffres soient dĂ©jĂ trop Ă©levĂ©s). On considĂšre que ces tumeurs mĂ©tastasiques sont la seconde pathologie en termes de frĂ©quence (derriĂšre les fractures).
La diapositive ci-dessous présente les Red Flags les plus rencontrés (Finucane et al., 2020) :
- âLâinfection :
Affectant les structures rachidiennes, lâinfection touche le disque intervertĂ©bral ainsi que les tissus mous et les vertĂšbres. Son augmentation dans les pays « riches » pourrait ĂȘtre liĂ© Ă lâaugmentation de la consommation de drogues intraveineuses. De nombreuses infections peuvent se produire telles que les spondylodiscites, les abcĂšs ou tuberculoses spinales. Heureusement, lâincidence est minime (de 0,2 Ă 0,4 personnes pour 100 000 habitants) dans les pays occidentaux (Finucane et al., 2020).
La diapositive ci-dessous présente les Red Flags les plus rencontrés (Finucane et al., 2020) :
AprĂšs avoir abordĂ© les principaux Red Flags permettant de dĂ©tecter des pathologies rachidiennes graves, il semblait important de remarquer que lors dâune consultation en premiĂšre intention, le kinĂ©sithĂ©rapeute ne devrait pas se cantonner uniquement Ă rĂ©orienter ces patients-lĂ . En effet, selon le journal officiel, le thĂ©rapeute devrait aussi rĂ©orienter les patients pour les motifs suivants : accident du travail, traumatisme Ă forte cinĂ©tique (accident de voiture par exemple), grossesse, plaie Ă proximitĂ© du rachis, ponction lombaire infĂ©rieure Ă 14 jours, 3Ăšme lombalgie sur une pĂ©riode de 12 mois, chirurgie du rachis, troubles vasculaires des membres infĂ©rieurs, refus du patient dâĂȘtre pris en charge par un kinĂ©sithĂ©rapeute (MinistĂšre des SolidaritĂ©s et de la SantĂ©, 2020).
Finalement, pour terminer cette partie, abordons un moyen mnémotechnique afin de retenir tous ces Red Flags.
Le moyen mnĂ©motechnique le plus connu est surement TIN-TIV. Chaque initiale de cet acronyme correspond Ă un groupe de Red Flags Ă rechercher comme le montre lâinfographie ci-dessous.
En plus des pathologies graves devant ĂȘtre rĂ©-orientĂ©es vers un avis mĂ©dical, dâautres pathologies pourraient ĂȘtre Ă©cartĂ©es lors de lâanamnĂšse comme par exemple :
- La douleur de type radiculaire qui se caractĂ©risera par une douleur dans la jambe supĂ©rieure Ă celle perçue dans le dos. Ces douleurs, souvent unilatĂ©rales et localisĂ©es le long dâun dermatome se prĂ©senteront des formes lancinantes et pourront ĂȘtre aggravĂ©es par un Ă©ternuement.
- La radiculopathie se caractĂ©risera quant Ă elle par des sensations de fourmillements ou de paresthĂ©sies ainsi que par des pertes motrices (comme par exemple lâabsence de dorsiflexion).
- La stĂ©nose lombaire se caractĂ©rise quant Ă elle par une boiterie limitant le pĂ©rimĂštre de marche, une douleur bilatĂ©rale avec notamment des sensations de crampes. Ă ceci sâajoutera des douleurs augmentĂ©es en position dâextension (debout) et diminuĂ©es en flexion (assis) (Bardin et al., 2017).Â
Les tests spécifiques à ces différents diagnostics différentiels seront abordés dans la partie concernant les tests cliniques et les échelles.
Nous aurions pu rĂ©aliser dans la foulĂ©e lâidentification des drapeaux jaunes. Cependant, ces derniers ne constituent pas des critĂšres d'exclusion de prises en charge. Nous les aborderons donc dans les parties suivantes. De mĂȘme, lâidentification des radiculopathies ou autres syndromes radiculaires sera abordĂ©e dans une prochaine partie.
âD - Tests cliniques & Classifications, toujours dâactualitĂ© ?
Une fois lâĂ©limination des Red Flags rĂ©alisĂ©e, il est maintenant temps de sâintĂ©resser aux tests cliniques pertinents Ă effectuer auprĂšs de notre patient. Cependant, est-il encore utile de rĂ©aliser des tests cliniques Ă nos patients ?Â
Effectivement, cette question semble lĂ©gitime puisque comme nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment, dans une grande majoritĂ© de lombalgies, aucune structure ne semble ĂȘtre mise en cause comme gĂ©nĂ©ratrice de la douleur (Kjaer et al., 2018). Cependant, comme toute structure innervĂ©e peut contribuer Ă la gĂ©nĂ©ration de la douleur, certaines pourraient plus ĂȘtre plus souvent impliquĂ©es.Â
La black box prĂ©sente dans la diapositive ci-dessous, couramment utilisĂ©e par les Australiens illustre parfaitement la difficultĂ© de savoir ce quâil se passe rĂ©ellement dans le dos du patient. La douleur du patient reprĂ©sente la seule certitude en fin de compte. Il existe une multitude de symptĂŽmes : facettaire, sacro-iliaque, instabilitĂ©, spondylarthrite ankylosante, myofaciale, dĂ©gĂ©nĂ©rescence discale, etcâŠPar consĂ©quent, nous pouvons retrouver diffĂ©rentes sources nociceptives sans savoir laquelle traiter. Il est aujourdâhui tout Ă fait dĂ©passĂ© de dire « si tu as mal lorsque tu te penches en avant, il sâagit dâun problĂšme facettaire » ou bien « si tu as mal en te penchant en arriĂšre câest un problĂšme discal ». Il nây a aucun examen, aucun gold standard qui peut le dĂ©montrer.Â
Finalement, peut-ĂȘtre nâest-ce pas si important dans la mesure oĂč le thĂ©rapeute aura prĂ©alablement Ă©liminĂ© les « reds flags » et souhaite moduler les symptĂŽmes du patient. Quelle que soit la cause, Ă partir du moment oĂč le patient Ă©volue au fur et Ă mesure du traitement, câest peut-ĂȘtre tout ce qui importe. Il est frĂ©quent de rencontrer des patients qui souhaitent absolument trouver une explication mĂ©canique Ă leurs symptĂŽmes. Cependant, il est important de garder Ă lâesprit que si nous cherchions toujours Ă savoir ce que nous faisons en « profondeur » en tant que thĂ©rapeute, nous garderons une certaine frustration continue dans la mesure oĂč notre connaissance est limitĂ©e. Si ce que nous faisons et proposons permet de moduler les symptĂŽmes du patient, alors nous pouvons partir du principe que ça lui est adaptĂ©.
Bien que la source nous soit inconnue, il semblerait que pour une lombalgie rĂ©cente, les sources nociceptives soit dans la majoritĂ© des cas (pas systĂ©matiquement) de type articulaire (Balague et al. 2012 ; Hamidi et al. 2014). Bien entendu, ce nâest pas toujours le cas. Parfois la source nociceptive peut-ĂȘtre davantage de type musculaire notamment dans le cadre sportif, ou activitĂ© physique (ex : traumatisme lors du jardinageâŠ) avec des tensions myofaciales, des Ă©longations, etcâŠ. Dans cette hypothĂšse articulaire, nous retrouvons surtout des sources nociceptives qui sont dâorigine discale et/ou facettaire et/ou sacro-iliaque (Balague et al. 2012 ; Hamidi et al. 2014). Â
Pour tester ces structures, les auteurs ont intĂ©grĂ© dans leur Ă©tude des patients souffrant de lombalgies aigues puis leur ont injectĂ© des blocs anesthĂ©siques au niveau des facettes articulaires et des articulations sacro-iliaques. Les auteurs ont observĂ© une nette rĂ©duction des symptĂŽmes. Cette mĂ©thode a permis aux auteurs de conclure que dans 75% des cas, les individus souffrant de lombalgies aiguĂ«s prĂ©sentaient des altĂ©rations de ces structures (articulation zygapophysaires, disques intervertĂ©braux, articulations sacro-iliaques).Â
Chez les patients souffrant dâune lombalgie chronique, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que seulement dans 50% des cas il serait possible dâĂ©tablir des sources nociceptives articulaires (Aure et al. 2003 ; Laslett et al. 2005 ; OâSullivan 2013).Â
Il est intĂ©ressant de constater lâĂ©volution entre lombalgie aiguĂ« et chronique. Il semble se dĂ©gager davantage une tendance dâhypothĂšse mĂ©canique en « aigu » qui serait moins Ă©vidente en chronique. Cela sous-entend tout de mĂȘme quâun patient sur deux prĂ©senterait une composante mĂ©canique Ă sa douleur chronique.Â
Toutefois, malgrĂ© ces tendances, il est important de ne pas compter sur les stĂ©rĂ©otypes : aigu = articulaire et chronique = sensibilisation centrale. Il sâagit lĂ dâune fausse croyance.
Quoi qu'il en soit la connaissance de la mĂ©canique de la colonne vertĂ©brale permettra de dissiper ce mythe des problĂšmes lombaires non diagnostiquĂ©s et de rĂ©duire le pourcentage de ceux qui ont des problĂšmes lombaires dont la cause est inconnue.Â
Des modifications des plateaux vertĂ©braux de type Modic 1, le pincement discal, lâextrusion discale et la spondylose pourraient ĂȘtre Ă©galement associĂ©es aux lombalgies (Hartvigsen et al., 2018).
