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La charge pour les tendons du membre inférieur

Masterclass
Published
7/11/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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Cette Masterclass va aborder la notion de charges dans le contexte des tendinopathies du membre inférieur. Nous allons particulièrement developper le versant éducatif afin d’augmenter nos chances d’adhérences des patients au traitement.

Cette masterclass va également reprendre la physiopathologie tendineuse, elle a pour but de compléter la masterclass intitulé : Comment les tendons réagissent à la charge ?

La gestion de la charge

Aujourd'hui, on aborde un sujet essentiel dans l'éducation des tendinopathies : la gestion des charges et les meilleures approches pour en discuter avec les patients. La première interaction avec le patient est déterminante pour le succès de la rééducation future. Il est essentiel de permettre au patient de s'exprimer librement, d'écouter attentivement son récit pour renforcer l'alliance thérapeutique. Cette communication efficace est importante dans tous les aspects, et pas seulement avec les patients souffrant de troubles persistants.

En écoutant l'histoire du patient, on peut souvent poser un diagnostic initial. Pour les troubles tendineux spécifiquement, on recherche toute faute de charge, qu'elle soit consciente ou non. En tant que kinésithérapeutes attentifs aux spécificités des troubles tendineux, il est primordial de détecter ces fautes de charge, car elles sont fréquemment à l'origine des douleurs. Comprendre et identifier ces erreurs, si elles existent, et les expliquer clairement au patient, est une étape fondamentale du traitement.

Toutefois, le terme « charge » est couramment utilisé entre kinésithérapeutes mais peut sembler obscur pour les patients. Il est donc important de clarifier ce que signifie la charge et d'expliquer l'importance des charges appliquées aux tendons pour que les patients puissent pleinement comprendre leur condition et le traitement proposé.

Analogies de la faute de charge

Pour simplifier, la charge représente l'ensemble des forces appliquées à nos tissus. Durant l'évaluation initiale, un patient atteint de tendinopathie décrit souvent un excès d'activité physique ou sportive. Cet excès de charge se produit lorsqu'il dépasse la capacité de ses tissus à supporter ces contraintes, une capacité influencée par son mode de vie, les sports pratiqués, ses méthodes d'entraînement, entre autres. Les recherches de Tim Gabett révèlent que le risque de blessure augmente lorsque le ratio de charge, c'est-à-dire la charge aiguë divisée par la charge chronique, est hors des limites de 0,9 à 1,3.

Il n'est pas toujours évident pour le patient de reconnaître une faute de charge; souvent, il pense simplement avoir repris le sport de manière habituelle sans percevoir le changement. Pour l'aider à comprendre cette notion, il est utile d'utiliser des analogies avec des expériences vécues. Par exemple, comparer un excès de charge à un coup de soleil peut être illustratif : si une personne s'expose soudainement à un soleil intense après une longue période sans soleil, elle risque de brûler, contrairement à si elle s'était graduellement acclimatée tout au long de l'été. Une autre analogie peut être celle de l'estomac : après une période de jeûne, un repas copieux peut être difficile à digérer, illustrant ainsi le concept de surcharge.

Ces métaphores, comme celle du coup de soleil ou de l'excès alimentaire durant Noël, aident à rendre le concept de faute de charge tangible et compréhensible pour le patient, en particulier lors d'une première rencontre où le clinicien cherche des moyens simples pour que tout le monde puisse saisir l'idée de faute de charge.

Surcharge tendineuse

Lorsqu'on aborde le sujet de la surcharge tendineuse, il s'agit essentiellement de l'application d'une charge excessive et inappropriée sur le tendon, ce que le tendon ne supporte pas bien. Pour illustrer ce concept, l'analogie de l'estomac est particulièrement parlante. En effet, tout comme un excès de nourriture peut causer des douleurs et des désagréments à l'estomac, une surcharge peut induire des douleurs et des changements structurels dans un tendon.

Ces changements structurels seront expliqués plus en détail ultérieurement, mais il est important de comprendre que le tendon peut seulement supporter les charges auxquelles il a été habitué. L'utilisation de l'image de l'estomac aide le patient à saisir cette idée de manière intuitive : tout comme il a déjà pu ressentir des douleurs après avoir trop mangé, il peut comprendre que le tendon réagit de façon similaire face à une surcharge.

Les charges tendineuses

Nous allons maintenant examiner les différents types de charges qui affectent les tendons. Bien que ces charges interagissent de manière combinée dans le corps, il est utile de les décomposer pour une meilleure compréhension et explication à nos patients. Premièrement, nous aborderons la charge tensile, également connue sous le nom de charge de traction. Ensuite, nous discuterons des charges compressives, suivies des charges de friction. Cette approche segmentée permet de clarifier comment chaque type de charge impacte le tendon de manière spécifique.

Charge tensile

Les charges tensiles sont le résultat d'un cycle de raccourcissement et d'allongement du tendon, comparable au fonctionnement d'un ressort ou d'un élastique. C'est le nombre de ces cycles de raccourcissement et d'allongement qui détermine la charge tensile subie par le tendon. Chaque tendon possède un rôle et une fonction spécifiques, qui varient selon sa localisation dans le corps.