En consĂ©quence, si une structure nâest pas toujours identifiable comme source de la douleur, certaines structures pourraient cependant ĂȘtre plus souvent gĂ©nĂ©ratrices de douleur ! De plus, nous avons montrĂ© que la douleur ressentie par le patient est le fruit non pas dâune unique composante mais bel et bien de lâassociation entre de nombreux Ă©lĂ©ments (dont de nombreux sont encore difficiles Ă Ă©valuer).
Il est intĂ©ressant de remarquer que les tests cliniques orthopĂ©diques gĂ©nĂ©ralement rĂ©alisĂ©s sâinscrivent dans un cadre patho-anatomique oĂč le test est censĂ© rĂ©vĂ©lĂ© une lĂ©sion. Ainsi, si aucune structure nâa pu ĂȘtre impliquĂ©e, est-ce le test ou la signification quâon lui attribue qui est erronĂ©e ? Il est alors logique de se demander si le problĂšme vient du test clinique ou de la classification patho-anatomique qui lui est associĂ©e.
Les concepts de diagnostic et de classification existent depuis le 16Ăšme siĂšcle oĂč les mĂ©decins ont commencĂ© Ă classifier par le biais de cluster de symptĂŽmes et de signes cliniques. Ces notions de classification prennent racines aux dĂ©buts de la mĂ©decine oĂč un courant de pensĂ©e, appelĂ© « essentialisme » prĂŽnait le fait que chaque pathologie est formĂ©e dâune maniĂšre finie, avec des caractĂ©ristiques invariables et distinctes qui sont simplement en « attente de dĂ©couverte ». Ce courant de pensĂ©e a permis le dĂ©veloppement dâun second courant philosophique : le « nominalisme » qui se caractĂ©rise quant Ă lui par la croyance quâune classification devrait exister mĂȘme si lâĂ©tiologie de la maladie reste inconnue. Ainsi, mĂȘme si lâĂ©tiologie reste ignorĂ©e, un traitement peut quand mĂȘme ĂȘtre rĂ©alisĂ© grĂące aux catĂ©gories. La classification se base alors sur des signes et symptĂŽmes. Cependant, ces classifications prĂ©sentent des dĂ©fauts comme une relative subjectivitĂ© quant au choix des critĂšres permettant la classification (Zimny, 2004).
En kinĂ©sithĂ©rapie, le mĂȘme problĂšme se retrouve frĂ©quemment comme en tĂ©moigne une revue systĂ©matique de 2011. Cette derniĂšre s'Ă©tait focalisĂ©e sur la pertinence des diffĂ©rentes classifications en kinĂ©sithĂ©rapie :
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Premier constat : sur 60 Ă©tudes retenues, 28 classifications diffĂ©rentes ont pu ĂȘtre reportĂ©es.
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DeuxiĂšme constat : si lâutilisation dâune classification reste une intention louable dâun point de vue « mĂ©canique » afin de suivre une dĂ©marche physiopathologique (« douleur discogĂ©nique », etcâŠ), elle ne sâaccompagne pas forcĂ©ment dâune amĂ©lioration des rĂ©sultats dans le temps. Il en est de mĂȘme pour les classifications utilisant le pronostic du patient ou celles basĂ©es sur la rĂ©ponse au traitement (Fairbank et al., 2011). Par exemple, une revue rĂ©cente a pu montrer que lâutilisation dâune classification selon le systĂšme MDT (« Mechanical Diagnosis and Therapy » ou Mckenzie) ne sâaccompagnait pas dâune amĂ©lioration des rĂ©sultats en rĂ©fĂ©rence Ă dâautres types de prise en charge (Sanchis-SĂĄnchez et al., 2020).
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TroisiĂšme constat de la revue systĂ©matique : lâusage dâun seul systĂšme de classification ne devrait pas ĂȘtre utilisĂ©. Seule une classification basĂ©e sur le traitement pourrait prĂ©senter de meilleurs rĂ©sultats (Fairbank et al., 2011).
QuatriĂšme et dernier constat : un observateur entraĂźnĂ© Ă classifier dans un systĂšme de classification (comme le systĂšme MDT) amĂ©liorerait la fiabilitĂ© de lâĂ©valuation. Il faut aussi rajouter que les classifications utilisant peu de catĂ©gories permettraient aux thĂ©rapeutes de devenir plus confiant dans le traitement. Dâailleurs, un des principaux facteurs favorisant une classification plus quâune autre serait le fait que le praticien croit en cette classification (Foster et al., 2011).
Mais du coup, les classifications, câest pour le confort du patient ou du thĂ©rapeute ?
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Pour rĂ©pondre Ă cette question il faut sâintĂ©resser Ă ce quâest une classification en soi. La classification peut ĂȘtre dĂ©finie comme « lâaction de distribuer par classes, par catĂ©gories ». Ces derniĂšres font appel Ă un processus cognitif connu : la catĂ©gorisation. Ce processus dĂ©signe une activitĂ© mentale consistant Ă placer un ensemble d'objets dans diffĂ©rentes catĂ©gories en fonction de critĂšres communs. Son objectif principal est de structurer les informations de maniĂšre mĂ©morisable et fonctionnelle. Ainsi, la catĂ©gorisation peut ĂȘtre vue comme un outil de simplification des perceptions (Robinson & Tajfel, 1996).
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Cependant, le processus de catĂ©gorisation nâest pas fiable Ă 100% et peut parfois conduire Ă des stĂ©rĂ©otypies. Ces stĂ©rĂ©otypies peuvent ĂȘtre dĂ©finies comme une perception dâune correspondance entre lâappartenance Ă un groupe et la possession dâune caractĂ©ristique (Robinson & Tajfel, 1996). Par consĂ©quent, sur quels critĂšres se base-t'on pour Ă©laborer ces catĂ©gorisations ? Sur lâensemble des critĂšres prĂ©sentant le patient ou sur certains critĂšres prĂ©cis et unificateurs ? GĂ©nĂ©ralement, les catĂ©gorisations sont faites sur des critĂšres unificateurs et faciles Ă intĂ©grer. En sciences cognitives, un excellent exemple de cette rĂ©flexion sâappelle la « thĂ©orie du prototype ». Il sâagit dâun modĂšle de catĂ©gorisation dans lequel certains membres de la catĂ©gorie sont considĂ©rĂ©s comme plus reprĂ©sentatifs que dâautres. Â
En kinĂ©sithĂ©rapie, les lombalgies sont souvent classĂ©es dans diffĂ©rentes catĂ©gories. Si ces classifications existent, câest parce quâelles permettent de comprendre et dâexpliquer les phĂ©nomĂšnes observables cliniquement et dans la recherche scientifique. Sans ces modĂšles, il serait difficile dâĂ©valuer la portĂ©e dâun traitement.
Si nous devions trouver un point commun Ă toutes ces classifications, câest que la grande majoritĂ© (pour ne pas dire la totalitĂ©) se base sur un modĂšle thĂ©orique prĂ©cis (contrĂŽle moteur, rĂ©sorption du disque, etc...). Cependant, lâanalogie entre la thĂ©orie et la pratique clinique nâest pas toujours claire (Nilsen, 2015). Ainsi, il arrive que lâusage de certaines classifications sâaccompagnent dâamĂ©liorations cliniques tout en ayant un cadre thĂ©orique (partiellement) erronĂ©.
Un exemple clair et concret est celui de lâĂ©volution du modĂšle MDT.
Lors du dĂ©veloppement du concept Mckenzie (comme on lâappelait Ă lâorigine), les traitements se basaient en partie sur un modĂšle de biomĂ©canique discale mettant en cause un disque intervertĂ©bral herniĂ© avec dĂ©placement du gel (Sagi, 2012). Les Ă©tudes rĂ©alisĂ©es durant de nombreuses annĂ©es ont pu montrer lâefficacitĂ© de cette thĂ©rapie chez les individus lombalgiques prĂ©sentant une hernie discale (Machado & De Souza, 2006).
Cependant, des annĂ©es plus tard, ce mĂȘme modĂšle biomĂ©canique a Ă©tĂ© mis Ă mal avec des Ă©tudes montrant que les exercices dâextension de type McKenzie ne sâaccompagnaient pas systĂ©matiquement dâune redistribution du contenu discal (Abdollah et al., 2018). Alors, peut-on penser que cette classification Ă©tait correcte ? Oui et non. Dâun point de vue clinique, elle fonctionnait plutĂŽt bien alors que la thĂ©orie sur laquelle elle Ă©tait fondĂ©e se rĂ©vĂ©lait plus controversĂ©e.
Ă ceci sâajoute le fait que la lombalgie possĂšde une Ă©volution naturelle, influencĂ©e par des facteurs externes Ă la « pathologie » en elle-mĂȘme (comme lâempathie du thĂ©rapeute par exemple).
Avant dâanalyser M Blanc, patient lombalgique, reprenons ce que nous venons dâaborder Ă lâaide dâune analogie : si nous comparons le kinĂ©sithĂ©rapeute Ă un ornithologue, il est essentiel que ce dernier prenne en compte lâensemble des caractĂ©ristiques du volatile quâil observe sous peine de passer Ă travers sa description.
De la mĂȘme maniĂšre, le thĂ©rapeute doit prendre lâensemble des caractĂ©ristiques quâil a sous les yeux sans se rĂ©duire Ă catĂ©goriser son patient au sein dâune classification parfois rĂ©ductrice. GrĂące Ă ces analogies, il est donc facile de comprendre que les classifications, bien quâutiles dans un souci de comprĂ©hension de la situation qui se prĂ©sente, ne permettent pas une prise en charge intĂ©grale dont a besoin le patient dont on sâoccupe.
Maintenant que nous avons fait le point sur les classifications, il est temps de sâintĂ©resser aux tests cliniques.
Plus connus sous le nom de tests spéciaux ou tests orthopédiques, ils sont depuis peu sous le feu des projecteurs. En cause, leur incapacité à révéler une structure « défectueuse » est de plus en plus mise en évidence.
Un exemple concret dans les lombalgies est le trĂšs connu test de rotation en extension afin de dĂ©tecter une douleur dâorigine facetaire (ou zygapophysaire). Test appris par la plupart des kinĂ©sithĂ©rapeutes durant leur formation initiale, ce test a fait lâobjet dâune revue systĂ©matique en 2016.
Selon elle, lâexamen physique des facettes articulaires associĂ© Ă une anamnĂšse ne permettrait pas dâaffirmer la prĂ©sence dâun blocage facetaire (Maas et al., 2017). Alors devant ce genre dâĂ©tudes, devrions nous oublier tous ces tests comme lâont suggĂ©rĂ© certains auteurs dans dâautres zones du corps (Salamh & Lewis, 2020) ou devrions-nous persister dans lâusage de ces tests comme nous le montre de nombreux bouquins dĂ©diĂ©es Ă lâĂ©valuation clinique (Cleland et al., 2018)(Rubinstein & van Tulder, 2008).
Tout dâabord,  comme nous avons pu lâaborder prĂ©cĂ©demment, il est important de se dĂ©tacher dans la plupart des cas de la vision basĂ©e sur une structure dĂ©fectueuse (Cook, 2010). En effet, de nombreuses Ă©tudes ont pu montrer que la source tissulaire de nombreuses formes de douleur musculo-squelettique ne peut ĂȘtre spĂ©cifiĂ©e chez la majoritĂ© des patients (Reiman & Manske, 2011).
Ainsi, lâusage dâun test ne serait pas pertinent pour incriminer une structure en particulier. Ensuite, si les tests permettent de gagner du temps par le biais dâune dĂ©cision simplifiĂ©e en mode « oui/non », cela se fait parfois au prix de biais dans la dĂ©cision que chaque test procure (Cook, 2010; Hegedus et al., 2017).
Un exemple bien concret de biais cognitif est le « recency effect » que lâon pourrait traduire comme un « effet de position sĂ©rielle ». Ce dernier se produit lorsque le clinicien accorde plus de valeur Ă une constatation effectuĂ©e Ă la toute fin de l'examen (et gĂ©nĂ©ralement, les tests cliniques sont laissĂ©s pour la fin de lâĂ©valuation). Avant de prĂ©senter les tests cliniques les plus couramment utilisĂ©s, il nous semblait important de relativiser sur leur valeur, mais aussi sur lâinterprĂ©tation personnelle que lâon en fait et lâinfluence de ces donnĂ©es sur le choix de traitement.
Heureusement, si ces tests doivent ĂȘtre pris avec du recul, quelques marqueurs sur la qualitĂ© des tests existent. Des termes tels que la sensibilitĂ©, la spĂ©cificitĂ© et les ratios de vraisemblance positifs et nĂ©gatifs aident Ă Ă©valuer un test (Cook, 2010). Pourtant, il est important de rappeler que la plupart des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sont de basses qualitĂ©s avec de nombreux biais. De plus, ces Ă©tudes sâinscrivent pour la plupart du temps dans des conditions non rĂ©elles sous la forme dâĂ©tudes « cas-contrĂŽle » ne reflĂ©tant pas la pratique rĂ©elle et la pluralitĂ© des patients (Hegedus et al., 2017).
Par consĂ©quent, si nous devions conserver les tests cliniques dans notre pratique, peut-ĂȘtre faudrait-il se rapprocher de la vision avancĂ©e par Salamh et Lewis en 2020 : pour eux, les tests  spĂ©ciaux ne devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s que comme des tests de provocation de la douleur (Salamh & Lewis, 2020).
Ainsi, comme lâavançait dĂ©jĂ dâautres auteurs, ces tests ne seraient probablement pas la solution miracle vers un diagnostic raccourci. En revanche, ils sont sĂ»rement des Ă©lĂ©ments de lâexamen physique permettant de mettre en contexte un problĂšme sous-jacent (comme un manque de force, un dĂ©ficit de mobilitĂ©, une douleur augmentĂ©e lors dâun test de la sacro-iliaque, etcâŠ) (Hegedus et al., 2017).
Tests cliniques & Ă©chelles, lesquels choisir ?
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Sâil est clair que les tests cliniques ont encore de beaux jours devant eux, et ce malgrĂ© la tempĂȘte quâils ont pu traverser, il est maintenant lâheure de dĂ©finir les tests les plus « fiables » selon la littĂ©rature actuelle. Afin dâĂȘtre le plus clair possible, nous analyserons donc successivement les facteurs biologiques, puis les facteurs « psycho-sociaux » avant de finir par lâĂ©valuation de la douleur en elle-mĂȘme. Il est important de retenir que dans la majoritĂ© des cas, un seul Ă©lĂ©ment ne suffit pas pour expliquer une douleur.
Les prochains paragraphes prĂ©sentĂ©s ci-dessous ne sont pas une liste exhaustive des tests rĂ©alisables dans les lombalgies. En revanche, ils sont basĂ©s surs deux articles dâintĂ©rĂȘt : le premier est une revue systĂ©matique de 2017 ayant pour but dâĂ©laborer des rĂšgles de diagnostic clinique (Petersen et al., 2017) tandis que le second est un article datant de 2019 dont lâobjectif Ă©tait dâĂ©tablir une checklist des points Ă Ă©valuer en prenant en considĂ©ration la littĂ©rature scientifique du moment (Vining et al., 2019).
Tests cliniques orientés vers les facteurs biologiques/biomécaniques
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Dans un premier temps, abordons les tests permettant de mettre en cause une possible source localisée de la douleur.
A propos du disque intervertĂ©bral et les douleurs dâorigine discogĂšne, les tests de centralisation des symptĂŽmes basĂ©s sur les principes de lâĂ©valuation McKenzie sembleraient pertinents. Dans ce type dâĂ©valuation, le patient rĂ©alise des mouvements suivant une prĂ©fĂ©rence directionnelle hypothĂ©tique.
La centralisation des symptĂŽmes (douleurs sâapprochant de la racine du membre) traduirait alors la prĂ©sence dâun trouble plutĂŽt discogĂšne. Concernant sa valeur scientifique, une revue rĂ©cente a pu montrer que la centralisation des symptĂŽmes possĂ©dait un ratio de vraisemblance positif Ă©levĂ©.
Ainsi, le test de centralisation pourrait ĂȘtre utilisĂ© afin dâincriminer le disque intervertĂ©bral dans lâorigine de la douleur (Reiman et al. 2011). Cependant, les articles sur lesquels se base la revue ne prĂ©sentaient pas le nombre de rĂ©pĂ©titions Ă rĂ©aliser (bien que gĂ©nĂ©ralement, 10 rĂ©pĂ©titions sont rĂ©alisĂ©es dans le test des rĂ©pĂ©titions de Mckenzie (Kjaer et al. 2012).
En ce qui concerne les articulations zygapophysaires (et lâhypo mobilitĂ© facettaire qui y serait liĂ©e), le test dâextension et rotation ne permettrait pas dâaffirmer la prĂ©sence dâune hypo mobilitĂ© facettaire (Maas et al., 2017; Petersen et al., 2017). Cependant, pour amĂ©liorer ce test, Laslett proposa un cluster devant comprendre 4 Ă©lĂ©ments minimum parmi : un Ăąge > 50 ans, une douleur initiale au niveau paraspinal, une douleur attĂ©nuĂ©e par la marche, une douleur attĂ©nuĂ©e en position assise et un test dâextension rotation positif.
Ă noter que le test dâextension et rotation doit ĂȘtre obligatoirement positif pour que le cluster soit valable. Ainsi, au niveau scientifique, il a pu ĂȘtre montrĂ© que ce « cluster » proposĂ© par Laslett ne prĂ©sentait pas les propriĂ©tĂ©s minimales pour incriminer les zygapophysaires. En revanche, il semblerait que la haute sensibilitĂ© du test dâextension rotation permettrait dâexclure toute implication des zygapophysaires (Laslett et al., 2006).
Pour mettre en Ă©vidence une implication des sacro iliaques, le cluster de Laslett positif accompagnĂ© dâune absence de centralisation est souvent avancĂ© comme un test permettant dâincriminer la sacro-iliaque. Ce dernier est considĂ©rĂ© comme positif lorsque 3 des 5 tests suivants sont positifs : le test de Gaenslen, le test de distraction iliaque, le test du thrust sacrĂ©, le test de compression et le test de thrust de la cuisse.
En termes dâĂ©vidence scientifique, jusquâen 2017, le cluster Laslett semblait pouvoir incriminer la sacro iliaque dans lâorigine de la douleur (LR+ de 7,0) (Petersen et al., 2017). Cependant, une revue de 2021 a pu montrer que ce dernier cluster ne pouvait pas ĂȘtre utilisĂ© afin dâincriminer la sacro iliaque mais quâil pouvait ĂȘtre utilisĂ© afin dâexclure cette derniĂšre (Saueressig et al., 2021).