Prenons l'exemple de la tendinopathie d'Achille, fréquente chez les coureurs. Elle est souvent causée par de nombreux cycles de tension de modérée, soulignant l'importance de la répétition dans la survenue de cette condition. À l'inverse, le tendon patellaire est moins souvent sollicité, mais subit des charges beaucoup plus intenses lors de sauts ou de changements de direction. L'intensité de ces charges varie également en fonction de la vitesse et du poids appliqués sur le tendon, ce qui en fait des facteurs de risque cruciaux à considérer.

Pour illustrer la charge tensile, considérons l'exemple d'une montée sur pointe : durant cet exercice, le tendon a tendance à se raccourcir puis à s’allonger. Ce phénomène représente la charge tensile, incarnant le principe d'encaissement et de restitution de l'énergie, qui est crucial pour le patient à comprendre. En pratique, c'est ce cycle d'allongement et de raccourcissement que le tendon subit, particulièrement lors des activités quotidiennes. Lorsque les patients viennent consulter, ils se montrent souvent irritables et réticents à réaliser ces mouvements, car ils ressentent cette tension. C'est là un exemple de la première type de charge appliquée sur les tendons, et c'est essentiel de l'expliquer clairement pour aider les patients à comprendre l'impact de leurs activités sur leur condition.

Type de contraction et contraintes

La charge tensile varie en fonction du type de contraction musculaire. Lors d'une contraction isométrique, la tension générée par le muscle s'applique sur le tendon, ce qui représente une sollicitation modérée pour celui-ci. Toutefois, l'ajout de poids peut augmenter cette tension, constituant ainsi la première étape de l'application de charge tensile. Cette méthode peut être employée précocement, même chez les patients très douloureux, grâce à son effet antalgique, bien documenté pour le quadriceps mais moins pour les tendinopathies d’Achille. Elle permet une réintroduction progressive de la charge.

Les contractions concentrique-excentrique, quant à elles, intensifient la charge par de véritables cycles de raccourcissement et d'allongement du tendon. L'augmentation du poids accroît significativement la contrainte sur le tendon. Il est donc crucial de bien doser la charge imposée au patient.

Enfin, les contractions pliométriques introduisent la vitesse comme un facteur critique, surpassant même l'impact du poids. Ce type de contraction représente la forme de charge tensile la plus exigeante pour le tendon. En rééducation, la compréhension de ces types de contractions aide à structurer une progression de charge, commençant par des exercices isométriques, suivis de mouvements concentrique-excentriques, et culminant avec des activités pliométriques, pour une remise en charge efficace et progressive des tendons.

Comme mentionné précédemment, augmenter le poids lors des exercices tend à accroître les contraintes subies par le tendon. Cependant, l'ajout de vitesse a un effet encore plus marqué sur l'intensité de ces contraintes. Dans notre approche thérapeutique, il est possible de moduler ces facteurs en ajustant le poids et la vitesse des exercices. Il est essentiel d'agir avec prudence lorsqu'on augmente la vitesse, car cela impose significativement plus de contraintes au tendon. Cette gestion délicate permet de personnaliser le traitement, en veillant à progresser de manière sûre et efficace.

 

Charge compressive

Abordons maintenant les charges compressives, le deuxième type de charge qui affecte les tendons. Ces charges se produisent lorsque le tendon s'enroule autour d'un relief osseux, à l'image d'un filon s'enroulant autour d'une poulie avec un poids suspendu. Cette interaction crée une contrainte entre le tendon et l'os, similaire à la tension ressentie lorsqu'on tente de placer sa main entre la poulie et le filon. Cette analogie aide le patient à visualiser la charge compressive en raison de sa possible expérience avec des mécanismes similaires.

La charge compressive varie considérablement d'un tendon à l'autre. Par exemple, pour le tendon d'Achille, c'est la flexion dorsale qui augmente la charge compressive en enroulant le tendon sur la partie supérieure du calcanéum. Au niveau du genou, la patella est pressée par le tendon patellaire, générant également des forces compressives. Concernant les tendinopathies du moyen fessier, le tendon est comprimé contre le grand trochanter.

Il est important de noter que les charges compressives peuvent varier même au sein d'un même tendon, comme le tendon d'Achille. Dans les cas d'enthésopathie, le tendon est plus sujet à des charges compressives par rapport à une tendinopathie corporéale où la compression est moins prédominante. De plus, l'intensité de la charge compressive est exacerbée par l'amplitude du mouvement et la durée d'exposition : plus l'enroulement est prononcé et maintenu, plus la charge est importante.

Pour illustrer la notion de charge compressive en contexte réel, considérons l'exemple du tendon d'Achille qui s'enroule autour du bord supérieur du calcanéum. C'est ce phénomène qui définit la charge compressive. Cette visualisation aide à comprendre l'impact mécanique subi par le tendon lors de mouvements spécifiques.