Cluster de Laslett :
Test de Gaenslen :
AprÚs avoir utilisé des injections diagnostic, Young et al. (2003) ont déclaré que la douleur de l'articulation sacro-iliaque se produisait rarement au-dessus du niveau L5 ou autour de la ligne médiane ; ils ont plutÎt conclu qu'elles étaient beaucoup plus susceptibles de se produire unilatéralement (exacerbée par le fait de se lever d'une chaise) et était corrélées avec les tests positifs de provocation de la douleur de l'articulation sacro-iliaque décrits ci-dessus. Cependant, comme tous les tests, cela dépend de la capacité des cliniciens à diriger la force vers les articulations tout en épargnant les tissus environnants.
Concernant un possible syndrome myofascial douloureux, Travell et Simons ont proposĂ© un score composite adaptĂ© par lâIASP. Selon eux, un syndrome myofascial douloureux est Ă suspecter lors quâil y a : prĂ©sence dâune bande tendue palpable au sein dâun muscle, prĂ©sence dâun point hypersensible au sein de la bande avec ou sans reproduction dâune douleur rĂ©fĂ©rĂ©e, reconnaissance de la douleur par le patient. Pour autant, la fiabilitĂ© au sujet du syndrome myofascial reste faible au vue de la littĂ©rature actuelle (Petersen et al., 2017).
Au sujet dâune possible « instabilitĂ© » ou dĂ©faut de coordination, 4 tests sont frĂ©quemment employĂ©s : le test dâapprĂ©hension (ou « apprehension sign testâ), le test dâinstabilitĂ© 1 (ou âinstability catch sign test with/without ADIMâ), le test dâinstabilitĂ© 2 ou (âpainful catch sign test with/without ADIMâ) et le Prone instability test. Pourtant, mĂȘme sâils sont largement utilisĂ©s, ces tests ne prĂ©senteraient que peu dâintĂ©rĂȘt pris de maniĂšre isolĂ©s (sauf le test dâapprĂ©hension prĂ©sentant la meilleure fiabilitĂ©). Cependant, une Ă©tude rĂ©cente a pu montrer que lâutilisation de ces tests sous la forme dâun cluster de trois tests permettait dâobtenir un LR+ de 5,8 ce qui reprĂ©sente une Ă©vidence modĂ©rĂ©e « dâinstabilitĂ© » (Areeudomwong et al., 2020).
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Quels tests pour une instabilité lombaire ?
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Ă cĂŽtĂ© de ces tests, le test de Biering-Sorensen permettrait dâĂ©valuer la force des muscles extenseurs de la colonne. Ce test prĂ©senterait une bonne fiabilitĂ© inter examinateur justifiant son choix dans la recherche ou la pratique clinique (Denteneer et al., 2018; Vera-Garcia et al., 2019). Cependant, ce dernier serait moins sensible et spĂ©cifique que le « prone double straight-leg raise test » (Massoud Arab et al., 2007). Dâailleurs, une revue rĂ©cente conseille son application uniquement chez des hommes jeunes et en bonne santĂ© en lâattente de nouvelles Ă©tudes (Vera-Garcia et al., 2019).
Test de Sorensen :
Prone double straight-leg raise test :
Finalement, la Batterie de Tests  du « Lumbar Movement Control Dysfunction Screening » de Luomajoki peut ĂȘtre utilisĂ©e afin dâĂ©valuer des troubles de la coordination des muscles lombaires (H. Luomajoki et al., 2008). Comprenant une sĂ©rie de 6 tests (le « Waiters Bowâ, la bascule du bassin, lâĂ©quilibre sur une jambe, lâextension de jambe en position assise, le dĂ©placement du bassin en quadrupĂ©die et la flexion de genou en procubitus), cette batterie a pour objectif de dĂ©terminer le contrĂŽle du mouvement de la zone lombaire.
Il semble dâailleurs quâĂ partir de 2 tests positifs, le risque de lombalgie augmenterait (H. Luomajoki et al., 2008). Selon lâauteur, la reproductibilitĂ© de ces tests serait acceptable (H. Luomajoki et al., 2008). De plus, il semble que ces tests seraient rĂ©alisables de maniĂšre fiable par des kinĂ©sithĂ©rapeutes aguerris ou par des Ă©tudiants (Huysamen et al., 2021). Cependant, aucune Ă©tude nâa permis dâaffirmer lâaugmentation du risque de lombalgie dĂšs 2 tests positifs.
Batterie de tests de Luomajoki :
Tableau RĂ©capitulatif :
âTests cliniques orientĂ©s vers le Diagnostic DiffĂ©rentiel
â
Concernant les radiculopathies et autres atteintes nerveuses centrales, le test de LasĂšgue, ou SLR est frĂ©quemment utilisĂ©. Dâailleurs, une Ă©tude de 2008 montrait que le test SLR serait assez spĂ©cifique sur les hernies discales (Majlesi et al., 2008). Cependant, une revue systĂ©matique de 2012 montrait que la sensibilitĂ© du SLR pourrait ĂȘtre sur estimĂ©e (Scaia et al., 2012).
Test de LasĂšgue :
Afin dâamĂ©liorer la dĂ©tection de ces atteintes nerveuses, Hancock proposa un cluster composĂ© de 3 signes positifs parmi lesquels : douleur suivant un dermatome en lien avec la racine nerveuse atteinte, dĂ©ficit moteur associĂ© Ă la racine nerveuse, arĂ©flexie ostĂ©o-tendineuse associĂ©e Ă la racine nerveuse, troubles de la sensibilitĂ© associĂ© Ă la racine nerveuse (Hancock, Koes, et al., 2011). Une Ă©tude a alors pu montrer que lâusage des signes en isolĂ© ne permettait pas dâidentifier le niveau de la hernie discale en rĂ©fĂ©rence Ă une IRM. En revanche, lâutilisation simultanĂ©e des signes du Cluster de Hancock permettraient dâamĂ©liorer lâidentification en notant que la sensibilitĂ© et la spĂ©cificitĂ© restent basses (Hancock, Koes, et al., 2011).
Finalement, une Ă©tude de 2020 sâĂ©tant penchĂ©e sur la dĂ©tection des sciatiques a pu conclure que le test de LasĂšgue (ou SLR) prĂ©sentant une sensibilitĂ© de 0,87 et une spĂ©cificitĂ© de 0,43 et le SLUMP test, prĂ©sentant une sensibilitĂ© de 0,8 et une spĂ©cificitĂ© de 0,71 sont de bons tests. Cependant, ils pourraient prĂ©senter de nombreux faux positifs liĂ©s notamment aux adhĂ©rences pĂ©riphĂ©riques (Ischio-Jambiers, etcâŠ). En revanche, le fait de lâutiliser sous la forme de cluster (combinĂ© Ă dâautres tests comme le test de Bowstring), permettrait dâamĂ©liorer sa pertinence sans pour autant augmenter de maniĂšre notable la durĂ©e de lâĂ©valuation du patient (Berthelot et al., 2021).
Slump test :
Test de Bowstring :
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Dans le cas de la stĂ©nose lombaire, il semble que la sensibilitĂ© du cluster de Cook (initialement dĂ©crit Ă 4 signes positifs sur 5 minimum) permettrait dâĂ©viter des imageries inutiles. En revanche, dĂšs 4 signes positifs, une imagerie serait conseillĂ©e (Cook et al., 2011). Les 4 signes doivent faire partie des suivants : Ăąge > 48 ans, symptĂŽmes bilatĂ©raux, douleur aux jambes > douleur dans le dos, douleur durant la marche, douleur attĂ©nuĂ©e en position assise. A cette rĂšgle peut venir sâadditionner un test de marche en flexion (gĂ©nĂ©ralement rĂ©alisĂ© Ă travers de la marche sur un plan inclinĂ©). Ainsi, en complĂ©ment de la rĂšgle de Cook, Petersen conseille la rĂ©alisation dâun test de tolĂ©rance en flexion (Petersen et al., 2017).
Concernant un possible spondylolisthĂ©sis, de nombreux thĂ©rapeutes se basent sur la combinaison de deux signes : la prĂ©sence dâun glissement intervertĂ©bral Ă lâinspection ainsi que la palpation et la mesure de la mobilitĂ©. Selon une revue datant de 2017, la prĂ©sence dâun glissement intervertĂ©bral combinĂ© Ă une hyper mobilitĂ© permettrait de mettre en valeur un spondylolisthĂ©sis (Petersen et al., 2017). Ă ceci pourrait sâajouter le test dâextension lombaire passif. En effet, ce dernier prĂ©senterait la plus grande sensibilitĂ©, spĂ©cificitĂ© et taux de vraisemblance positif. Il pourrait donc ĂȘtre utilisĂ© en pratique clinique pour Ă©valuer un spondylolisthĂ©sis (Alqarni et al., 2011).
En ce qui concerne les douleurs radiculaires de type sciatalgie ou cruralgie ayant pour origine une structure plus « pĂ©riphĂ©rique », le test SLR prĂ©sentant au moins deux manĆuvres sensibles (par exemple avec une dorsiflexion de cheville ou avec extension de genou) et le SLUMP test sont frĂ©quemment utilisĂ©s. Cependant, ces derniers ne prĂ©senteraient pas une validitĂ© diagnostique rigoureuse (Petersen et al., 2017). Il est aussi intĂ©ressant dâajouter quâune amplitude diminuĂ©e ne serait pas associĂ©e Ă une mĂ©cano sensibilitĂ© plus importante et que la reproduction des symptĂŽmes perçus par le patient devrait faire partie intĂ©grante du critĂšre de positivitĂ© du test (Shacklock, 2005). Le test de LĂ©ri (ou PKB test) ayant pour objectif dâĂ©valuer une possible cruralgie aurait quant Ă lui une sensibilitĂ© de 50% et une spĂ©cificitĂ© de 100% (Suri et al., 2011).
Test de LĂ©ri :
Concernant le syndrome du piriforme, seul un consensus dâexperts sâest intĂ©ressĂ© au sujet avec une Ă©vidence scientifique maigre (Petersen et al., 2017). Pourtant, certains auteurs considĂšrent que le syndrome piriforme pourrait avoir une prĂ©valence de 6,3% chez les patients avec lombalgie associĂ©e Ă une sciatalgie (Hopayian & Danielyan, 2018). Ainsi, le syndrome du piriforme se caractĂ©riserait par : une douleur sur la rĂ©gion fessiĂšre avec irradiation sur une jambe, une sensibilitĂ© au niveau de la grande incisure ischiatique, une douleur augmentĂ©e en position assise, et une sensibilitĂ© aux tests spĂ©cifiques du syndrome piriforme (comme le âFAIR testâ ou le « HCLK »).
Fair test :
HCLK :
Finalement, au sujet des fractures, la rĂšgle de Hensche, composĂ©e de 3 Ă©lĂ©ments (Ăąge >70 ans, usage prolongĂ© de corticoĂŻdes et traumatisme significatif) permettrait de mettre en valeur une fracture vertĂ©brale. Pourtant, selon certains auteurs, cette derniĂšre ne serait pas suffisante mĂȘme si lâabsence de ces 3 Ă©lĂ©ments permettrait dâĂ©liminer le risque de fracture (Petersen et al., 2017). Cependant, comme lâa montrĂ© le Framework dĂ©diĂ© aux Red Flags, câest lâassociation des signes qui doit alerter le praticien (Finucane et al., 2020).
Tableau RĂ©capitulatif :
e - Ăvaluation des facteurs psychologiques et sociaux
AprĂšs avoir abordĂ© les tests cliniques centrĂ©s sur les facteurs biologiques, il est dĂ©sormais temps de sâintĂ©resser aux facteurs psycho-sociaux. PrĂ©cĂ©demment, nous avons dĂ©taillĂ© le fonctionnement des Red Flags. Abordons dĂ©sormais les autres types de drapeaux :
- Les drapeaux orange (Orange Flags) : ces drapeaux font référence aux troubles psychologiques sévÚres. Ils alertent donc le thérapeute sur des problÚmes sérieux pouvant relever du psychiatrique.
- Les drapeaux bleus (Blue Flags) : Ces drapeaux font rĂ©fĂ©rence Ă la perception que possĂšde le patient de son travail. Il sâagit par exemple des mauvaises relations au travail.
- Les drapeaux noirs (Black Flags) : ces drapeaux font eux aussi référence à la perception du travail ressenti par le patient. Mais cette fois-ci, les facteurs ne sont pas contrÎlables par le patient.
- Les drapeaux jaunes (Yellow Flags) : ces drapeaux dĂ©signent des barriĂšres psychosociales Ă la rĂ©Ă©ducation qui pourraient augmenter le risque de chronicitĂ© (Keeley et al., 2008) mĂȘme si de nouvelles Ă©tudes devront Ă©tablir scientifiquement ce lien (Boissoneault et al., 2017) . Il sâagit par exemple du catastrophisme, de la kinĂ©siophobie, dâun faible sentiment dâauto-efficacitĂ©, du stress, de lâanxiĂ©tĂ©, des Ă©motions, des rĂ©actions face Ă la douleur. Il est aussi possible dây inclure les croyances sur les lombalgies et lâactivitĂ© physique en gĂ©nĂ©ral (Fournier, 2015; Jin et al., 2020).
Il est dĂ©sormais temps dâĂ©valuer les diffĂ©rents facteurs psychologiques Ă travers des scores spĂ©cifiques. Encore une fois, cette liste est non exhaustive et se base principalement sur trois articles rĂ©cents : le premier prĂ©sentait les principaux facteurs psychologiques impliquĂ©s dans la lombalgie ainsi que quelques outils pour pouvoir Ă©valuer ces points. Il Ă©tait donc logique de rĂ©utiliser cette revue abordĂ©e durant lâintroduction (Martinez-Calderon et al., 2020b). Le second est quant Ă lui basĂ© sur un point de vue rĂ©cent prĂ©sentant les facteurs de risque pouvant entraĂźner une chronicisation.
Il semblait donc important dâĂ©valuer les facteurs citĂ©s au sein de cet article (Boissoneault et al., 2017). Finalement le troisiĂšme est surement lâun des plus dĂ©terminants dans les Ă©chelles prĂ©sentĂ©es dans le tableau suivant puisquâil sâagit dâune Ă©tude prĂ©sentant un consensus sur la recommandation des Ă©chelles concernant lâĂ©valuation des kinĂ©siophobies, des stratĂ©gies de coping, dâautonomie et de catastrophisme (Sleijser-Koehorst et al., 2019).
En ce qui concerne la kinĂ©siophobie, la Tampa Scale (TSK)  fut dĂ©veloppĂ© par Kori dans les annĂ©es 90. Il est constituĂ© de 17 items. Un score Ă©gal ou supĂ©rieur Ă 40 signe la prĂ©sence dâune kinĂ©siophobie. Dâailleurs, lâimportance de la kinĂ©siophobie serait proportionnelle au score. Ce score a pu ĂȘtre validĂ© par de nombreuses Ă©tudes. Dâailleurs, on notera que deux types de comportement ont pu ĂȘtre dĂ©finis : Le patient centrĂ© sur lâĂ©vitement de lâactivitĂ© et le patient centrĂ© sur ses perceptions corporelles (Conradi & Masselin-Dubois, 2019).
Petite sĆur du score TSK, la Tampa Scale dans sa version courte (ou TSK-11) prĂ©senterait des valeurs psychomĂ©triques similaires Ă celles du TSK dâorigine avec lâavantage de se rĂ©aliser de maniĂšre plus courte (Woby et al., 2005). Cependant, elle n'est Ă notre connaissance pour lâinstant pas disponible en version française. Finalement, le Fear Avoidance Belief Questionnaire (FABQ) initialement dĂ©veloppĂ© par Waddell est un score composĂ© de 16 items permettant le calcul de deux scores : un premier sur les croyances et peurs liĂ©es au travail, un second sur les croyances et peurs liĂ©es aux activitĂ©s physiques. Ce score, largement validĂ© par la communautĂ© scientifique, prĂ©sente une version française dont les propriĂ©tĂ©s psychomĂ©triques seraient bonnes pour lâĂ©valuation des patients souffrant de lombalgies (Chaory et al., 2004).
Au sujet des stratĂ©gies de coping, le Coping StratĂ©gies Questionnaire (CSQ) fut dĂ©veloppĂ© Ă lâorigine par Rosentiel et Keefe. Il sâagit dâun score composĂ© de 48 items divisĂ©s en 8 sous Ă©chelles dont six font rĂ©fĂ©rences aux stratĂ©gies cognitives. Si ce test a pu ĂȘtre Ă©tudiĂ© et approuvĂ© Ă de nombreuses reprises, sa version française a pu ĂȘtre validĂ©e en 2008. Cette derniĂšre se caractĂ©rise par un remaniement du questionnaire en passant de 48 items Ă 21 items le rapprochant du CSQ-R (Irachabal et al., 2008; Monticone, Ferrante, Giorgi, et al., 2014). Cependant, malgrĂ© nos efforts, aucun questionnaire utilisable cliniquement nâa pu ĂȘtre trouvĂ©.
Autre test utile dans lâĂ©valuation des stratĂ©gies de Coping, le Chronic Pain Coping Index (CPCI) est un test qui fut dĂ©veloppĂ© par Jensen en 1991. Il a pour but dâĂ©valuer huit stratĂ©gies d'adaptations comportementales. Concernant sa valeur scientifique, une Ă©tude de 2006 a pu montrer la fiabilitĂ© du test dans sa version française (Truchon et al., 2006).
Concernant le sentiment dâauto-efficacitĂ©, le Pain Self Efficacy questionnaire fut dĂ©veloppĂ© par Nicholas en 1989. Il sâagit dâun score permettant dâĂ©valuer lâautonomie des patients en dĂ©pit de la douleur. Un score supĂ©rieur Ă 40 (sur 60) serait associĂ© Ă un meilleur taux de retour au travail ainsi quâun meilleur maintien des gains rĂ©alisĂ©s durant la rĂ©Ă©ducation (Nicholas, 2007).
Ă propos du catastrophisme, le Pain catastrophizing scale (PCS) est une Ă©chelle composĂ©e de 13 items notĂ©s chacun de 0 Ă 4 dont lâobjectif est dâĂ©valuer les Ă©lĂ©ments de dramatisation de la douleur. Ce score est composĂ© de trois sous Ă©chelles : la rumination, lâamplification et lâimpuissance. Cette Ă©chelle est dâailleurs validĂ©e en anglais (Sullivan et al., 1995) ainsi quâen français (French et al., 2005). Un score infĂ©rieur Ă 14 correspondrait Ă une faible dramatisation alors quâun score supĂ©rieur Ă 25 tĂ©moignerait dâune dramatisation Ă©levĂ©e (French et al., 2005).