En conséquence, dans les premières étapes de traitement de certaines tendinopathies, et selon le type spécifique de tendinopathie diagnostiquée, on évite de faire exercer des activités comme monter sur une petite marche, qui pourraient intensifier la compression du tendon contre l'os et aggraver la condition. Cette approche prudente permet de minimiser la charge compressive et de favoriser une guérison progressive du tendon.

Pour le tendon du moyen fessier, lorsqu'une personne réalise une adduction ou un valgus dynamique, le tendon est progressivement comprimé contre le grand trochanter. Cette compression illustre bien la charge compressive en action. Pour ceux intéressés par une exploration plus détaillée de ce sujet, une Masterclass animée par Guénolé Delmas aborde cette thématique de manière spécifique et enrichissante. Je vous encourage vivement à consulter cette session pour une compréhension plus approfondie des dynamiques tendineuses et des stratégies de gestion des charges compressives.

Charge de friction

Enfin, nous abordons les charges de friction, qui sont quelque peu distinctes dans leur gestion. Elles peuvent être présentes de façon intermittente et nécessiter une intervention directe pour être éliminées, ou elles peuvent être inhérentes à la structure et donc inamovibles, dépendant de divers facteurs. Les charges de friction sont principalement générées par des structures adjacentes au tendon, telles que des paquets adipeux, des gaines tendineuses, des muscles invaginés, ou même des influences externes comme la chaussure.

Prenons l'exemple du plantaire grêle, qui peut être invaginé dans un tendon d'Achille. Cette configuration crée deux cycles distincts de raccourcissement et d'allongement, induisant ainsi des frottements et, par conséquent, des charges de friction. Si la source de la friction, comme un problème de chaussure, peut être corrigée, alors le problème est résolu simplement. Cependant, dans des cas comme celui d'un plantaire grêle invaginé, l'intervention chirurgicale pour retirer ce muscle du tendon d'Achille n'est généralement pas envisagée car les preuves de son efficacité sont limitées.

Il est donc crucial d'être attentif aux charges de friction, bien qu'elles soient considérées comme moins critiques que les charges tensiles et compressives. La gestion de ces charges implique souvent une évaluation minutieuse des facteurs contributifs et, lorsque possible, une intervention ciblée pour réduire leur impact.

Équilibre et combinaison de charge

L'aspect crucial en kinésithérapie consiste à équilibrer et combiner adéquatement les différentes charges qui affectent le tendon : compressives, tensiles et de friction. La capacité d'un patient à supporter ces charges nécessite une évaluation précise lors de l'anamnèse et de l'examen clinique. Il est fondamental de permettre au patient de s'exprimer librement pour mieux comprendre ses capacités et ses limites.

En fonction du type et de la localisation de la tendinopathie, la gestion des charges varie. Par exemple, les charges de friction, si elles peuvent être éliminées, doivent l'être immédiatement. Les charges compressives, souvent diminuées au début du traitement, sont réintroduites progressivement car elles sont physiologiquement normales et nécessaires. Les charges tensiles, quant à elles, sont généralement au cœur de la rééducation, bien que pour certaines tendinopathies, les charges compressives puissent être tout aussi critiques.

Il est essentiel de trouver le bon équilibre entre ces différents types de charges en fonction des besoins spécifiques du patient, pour concevoir un plan de rééducation efficace. Il est également important de considérer la charge quotidienne du patient, qui inclut non seulement les activités sportives mais aussi les activités de la vie quotidienne comme la marche, le vélo, ou monter des escaliers. Gérer ces charges quotidiennes est essentiel pour une rééducation complète et pour éduquer le patient sur la manière de gérer ses activités pour favoriser la guérison et prévenir de futures blessures.

Spécificité

Il est essentiel d'adopter une approche spécifique et individualisée dans la rééducation des tendinopathies, car chaque patient présente des besoins uniques en termes de charges. Historiquement, les protocoles de rééducation tendaient à uniformiser le traitement pour tous les patients, ce qui n'est plus considéré comme adéquat. En effet, la capacité de chaque individu à gérer la charge diffère significativement ; certains patients peuvent être très actifs et endurants, tandis que d'autres sont moins habitués à l'exercice régulier.

Ainsi, la rééducation doit être finement ajustée pour chaque patient. Par exemple, alors qu'il peut être bénéfique de pousser un patient comme Harold à aller au-delà de ses limites habituelles, appliquer le même niveau d'intensité à un patient comme Eliud, qui pourrait être capable de bien plus, serait sous-optimal. Cela montre l'importance d'adapter les charges en fonction des capacités et des activités quotidiennes de chaque patient.

De plus, il ne faut pas craindre de défier les patients avec des charges plus élevées lorsqu'approprié. Même si un excès de charge peut survenir, ce n'est généralement pas problématique ; les réactions du patient le lendemain fourniront des informations précieuses. Si le patient réagit bien, il est possible de continuer à augmenter progressivement la charge. Cette approche dynamique encourage non seulement la guérison mais aussi l'amélioration de la capacité fonctionnelle du patient, ajustant les traitements pour maximiser les résultats de rééducation.

Capacité d'adaptation du tendon

L'objectif principal dans la gestion des tendinopathies est de renforcer la capacité d'adaptation du tendon, le rendant ainsi plus fort et résilient face aux contraintes. Cette amélioration est similaire à un processus d'entraînement et se réalise à travers une remise en charge progressive. Ce processus n'est pas mené de manière isolée mais en collaboration étroite avec le patient. Il intègre les charges rencontrées dans les activités quotidiennes, les exercices sportifs, ainsi que les interventions spécifiques entreprises pendant les séances de rééducation. Cette approche holistique assure que chaque aspect de la vie du patient contribue à renforcer le tendon de manière durable et efficace.

Nouvelle nomenclature et physiopathologie

Pour approfondir notre compréhension, nous allons brièvement aborder la nouvelle nomenclature et la physiopathologie des tendons. Il existe une Masterclass disponible sur Fullphysio qui traite ce sujet en détail, mais ici, l'objectif est de clarifier les différents types de tendons que l'on peut rencontrer.

Premièrement, il y a le tendon sain, représenté en vert, qui est le type standard sans pathologie. Ensuite, nous avons le tendon réactif, indiqué en jaune, qui réagit à un surmenage ou une surcharge sans changements structurels dégénératifs. Les tendons dégénératifs, visualisés en rouge, montrent des changements structurels dus à des lésions ou à une dégradation au fil du temps. Enfin, il existe des tendons réactifs sur dégénératifs, qui combinent des caractéristiques des tendons réactifs et dégénératifs.

Il est crucial de noter que lors d'une lésion tendineuse, ce n'est généralement qu'une partie du tendon qui est affectée. De plus, un tendon sain présente une section transversale plus petite comparée à celle d'un tendon réactif ou dégénératif.

Ces distinctions sont importantes en rééducation, car elles orientent le traitement vers l'entraînement des fibres saines plutôt que la tentative de « guérir » les fibres dégénératives. Cette approche repose sur l'idée que le corps met en place des adaptations qui sont généralement bénéfiques et qu'il est plus efficace de renforcer les structures saines existantes plutôt que de se concentrer uniquement sur les parties endommagées.

Tendon sain

Un tendon sain se caractérise par sa matrice collagénique bien structurée, qui lui confère d'excellentes propriétés mécaniques essentielles pour l'encaissement et la restitution des forces. Ce type de tendon contient des cellules, principalement des ténocytes, qui sont intimement liées aux fibres de collagène. L'activité cellulaire dans un tendon sain est relativement faible, indiquant un état stable et peu de turnover cellulaire.

En observant un tendon sain in vivo, on peut constater des fibres de collagène de type 1 organisées de manière ordonnée et cohérente. Les ténocytes, étroitement associés à ces fibres de collagène, maintiennent la structure et la fonction du tendon. En outre, le système vasculaire de ces tendons est minimal et principalement sensitif, adapté à leur rôle et à leurs besoins métaboliques, ce qui contribue à leur efficacité et leur résilience.

Tendon réactif

Lorsqu'un tendon devient réactif suite à une première faute de charge, certains changements clés surviennent bien qu'il conserve la même organisation collagénique que celle d'un tendon sain. La différence principale réside dans l'activité des cellules qui deviennent hyperactives. Ces cellules commencent à produire un excès de protéoglycanes, des molécules qui attirent et retiennent l'eau dans le tendon. Cette accumulation d'eau provoque un léger gonflement du tendon.

Ce changement est important car il montre que, bien qu'il n'y ait pas d'altération de la structure collagénique elle-même, la réactivité du tendon à la surcharge est marquée par une augmentation de l'activité cellulaire et des modifications de la composition chimique interne. Cependant, cette condition est réversible. Le tendon réactif est typiquement observé chez les patients plus jeunes et survient généralement suite à leurs premières fautes de charge. Cela signifie que, avec une gestion appropriée de la charge et un repos adéquat, le tendon peut retourner à son état normal sans dommages permanents à sa structure.

Tendon dégénératif

Le tendon dégénératif se distingue par une désorganisation notable de sa matrice collagénique, caractérisée par l'apparition de fibres de collagène de type 3, qui sont moins organisées et moins robustes que les fibres de collagène de type 1 typiquement présentes dans un tendon sain. Cette modification structurelle réduit les qualités mécaniques du tendon, affectant sa capacité à gérer les charges et à fonctionner efficacement.

Cette dégénération ne se produit pas uniformément dans tout le tendon mais se localise généralement au milieu, ce qui donne à la section transversale du tendon une apparence en forme de donut. La zone centrale, ou le "trou" du donut, représente la partie dégénérée, tandis que le "donut" lui-même est constitué de tissu encore sain mais plus épais.

En rééducation, l'accent est mis sur l'amélioration des capacités des fibres saines plutôt que sur la tentative de réparer les fibres dégénérées, principalement parce qu'il existe peu ou pas de preuves que ces fibres puissent être efficacement régénérées dans un court laps de temps. C'est pourquoi il est essentiel d'expliquer clairement au patient l'analogie du donut pour qu'il comprenne l'importance de renforcer les parties saines du tendon plutôt que de focaliser sur les parties dégénérées.