Quant Ă une Ă©valuation psychologique globale, le « Start back Screening Tool » est un questionnaire composĂ© de 9 items Ă©valuant les douleurs irradiantes, les comorbiditĂ©s, le catastrophisme, lâanxiĂ©tĂ©, la peur ou mĂȘme la dĂ©pression. Un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă quatre en gĂ©nĂ©ral et supĂ©rieur Ă quatre sur les 5 derniers items est associĂ© Ă un risque Ă©levĂ© de chronicisation. Initialement dĂ©veloppĂ© en langue anglo-saxonne (Hill et al., 2008), ce questionnaire a pu ĂȘtre validĂ© en français (BruyĂšre et al., 2012). Ă noter que ce test est frĂ©quemment utilisĂ© afin de proposer une stratification des patients à « risque » puisquâil pourrait permettre de dĂ©tecter plus facilement les patients Ă risque de chronicisation (Stevans et al., 2021) bien que ce dernier soit remis en question pour le risque liĂ© Ă des erreurs de classifications (Karran et al., 2017). Pour conclure sur cette Ă©chelle, une Ă©tude de 2020 indique que ce test permettrait de maniĂšre isolĂ©e dâestimer le handicap Ă court et moyen terme du patient. En revanche, lâĂąge et la clinique du patient permettraient dâestimer la douleur et le handicap perçu par le patient Ă court et moyen terme. Ainsi, ce test nâapporterait pas plus de valeur prĂ©dictive de lâĂ©volution du patient que les caractĂ©ristiques plus basiques (Medeiros et al., 2021).
Similaire au Start Back, lâOptimal Screening for Prediction of Referral and Outcome Yellow Flag tool (OSPRO-YF) est un questionnaire permettant lâĂ©valuation des diffĂ©rents Yellow Flags dont le catastrophisme, les attitudes de coping ou les comportements dâĂ©vitement de la peur. ValidĂ©e depuis peu (George et al., 2018), ce questionnaire nâest Ă notre connaissance pas validĂ© en français. Il est intĂ©ressant de noter quâune plateforme en ligne de lâAPTA permet dâobtenir la correspondance entre lâOSPRO-YF et diffĂ©rents tests associĂ©es comme le FABQ, le TSK-11 ou le PCS (APTA, n.d.).
Finalement, similaire aux deux derniĂšres Ă©chelles abordĂ©es, LâOÌrebro Musculoskeletal Pain Screening est un questionnaire qui a pour but dâĂ©valuer le risque de chronicisation chez les patients prĂ©sentant une rachialgie aigue. Un score supĂ©rieur Ă 71 serait associĂ© Ă un risque moyen de chronicisation tandis quâun score supĂ©rieur Ă 106 serait associĂ© Ă un risque Ă©levĂ©. Ce score a initialement Ă©tĂ© validĂ© en langue anglo-saxonne (Linton & Boersma, 2003) avant dâĂȘtre traduit et validĂ© en langue française (Coste et al., 1993; Nonclercq & Berquin, 2012).Â
Concernant les restrictions Ă la participation, le questionnaire « Rolland-Morris Disability questionnaire » (aussi connu sous le nom de « EIFEL » en France) est un questionnaire composĂ© de 24 items Ă©valuant le statut fonctionnel des patients prĂ©sentant une lombalgie. Le score, allant de 0 Ă 24 est proportionnel au handicap subit par le patient. Questionnaire dĂ©veloppĂ© en 1983, il semblerait plus sensible et spĂ©cifique que lâ« Oswestry Disability Index » pour les lombalgies lĂ©gĂšres Ă modĂ©rĂ©es tandis que lâOswestry serait plus fiable pour les lombalgies importantes (Davies & Nitz, 2009).Â
Finalement, dâautres Ă©chelles pourraient ĂȘtre utilisĂ©es en fonction de la santĂ© de chaque patient. On notera par exemple :
- Lâ« Alcohol use disorders identification test » : il sâagit dâun questionnaire composĂ© de 10 items ayant pour objectif dâĂ©valuer la consommation excessive dâalcool. NotĂ© sur 40, un score supĂ©rieur Ă 8 traduirait une consommation excessive dâalcool. Ce score a pu ĂȘtre validĂ© en anglais (Daeppen et al., 2000) ou en français (Gache et al., 2005).
- Le « Pittsburgh sleep quality index » : Il sâagit dâun questionnaire composĂ© de 19 items et prĂ©sentant un score allant de 0 Ă 21. Un score supĂ©rieur Ă 5 serait associĂ© avec une mauvaise qualitĂ© de sommeil (sensibilitĂ© de 89% et spĂ©cificitĂ© de 86%). Dâailleurs, celle-ci serait proportionnelle au score. Test dĂ©veloppĂ© en anglais Ă lâorigine (Buysse et al., 1989), il est depuis 2013 validĂ© en français (Ait-Aoudia et al., 2013)
Si nous devions retenir quelques-uns des tests énoncés dans le tableau précédent nous retiendrons probablement :
- Le Start Back pour sa validation française et sa stratification des patients à risque. Il serait donc sûrement le premier à réaliser. Ensuite, en fonction des résultats, il serait intéressant de réaliser :
- Le TSK-11 pour la kinésiophobie (rapide, traduit et disponible gratuitement)
- Le PCS pour le catastrophisme (rapide, traduit et disponible gratuitement),Â
- Le CSQ révisé pour les stratégies de coping (malgré la difficulté à trouver le questionnaire)
- Le PSEQ pour le sentiment dâauto efficacitĂ© (malgrĂ© lâabsence de traduction officielle).
- LâOÌrebro Musculoskeletal Pain Screening pourrait aussi ĂȘtre proposĂ© au mĂȘme titre que le Start Back.
f - Ăvaluation de la douleur
Finalement, nous avons pu voir tout au long de cet article que la douleur occupe une place Ă part au sein des lombalgies. Il semblait donc impensable de ne pas aborder lâĂ©valuation de la douleur en elle-mĂȘme. Lâobjectif de ces prochains paragraphes ne sera donc pas de dĂ©crire des tests et des Ă©chelles de maniĂšre itĂ©ratives comme vu prĂ©cĂ©demment, mais plutĂŽt dâessayer dâĂ©valuer quel type de douleur le patient prĂ©sente en se basant sur la classification des douleurs que nous avons abordĂ© prĂ©cĂ©demment : la douleur nociceptive, la douleur neuroplastique et la douleur neuropathique.
Au sujet de la douleur neuroplastique, la rĂšgle de Nijs pourrait ĂȘtre utilisĂ©e. Cette derniĂšre indique quâune douleur neuroplastique peut ĂȘtre suspectĂ©e en absence de douleur neuropathique, lorsque la douleur est disproportionnĂ©e par rapport Ă la nature de la lĂ©sion et que au moins un des deux critĂšres suivants sont prĂ©sents :
- Douleur symétrique ou douleur variant de zone anatomique, douleur illogique (selon la distribution neuro-anatomique), allodynie ou hyperalgésie en dehors de la zone principalement impliquée ou douleur diffuse.
- Hypersensibilité non lié au systÚme musculaire.
Pourtant, selon Petersen, aucune conclusion ne pourrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e concernant lâidentification dâune sensibilisation centrale via les rĂšgles de Nijs (Petersen et al., 2017).
En 2020, Van Griensven et ses collaborateurs (van Griensven et al., 2020) proposĂšrent la dĂ©tection de la sensibilisation centrale en prĂ©sence de:Â
- Douleur continue, spontanée et trÚs répandue et/ou de douleur intense et prolongée suite à un stimulus normalement indolore.
- DiffĂ©rents tests quantitatifs sensoriels existent permettant dâaffirmer une prĂ©sence dâhyperalgĂ©sie comme :
                      - Le test dâhyperalgĂ©sie au chaud et au froidÂ
                      - Le test dâhyperalgĂ©sie mĂ©caniqueÂ
                      - Le test de sommation temporelle,
                      - Le test de sommation spatiale,
                      - Le test dâallodynie mĂ©canique dynamique
Selon un article rĂ©cent, il nâexiste pas de test clinique spĂ©cifique permettant dâaffirmer une sensibilisation centrale (van Griensven et al., 2020). Il sâagirait donc dâune description associĂ©e Ă quelques tests pouvant donner des informations. Un article de 2018 Ă©valuant diffĂ©rents questionnaires (CSI, PSQ, etcâŠ) montrait que les tests quantitatifs sensoriels devraient ĂȘtre plus utilisĂ©s dans lâĂ©valuation de la sensibilisation centrale (Coronado & George, 2018).
Ă la suite de ces premiĂšres notions, la sensibilisation centrale pourrait ĂȘtre dĂ©tectĂ©e grĂące au :
- « Central Sensitization Inventory » (CSI) : Il sâagit dâun questionnaire composĂ© de deux parties : une premiĂšre, composĂ©e de 25 items liĂ©s aux symptĂŽmes de la sensibilisation centrale et une seconde composĂ©e de 10 questions faisant rĂ©fĂ©rence Ă des possibles diagnostics antĂ©rieurs de pathologies liĂ©es Ă la sensibilisation centrale. La premiĂšre partie est celle utilisĂ©e dans le calcul du score. Les patients doivent donc rĂ©pondre sur une Ă©chelle de 0 Ă 4 aux questions posĂ©es. Le total est donc de 100 points et il est considĂ©rĂ© quâun score supĂ©rieur Ă 40 serait associĂ© Ă une sensibilisation centrale. Ce questionnaire a pu ĂȘtre validĂ© par de nombreuses Ă©tudes (Scerbo et al., 2018) et a pu ĂȘtre traduit et validĂ© en français (Pitance et al., 2016). Cependant, une rĂ©cente Ă©tude mettait en doute la construction de ce questionnaire pour le simple motif que sa positivitĂ© ne serait pas liĂ© Ă un schĂ©ma de sensibilisation centrale (Coronado & George, 2018).