Dans un tendon dégénératif, bien que le collagène de type 1 puisse encore être présent dans certaines zones, la présence accrue de collagène de type 3, associée à une activité cellulaire plus élevée et à une vascularisation plus importante, indique une tentative du corps de répondre à la dégénération, mais avec des matériaux de moindre qualité mécanique.

Continuum pathologique de Cook

Selon le continuum pathologique décrit par Jill Cook, le processus dégénératif d'un tendon peut être visualisé en plusieurs étapes. Initialement, un tendon sain, lorsqu'il est soumis à une première faute de charge, peut devenir un tendon réactif. Ce tendon réactif devient légèrement plus épais, mais sans changement structurel au niveau de la matrice collagénique. Si le patient adopte les bonnes pratiques de gestion de la charge à ce stade, le tendon peut généralement revenir à son état sain sans complications.

Cependant, si le patient continue de soumettre le tendon à des fautes de charge répétées sans ajuster correctement sa gestion de la charge, le tendon peut progresser vers un état dégénératif au fil du temps. Dans cette phase, une partie du tendon reste saine tandis que l'autre devient dégénérative. Visuellement, cela ressemble à l'image d'un donut, où la partie dégénérative du tendon correspond au trou et la partie restante, encore saine, forme le donut.

Ce modèle illustre l'importance cruciale de la prévention et de l'intervention précoce pour maintenir la santé des tendons, en évitant leur progression vers une dégénérescence irréversible. Il met également en lumière l'importance d'une gestion adaptée et réactive des charges pour prévenir les dommages à long terme sur les structures tendineuses.

Dans notre pratique clinique, nous rencontrons fréquemment des patients présentant ce que l'on appelle des tendons "réactifs sur dégénératif". Ces patients continuent d'appliquer des charges inappropriées sur des tendons qui sont déjà épaissis et partiellement dégénérés. Typiquement, c'est lorsque les douleurs deviennent perceptibles que ces patients décident de consulter.

Ce stade du continuum pathologique représente un mélange de réactivité due à des charges récentes et de dégénérescence causée par des sollicitations antérieures non régulées ou excessives. La douleur survient souvent quand le tendon, déjà affaibli par des changements structurels, est sollicité au-delà de sa capacité résiduelle à absorber et à restituer les forces de manière efficace. Cela souligne l'importance d'une intervention kinésithérapeutique ciblée pour aider ces patients à gérer leur charge et à traiter les symptômes de douleur, tout en travaillant à stabiliser ou améliorer la condition du tendon.

Facteurs spécifiques

Le continuum pathologique des tendons, tel qu'expliqué simplement, inclut diverses charges appliquées aux tendons, qu'elles soient normales ou excessives, ainsi que plusieurs facteurs individuels influençant la tolérance à ces charges. Les principaux facteurs individuels à considérer comprennent les maladies collagéniques, la prise de certains antibiotiques comme les fluoroquinolones, la ménopause, le syndrome métabolique et le diabète.

Ces facteurs réduisent la capacité du tendon à tolérer les charges, chacun par des mécanismes différents. Par exemple, le syndrome métabolique affecte les propriétés mécaniques du tendon en y accumulant du gras, tandis que les fluoroquinolones endommagent les cellules tendineuses, limitant leur capacité de régénération. Malgré ces mécanismes distincts, le résultat final est une diminution de la tolérance du tendon aux charges.

Pour identifier ces facteurs lors de l'évaluation, il est crucial d'explorer en profondeur l'historique du patient. Si aucune faute de charge évidente n'explique la douleur, il pourrait être utile de considérer ces facteurs individuels. Par exemple, un patient ayant pris des fluoroquinolones peut présenter des douleurs bilatérales sans faute de charge évidente. Ainsi, lorsque l'histoire clinique ne révèle pas de cause claire et qu'aucun diagnostic différentiel n'est apparent, il est important d'examiner ces facteurs individuels pour mieux comprendre la pathologie tendineuse du patient.

Charge et éducation

Pour conclure, il est essentiel de bien entamer la rencontre avec le patient, car le premier échange est souvent déterminant pour la suite de la rééducation. Durant cet échange initial, l'écoute active du patient permet de saisir les enjeux de sa rééducation et ses objectifs spécifiques. Utiliser des analogies simples et familières, comme celles de l'estomac ou du coup de soleil, peut grandement faciliter la compréhension des concepts de charge.

Il est important de s'entraîner à utiliser ces analogies, même si elles ne sont pas parfaites au début, car cela améliorera progressivement votre capacité à expliquer ces concepts de manière claire et efficace. L'objectif est de faire du patient un partenaire de confiance dans la gestion de sa charge, que ce soit au quotidien, lors des activités sportives, ou durant les séances de rééducation. En gérant les charges de manière progressive et en évitant les fautes de charge, on favorise une rééducation optimale et efficace.