- « Pain Sensitivity Questionnaire » (PSQ) : Ce questionnaire est composĂ© de 17 items Ă©valuant la perception du patient Ă diffĂ©rents stimulus imaginĂ©s quâil pourrait expĂ©rimenter dans la vie quotidienne. Le patient doit alors dĂ©crire lâintensitĂ© de la douleur sur une Ă©chelle de 0 Ă 10. La sensibilisation serait alors proportionnelle au score obtenu. Ă noter que trois items (le 5, le 9 et le 13) sont gĂ©nĂ©ralement retirĂ©s lors du calcul du score pour le motif quâils ne sont pas considĂ©rĂ©s comme des stimulus douloureux. Le questionnaire a pu ĂȘtre validĂ© en anglais et depuis peu en français (DualĂ© et al., 2019). Cependant, tout comme son cousin le CSI, la mĂȘme Ă©tude de 2018 a pu montrer les faiblesses de ce questionnaire qui ne serait pas liĂ© au schĂ©ma de sensibilisation centrale. En plus, il prĂ©senterait une corrĂ©lation plus faible avec les tests quantitatifs sensoriels (Coronado & George, 2018).
Concernant la douleur neuropathique, le questionnaire DN4 est probablement le test phare : questionnaire simple, il est composĂ© de 10 questions. La prĂ©sence de 4 rĂ©ponses positives Ă ce questionnaire traduirait la prĂ©sence dâune douleur neuropathique. Au niveau scientifique, ce questionnaire dĂ©veloppĂ© et validĂ© en France (Bouhassira et al., 2005) a pu ĂȘtre validĂ© dans diffĂ©rentes langues. Ce questionnaire est dâailleurs conseillĂ© par un rĂ©cent consensus d'experts (Vining et al., 2019).Â
Dans la mĂȘme catĂ©gorie, abordons dĂ©sormais le Questionnaire « Neuropathic Pain Questionnaire » (NPQ) : il sâagit dâun questionnaire composĂ© de 12 questions auxquelles le patient rĂ©pond en attribuant un chiffre (compris entre 0 et 100) correspondant Ă la douleur perçue. Une fois effectuĂ©, chaque question permet dâobtenir un certain nombre de points selon des coefficients propres Ă chaque question. Au final, la douleur sera considĂ©rĂ©e comme neuropathique si le patient prĂ©sente un score supĂ©rieur ou Ă©gal Ă 0 alors quâelle sera considĂ©rĂ©e comme non neuropathique si le score est infĂ©rieur Ă 0. Questionnaire dĂ©veloppĂ© et validĂ© en anglais (Krause & Backonja, 2003), il nâest Ă notre connaissance, pour lâinstant, pas validĂ© en Français.
Finalement, selon un consensus rĂ©cent de lâIASP (Nijs et al., 2015), lâhistoire du patient permettrait de mettre en valeur une douleur neuropathique. En effet, les patients rapportent frĂ©quemment : une histoire de lĂ©sion ou trouble du systĂšme nerveux, des comorbiditĂ©s liĂ©es Ă une douleur neuropathique, une douleur distribuĂ©e en corrĂ©lation avec une zone nerveuse, des troubles sensoriels distribuĂ©s le long dâune zone nerveuse ou des sensations douloureuses de brĂ»lures et/ou piqĂ»res.
Au sujet de la douleur nociceptive, il nâexiste que peu de dĂ©tails quant Ă la classification de ce type de douleur. En effet, si les autres types de douleurs (neuropathique et neuroplastique) ont des critĂšres plutĂŽt « bien » dĂ©finis, la douleur nociceptive ne se base que sur une dĂ©finition. Cette derniĂšre indique que « la douleur nociceptive rĂ©sulte de dommages rĂ©els ou craints par des tissus non neuraux et est dĂ©clenchĂ©e par l'activation des nocicepteurs » (International Association for the Study of Pain (IASP), 2011). Ă noter que des articles rĂ©cents ajoutent que cette douleur peut ĂȘtre continue ou intermittente, se caractĂ©rise par une localisation prĂ©cise permettant de rattacher la douleur Ă une supposition « organique » (Acapo et al., 2017).
On peut donc Ă©valuer cette douleur par le biais dâĂ©chelles classiques comme lâEVA (Bijur et al., 2001) ainsi quâen Ă©cartant la prĂ©sence dâune douleur neuropathique ou neuroplastique.
Avant de conclure sur lâĂ©valuation des douleurs, il semble intĂ©ressant dâaborder un concept plutĂŽt rĂ©cent et souvent peu connu de nombreux thĂ©rapeutes : la sensibilitĂ© Ă la douleur ou « Pain Sensitivity ». Cette sensibilitĂ© ne connaĂźt pour lâinstant pas de dĂ©finition selon lâIASP. Cependant, elle englobe de maniĂšre gĂ©nĂ©rale le phĂ©nomĂšne que « certaines personnes prĂ©sentent des expĂ©riences et perceptions de la douleur plus importantes que dâautres ». Tout ce qui va suivre concernant la sensibilitĂ© Ă la douleur manque encore de preuves scientifiques malgrĂ© lâintĂ©rĂȘt clinique associĂ© (Beales et al., 2020).Â
Si cette sensibilitĂ© Ă la douleur est importante dâun point de vue clinique, câest parce quâelle pourrait avoir des consĂ©quences sur le traitement et le diagnostic du patient mais aussi sur lâĂ©ducation et le pronostic de ce dernier. Par exemple, une sensibilitĂ© Ă la douleur Ă©levĂ©e pourrait entraĂźner de nombreux faux positifs aux tests orthopĂ©diques. Ainsi, le rĂ©sultat positif ne serait pas liĂ© Ă une Ă©valuation « prĂ©cise » mais plutĂŽt Ă une sensibilitĂ© augmentĂ©e.
Dans son article, Beales propose dâĂ©valuer cliniquement la sensibilitĂ© Ă la douleur. Câest ce quâil appelle le « Clinical Sensory Testing (CST) ». Cette Ă©valuation ne se destine pas Ă tous les patients mais principalement Ă ceux dont lâanamnĂšse et lâĂ©valuation subjective suggĂšre la prĂ©sence dâune sensibilitĂ© supĂ©rieure. Ces patients ne prĂ©sentent pas de lĂ©sion mĂ©canique prĂ©cise et la sensibilitĂ© se dĂ©voile comme un facteur contribuant aux limitations du sujet (Beales et al., 2020).
Pour évaluer la sensibilité à la douleur, Beales propose donc 4 étapes :
- SensibilitĂ© au toucher lĂ©ger : le thĂ©rapeute rĂ©alise un toucher Ă lâaide dâun monofilament de 2-4g (permettant dâĂ©valuer une possible allodynie).
- SensibilitĂ© aiguĂ« : le thĂ©rapeute Ă©value Ă lâaide dâun cure-dent ou dâune aiguille (permet dâidentifier une hyperalgĂ©sie aiguĂ«).
- SensibilitĂ© Ă la pression profonde : le thĂ©rapeute Ă©value Ă lâaide de son doigt dâune pression lĂ©gĂšre-modĂ©rĂ©e Ă ferme (pour Ă©valuer lâhyperalgĂ©sie Ă la pression profonde). Ce test serait dâailleurs corrĂ©lĂ© Ă lâalgomĂštre.
- La sensibilitĂ© au froid : le thĂ©rapeute Ă©value cette sensibilitĂ© Ă lâaide dâun glaçon.
Nous noterons que cette Ă©valuation dĂ©butera depuis une zone Ă©loignĂ©e en se rapprochant petit Ă petit de la colonne.Â
à partir de ces tests, le thérapeute pourra alors identifier la sensibilité que perçoit son patient selon 5 niveaux :
- Sensibilité adaptive / protective : la sensibilité est raisonnable et est en relation avec le trouble observé.
- SensibilitĂ© accidentelle : la sensibilitĂ© est prĂ©sente mais peut ĂȘtre ignorĂ©e.
- Contribution mineure : sensibilitĂ© Ă aborder mĂȘme si elle ne devrait pas influencer la rĂ©Ă©ducation.
- Contribution majeure : sensibilité à aborder et influençant la rééducation.
- Principale barriÚre : comprendre et aborder cette sensibilité sera une priorité du traitement.
Nous verrons plus tard comment prendre en charge la sensibilité à la douleur des patients.
Au total, nous avons donc pu voir que de nombreux outils existent malgrĂ© un manque gĂ©nĂ©ral de littĂ©rature scientifique.Â
Si la dĂ©finition du type de douleur peut prĂ©senter un intĂ©rĂȘt lors de la prise en charge de nos patients, il est important de se rappeler que le patient peut prĂ©senter des douleurs mixtes ne se limitant pas Ă une simple approche neuroplastique ou nociceptive mais bel et bien Ă lâintĂ©gration de ces diffĂ©rents types de douleurs pour rĂ©aliser une approche globale de notre patient (Freynhagen et al., 2019, 2020).
g - Et les imageries dans tout ça ?
Grandes oubliĂ©es de notre bilan initial, les imageries nâont pour lâinstant pas Ă©tĂ© abordĂ©es. En effet, comme dit lors de lâintroduction, lâaugmentation de la rĂ©alisation dâimageries ne sâest pas accompagnĂ©e dâune amĂ©lioration des marqueurs de santĂ©. Pire mĂȘme, elle a paradoxalement entraĂźnĂ© une augmentation du risque de lombalgies Ă long terme.
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Pour mieux comprendre, il est important de rappeler que dans 85%-90% des lombalgies, aucune structure nâa pu ĂȘtre mise en cause comme gĂ©nĂ©ratrice de la douleur (Bardin et al., 2017; Hancock, Maher, et al., 2011; Kjaer et al., 2018; Plantin, 2016). De plus, les imageries se sont rĂ©vĂ©lĂ©es peu spĂ©cifiques puisque des anomalies Ă lâimagerie sont aussi observables chez une population asymptomatique (Brinjikji et al., 2015; Hartvigsen et al., 2018; P. OâSullivan et al., 2016a).