Conclusion

En résumé, il est crucial de se rappeler que l'acteur principal de la rééducation est le patient lui-même. Il est responsable de la gestion de ses charges quotidiennes et sportives, en suivant les conseils que nous lui donnons. Nous ne pouvons pas être constamment à ses côtés, mais nous pouvons l'éduquer et l'accompagner, notamment lors des bilans et des séances. Par la suite, c'est au patient de prendre en main la gestion de ses charges pour éviter les fautes de charge et les douleurs qui pourraient le ramener en consultation.

Notre rôle est donc d'éduquer les patients afin qu'ils puissent pleinement assumer leur responsabilité dans le processus de rééducation. En les guidant et en les informant correctement, nous les aidons à prévenir les blessures et à optimiser leur rétablissement.

Cette Masterclass va aborder la notion de charges dans le contexte des tendinopathies du membre inférieur. Nous allons particulièrement developper le versant éducatif afin d’augmenter nos chances d’adhérences des patients au traitement.

Cette masterclass va également reprendre la physiopathologie tendineuse, elle a pour but de compléter la masterclass intitulé : Comment les tendons réagissent à la charge ?

La gestion de la charge

Aujourd'hui, on aborde un sujet essentiel dans l'éducation des tendinopathies : la gestion des charges et les meilleures approches pour en discuter avec les patients. La première interaction avec le patient est déterminante pour le succès de la rééducation future. Il est essentiel de permettre au patient de s'exprimer librement, d'écouter attentivement son récit pour renforcer l'alliance thérapeutique. Cette communication efficace est importante dans tous les aspects, et pas seulement avec les patients souffrant de troubles persistants.

En écoutant l'histoire du patient, on peut souvent poser un diagnostic initial. Pour les troubles tendineux spécifiquement, on recherche toute faute de charge, qu'elle soit consciente ou non. En tant que kinésithérapeutes attentifs aux spécificités des troubles tendineux, il est primordial de détecter ces fautes de charge, car elles sont fréquemment à l'origine des douleurs. Comprendre et identifier ces erreurs, si elles existent, et les expliquer clairement au patient, est une étape fondamentale du traitement.

Toutefois, le terme « charge » est couramment utilisé entre kinésithérapeutes mais peut sembler obscur pour les patients. Il est donc important de clarifier ce que signifie la charge et d'expliquer l'importance des charges appliquées aux tendons pour que les patients puissent pleinement comprendre leur condition et le traitement proposé.

Analogies de la faute de charge

Pour simplifier, la charge représente l'ensemble des forces appliquées à nos tissus. Durant l'évaluation initiale, un patient atteint de tendinopathie décrit souvent un excès d'activité physique ou sportive. Cet excès de charge se produit lorsqu'il dépasse la capacité de ses tissus à supporter ces contraintes, une capacité influencée par son mode de vie, les sports pratiqués, ses méthodes d'entraînement, entre autres. Les recherches de Tim Gabett révèlent que le risque de blessure augmente lorsque le ratio de charge, c'est-à-dire la charge aiguë divisée par la charge chronique, est hors des limites de 0,9 à 1,3.

Il n'est pas toujours évident pour le patient de reconnaître une faute de charge; souvent, il pense simplement avoir repris le sport de manière habituelle sans percevoir le changement. Pour l'aider à comprendre cette notion, il est utile d'utiliser des analogies avec des expériences vécues. Par exemple, comparer un excès de charge à un coup de soleil peut être illustratif : si une personne s'expose soudainement à un soleil intense après une longue période sans soleil, elle risque de brûler, contrairement à si elle s'était graduellement acclimatée tout au long de l'été. Une autre analogie peut être celle de l'estomac : après une période de jeûne, un repas copieux peut être difficile à digérer, illustrant ainsi le concept de surcharge.

Ces métaphores, comme celle du coup de soleil ou de l'excès alimentaire durant Noël, aident à rendre le concept de faute de charge tangible et compréhensible pour le patient, en particulier lors d'une première rencontre où le clinicien cherche des moyens simples pour que tout le monde puisse saisir l'idée de faute de charge.

Surcharge tendineuse

Lorsqu'on aborde le sujet de la surcharge tendineuse, il s'agit essentiellement de l'application d'une charge excessive et inappropriée sur le tendon, ce que le tendon ne supporte pas bien. Pour illustrer ce concept, l'analogie de l'estomac est particulièrement parlante. En effet, tout comme un excès de nourriture peut causer des douleurs et des désagréments à l'estomac, une surcharge peut induire des douleurs et des changements structurels dans un tendon.

Ces changements structurels seront expliqués plus en détail ultérieurement, mais il est important de comprendre que le tendon peut seulement supporter les charges auxquelles il a été habitué. L'utilisation de l'image de l'estomac aide le patient à saisir cette idée de manière intuitive : tout comme il a déjà pu ressentir des douleurs après avoir trop mangé, il peut comprendre que le tendon réagit de façon similaire face à une surcharge.