Ainsi, il a pu ĂȘtre Ă©tabli que les rĂ©sultats de lâimagerie ne peuvent suffirent Ă dĂ©finir lâapparition dâune lombalgie ainsi que son pronostic et son Ă©volution (Hartvigsen et al., 2018). Ă lâinverse, la surutilisation de ces rĂ©sultats pourrait entraĂźner de la peur ainsi quâun handicap iatrogĂšne, sans compter les expositions successives aux rayons X (P. OâSullivan et al., 2016a). Â
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Il sera donc important dâexpliquer au patient que les dĂ©gĂ©nĂ©rescences sont naturelles au niveau discal, facettaire⊠Le thĂ©rapeute peut faire la comparaison avec les modifications plus visibles survenant avec lâĂąge telles que les rides ou les cheveux blancs.  Bien entendu, nous ne sommes pas tous Ă©gaux par rapport au vieillissement des tissus, articulations : certaines personnes montreront dĂšs 30 ans des signes de dĂ©gĂ©nĂ©rescence arthrosique trĂšs importants avec parfois un terrain gĂ©nĂ©tique.
Il est donc important de faire comprendre au patient quâil ne sâagit pas du tout du seul Ă©lĂ©ment qui va intervenir dans sa douleur.
Il est quand mĂȘme intĂ©ressant de constater quâune Ă©tude de 2015 (Brinjikji et al. 2015) a montrĂ© que les caractĂ©ristiques dĂ©gĂ©nĂ©ratives sont quand mĂȘme beaucoup plus importantes entre 30 et 50 ans chez les sujets lombalgiques par rapport Ă des sujets sains de la mĂȘme tranche dâĂąge. Cela signifie que mĂȘme si ces caractĂ©ristiques dĂ©gĂ©nĂ©ratives sont prĂ©sentes dans une population de sujets sains, elles seront plus importantes chez les sujets lombalgiques.
Pour mieux comprendre quand utiliser les imageries, un article rĂ©cent sâest penchĂ© sur le sujet (Hall et al., 2021). Ce dernier a pu montrer quâune radiographie devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e lors dâun risque majeur dâĂȘtre face Ă une fracture vertĂ©brale. Ă lâinverse, si le risque est mineur, cette radiographie ne devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e quâaprĂšs 1 mois dâobservation de lâĂ©volution du patient. Ensuite, une radiographie et un IRM devraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©s lors dâune suspicion majeure de tumeur vertĂ©brale ou dâinfection spinale. Un IRM devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ© lors dâune suspicion de syndrome de la queue de cheval ou lorsque le patient prĂ©sente des troubles neurologiques graves (dĂ©ficits moteurs multiples).
Finalement, un IRM pourrait aussi ĂȘtre proposĂ© aux patients atteints de douleurs radiculaires ou de stĂ©nose du canal lombaire lorsque ces derniers sont candidats pour une chirurgie.
âh - RĂ©capitulatif et ouverture
âPour conclure sur le diagnostic, nous avons donc pu voir que ce dernier devra dans un premier temps Ă©carter tout risque de pathologies graves telles que les pathologies spĂ©cifiques du rachis et les syndromes radiculaires.
Une fois quâil a Ă©cartĂ© les lombalgies « graves », le thĂ©rapeute devra analyser lâensemble des facteurs bio-psycho-sociaux influençant le patient quâil aura Ă traiter par la suite. Il est important de ne pas reproduire une erreur frĂ©quemment rencontrĂ©e dans la littĂ©rature scientifique : la rĂ©duction du concept biopsychosocial Ă une fragmentation du patient selon une approche bio, psycho ou sociale (Mescouto et al., 2020). Lâobjectif est alors dâanalyser le patient tel un puzzle afin dâidentifier les piĂšces manquantes du puzzle.
Pour aller plus loin dans notre raisonnement, revenons sur un point que nous avions Ă©voquĂ© plus tĂŽt au cours de ce dossier. Certains auteurs considĂšrent que la lombalgie ne devrait pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une pathologie mais bel et bien comme un symptĂŽme (Hancock, Maher, et al., 2011). En effet, cette douleur dans la zone lombaire pourrait provenir de pathologies prĂ©cises (pathologies spĂ©cifiques, syndrome radiculaire) mais aussi dâun savant mĂ©lange entre le bio-psycho-social.
Ainsi, de maniĂšre attendue, le seul point commun Ă toutes les lombalgies est bien entendu la douleur ! Alors, si nous devions prendre en compte un point afin dâoptimiser notre traitement, pourquoi ne sâagirait-il pas de la douleur ?
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Cette approche dĂ©fendue par quelques auteurs (Chimenti et al., 2018; Nijs et al., 2015) ne semble pas dĂ©nuĂ©e de sens malgrĂ© le manque de preuves cliniques actuelles (Nijs et al., 2015). Pour mettre en place ce raisonnement, il faut dans un premier temps dĂ©finir le type de douleur rencontrĂ©e par le patient Ă lâaide des informations apportĂ©es par lâanamnĂšse et le tableau proposĂ© prĂ©cĂ©demment. Il est alors possible dâidentifier un patient avec une tendance Ă la douleur nociceptive / neuroplastique ou mixte et dâappliquer un traitement adaptĂ©.
Si nous voulons aller encore un peu plus loin, il est alors temps dâintĂ©grer cette douleur au sein dâun raisonnement clinique appelĂ© « Pourquoi ? OĂč ? Comment ? ». Ce modĂšle, dĂ©veloppĂ© par Riley et ses collaborateurs, a pour objectif de mettre en contexte les douleurs perçues par le patient (Riley et al., 2020). Si ce modĂšle nâest que thĂ©orique, il nâen est pas moins intĂ©ressant pour le fait quâil associe les diffĂ©rents types de douleurs (le mĂ©canisme) au stimulus mĂ©canique produisant la douleur (la charge, la position, la tension) et Ă la localisation de la douleur ainsi que ses modifications locales (par exemple une diminution/augmentation de la douleur lombaire liĂ©e Ă un changement de position des lombaires).
Cependant, ce modĂšle de raisonnement ne prend pas en compte (ou trĂšs lĂ©gĂšrement) les facteurs psychologiques quand on sait lâimpact quâils peuvent prĂ©senter sur lâĂ©volution du patient.
Ainsi, tout ce raisonnement nous amĂšne Ă plusieurs faits :
- La classification selon le type de douleur présenterait de nombreux avantages dans la prise en charge des patients.
- Les facteurs psychologiques semblent ĂȘtre des facteurs inhĂ©rents Ă une bonne prise en charge.
- Comprendre le mĂ©canisme, lâĂ©lĂ©ment dĂ©clencheur et la zone de douleur pourrait prĂ©senter un intĂ©rĂȘt certain lors du traitement.
Finalement, nous rajouterons que selon un article rĂ©cent : « lâĂ©valuation est un traitement pour la lombalgie » (Louw, Goldrick, et al., 2021). En effet, selon cette Ă©tude datant de 2021, lâexamen diagnostique du patient amĂšnerait Ă des effets positifs Ă court terme sur le catastrophisme, la mobilitĂ© et la sensibilitĂ© Ă la pression des lombalgiques. La rĂ©duction la plus significative serait rencontrĂ©e aprĂšs lâanamnĂšse. Ainsi, un diagnostic qualitatif devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme indispensable dans la prise en charge du patient lombalgique.
En consĂ©quence, vous trouverez ci-dessous un graphique radar inspirĂ© de ce quâont proposĂ© Tousignant-Laflamme et ses collaborateurs en 2017 (Tousignant-Laflamme et al., 2017) ou de ce quâil se fait en thĂ©rapie cognitive (P. B. OâSullivan et al., 2018) . Ce dernier ne doit donc pas ĂȘtre pris comme une classification Ă rĂ©aliser de votre patient.
En revanche, ce graphique peut ĂȘtre vu comme une Ă©valuation globale du patient. Cette derniĂšre sâintĂ©resse donc aux facteurs bio-psycho-sociaux tout en intĂ©grant les notions de douleur nociceptive et neuroplastique. Il est Ă noter que la douleur neuropathique nâest pas rĂ©fĂ©rencĂ©e puisquâelle constitue dans de nombreux cas un signe de lĂ©sion nerveuse nĂ©cessitant un avis mĂ©dical. Si cette Ă©valuation nâest sĂ»rement pas parfaite, elle devrait permettre une prise en charge adaptĂ©e de chaque patient comme nous le verrons dans la prochaine partie dĂ©diĂ©e au traitement.
Lors de la premiĂšre partie, nous avons introduit la lombalgie en essayant de lâintĂ©grer au sein du modĂšle biopsychosocial sans omettre un quelconque aspect de cette pathologie. DĂ©sormais, intĂ©ressons-nous au diagnostic des lombalgies. En effet, si la lombalgie est considĂ©rĂ©e par certains auteurs comme un symptĂŽme et non comme une pathologie (Hancock, Maher, et al., 2011), câest bien pour le fait quâune lombalgie est pour eux lâexpression dâun problĂšme sous-jacent. Ă lâheure de rĂ©aliser le diagnostic, de nombreuses questions se posent : « Comment dĂ©tecter les red flags ? », « comment classifier les lombalgies ? », « comment rĂ©aliser un diagnostic diffĂ©rentiel ? », « comment savoir si une structure est en souffrance ?»
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