Les charges tendineuses

Nous allons maintenant examiner les différents types de charges qui affectent les tendons. Bien que ces charges interagissent de manière combinée dans le corps, il est utile de les décomposer pour une meilleure compréhension et explication à nos patients. Premièrement, nous aborderons la charge tensile, également connue sous le nom de charge de traction. Ensuite, nous discuterons des charges compressives, suivies des charges de friction. Cette approche segmentée permet de clarifier comment chaque type de charge impacte le tendon de manière spécifique.

Charge tensile

Les charges tensiles sont le résultat d'un cycle de raccourcissement et d'allongement du tendon, comparable au fonctionnement d'un ressort ou d'un élastique. C'est le nombre de ces cycles de raccourcissement et d'allongement qui détermine la charge tensile subie par le tendon. Chaque tendon possède un rôle et une fonction spécifiques, qui varient selon sa localisation dans le corps.

Prenons l'exemple de la tendinopathie d'Achille, fréquente chez les coureurs. Elle est souvent causée par de nombreux cycles de tension de modérée, soulignant l'importance de la répétition dans la survenue de cette condition. À l'inverse, le tendon patellaire est moins souvent sollicité, mais subit des charges beaucoup plus intenses lors de sauts ou de changements de direction. L'intensité de ces charges varie également en fonction de la vitesse et du poids appliqués sur le tendon, ce qui en fait des facteurs de risque cruciaux à considérer.

Pour illustrer la charge tensile, considérons l'exemple d'une montée sur pointe : durant cet exercice, le tendon a tendance à se raccourcir puis à s’allonger. Ce phénomène représente la charge tensile, incarnant le principe d'encaissement et de restitution de l'énergie, qui est crucial pour le patient à comprendre. En pratique, c'est ce cycle d'allongement et de raccourcissement que le tendon subit, particulièrement lors des activités quotidiennes. Lorsque les patients viennent consulter, ils se montrent souvent irritables et réticents à réaliser ces mouvements, car ils ressentent cette tension. C'est là un exemple de la première type de charge appliquée sur les tendons, et c'est essentiel de l'expliquer clairement pour aider les patients à comprendre l'impact de leurs activités sur leur condition.

Type de contraction et contraintes

La charge tensile varie en fonction du type de contraction musculaire. Lors d'une contraction isométrique, la tension générée par le muscle s'applique sur le tendon, ce qui représente une sollicitation modérée pour celui-ci. Toutefois, l'ajout de poids peut augmenter cette tension, constituant ainsi la première étape de l'application de charge tensile. Cette méthode peut être employée précocement, même chez les patients très douloureux, grâce à son effet antalgique, bien documenté pour le quadriceps mais moins pour les tendinopathies d’Achille. Elle permet une réintroduction progressive de la charge.

Les contractions concentrique-excentrique, quant à elles, intensifient la charge par de véritables cycles de raccourcissement et d'allongement du tendon. L'augmentation du poids accroît significativement la contrainte sur le tendon. Il est donc crucial de bien doser la charge imposée au patient.

Enfin, les contractions pliométriques introduisent la vitesse comme un facteur critique, surpassant même l'impact du poids. Ce type de contraction représente la forme de charge tensile la plus exigeante pour le tendon. En rééducation, la compréhension de ces types de contractions aide à structurer une progression de charge, commençant par des exercices isométriques, suivis de mouvements concentrique-excentriques, et culminant avec des activités pliométriques, pour une remise en charge efficace et progressive des tendons.

Comme mentionné précédemment, augmenter le poids lors des exercices tend à accroître les contraintes subies par le tendon. Cependant, l'ajout de vitesse a un effet encore plus marqué sur l'intensité de ces contraintes. Dans notre approche thérapeutique, il est possible de moduler ces facteurs en ajustant le poids et la vitesse des exercices. Il est essentiel d'agir avec prudence lorsqu'on augmente la vitesse, car cela impose significativement plus de contraintes au tendon. Cette gestion délicate permet de personnaliser le traitement, en veillant à progresser de manière sûre et efficace.

 

Charge compressive

Abordons maintenant les charges compressives, le deuxième type de charge qui affecte les tendons. Ces charges se produisent lorsque le tendon s'enroule autour d'un relief osseux, à l'image d'un filon s'enroulant autour d'une poulie avec un poids suspendu. Cette interaction crée une contrainte entre le tendon et l'os, similaire à la tension ressentie lorsqu'on tente de placer sa main entre la poulie et le filon. Cette analogie aide le patient à visualiser la charge compressive en raison de sa possible expérience avec des mécanismes similaires.

La charge compressive varie considérablement d'un tendon à l'autre. Par exemple, pour le tendon d'Achille, c'est la flexion dorsale qui augmente la charge compressive en enroulant le tendon sur la partie supérieure du calcanéum. Au niveau du genou, la patella est pressée par le tendon patellaire, générant également des forces compressives. Concernant les tendinopathies du moyen fessier, le tendon est comprimé contre le grand trochanter.

Il est important de noter que les charges compressives peuvent varier même au sein d'un même tendon, comme le tendon d'Achille. Dans les cas d'enthésopathie, le tendon est plus sujet à des charges compressives par rapport à une tendinopathie corporéale où la compression est moins prédominante. De plus, l'intensité de la charge compressive est exacerbée par l'amplitude du mouvement et la durée d'exposition : plus l'enroulement est prononcé et maintenu, plus la charge est importante.

Pour illustrer la notion de charge compressive en contexte réel, considérons l'exemple du tendon d'Achille qui s'enroule autour du bord supérieur du calcanéum. C'est ce phénomène qui définit la charge compressive. Cette visualisation aide à comprendre l'impact mécanique subi par le tendon lors de mouvements spécifiques.

En conséquence, dans les premières étapes de traitement de certaines tendinopathies, et selon le type spécifique de tendinopathie diagnostiquée, on évite de faire exercer des activités comme monter sur une petite marche, qui pourraient intensifier la compression du tendon contre l'os et aggraver la condition. Cette approche prudente permet de minimiser la charge compressive et de favoriser une guérison progressive du tendon.

Pour le tendon du moyen fessier, lorsqu'une personne réalise une adduction ou un valgus dynamique, le tendon est progressivement comprimé contre le grand trochanter. Cette compression illustre bien la charge compressive en action. Pour ceux intéressés par une exploration plus détaillée de ce sujet, une Masterclass animée par Guénolé Delmas aborde cette thématique de manière spécifique et enrichissante. Je vous encourage vivement à consulter cette session pour une compréhension plus approfondie des dynamiques tendineuses et des stratégies de gestion des charges compressives.

Charge de friction

Enfin, nous abordons les charges de friction, qui sont quelque peu distinctes dans leur gestion. Elles peuvent être présentes de façon intermittente et nécessiter une intervention directe pour être éliminées, ou elles peuvent être inhérentes à la structure et donc inamovibles, dépendant de divers facteurs. Les charges de friction sont principalement générées par des structures adjacentes au tendon, telles que des paquets adipeux, des gaines tendineuses, des muscles invaginés, ou même des influences externes comme la chaussure.

Prenons l'exemple du plantaire grêle, qui peut être invaginé dans un tendon d'Achille. Cette configuration crée deux cycles distincts de raccourcissement et d'allongement, induisant ainsi des frottements et, par conséquent, des charges de friction. Si la source de la friction, comme un problème de chaussure, peut être corrigée, alors le problème est résolu simplement. Cependant, dans des cas comme celui d'un plantaire grêle invaginé, l'intervention chirurgicale pour retirer ce muscle du tendon d'Achille n'est généralement pas envisagée car les preuves de son efficacité sont limitées.

Il est donc crucial d'être attentif aux charges de friction, bien qu'elles soient considérées comme moins critiques que les charges tensiles et compressives. La gestion de ces charges implique souvent une évaluation minutieuse des facteurs contributifs et, lorsque possible, une intervention ciblée pour réduire leur impact.

Équilibre et combinaison de charge

L'aspect crucial en kinésithérapie consiste à équilibrer et combiner adéquatement les différentes charges qui affectent le tendon : compressives, tensiles et de friction. La capacité d'un patient à supporter ces charges nécessite une évaluation précise lors de l'anamnèse et de l'examen clinique. Il est fondamental de permettre au patient de s'exprimer librement pour mieux comprendre ses capacités et ses limites.

En fonction du type et de la localisation de la tendinopathie, la gestion des charges varie. Par exemple, les charges de friction, si elles peuvent être éliminées, doivent l'être immédiatement. Les charges compressives, souvent diminuées au début du traitement, sont réintroduites progressivement car elles sont physiologiquement normales et nécessaires. Les charges tensiles, quant à elles, sont généralement au cœur de la rééducation, bien que pour certaines tendinopathies, les charges compressives puissent être tout aussi critiques.

Il est essentiel de trouver le bon équilibre entre ces différents types de charges en fonction des besoins spécifiques du patient, pour concevoir un plan de rééducation efficace. Il est également important de considérer la charge quotidienne du patient, qui inclut non seulement les activités sportives mais aussi les activités de la vie quotidienne comme la marche, le vélo, ou monter des escaliers. Gérer ces charges quotidiennes est essentiel pour une rééducation complète et pour éduquer le patient sur la manière de gérer ses activités pour favoriser la guérison et prévenir de futures blessures.

Spécificité

Il est essentiel d'adopter une approche spécifique et individualisée dans la rééducation des tendinopathies, car chaque patient présente des besoins uniques en termes de charges. Historiquement, les protocoles de rééducation tendaient à uniformiser le traitement pour tous les patients, ce qui n'est plus considéré comme adéquat. En effet, la capacité de chaque individu à gérer la charge diffère significativement ; certains patients peuvent être très actifs et endurants, tandis que d'autres sont moins habitués à l'exercice régulier.

Ainsi, la rééducation doit être finement ajustée pour chaque patient. Par exemple, alors qu'il peut être bénéfique de pousser un patient comme Harold à aller au-delà de ses limites habituelles, appliquer le même niveau d'intensité à un patient comme Eliud, qui pourrait être capable de bien plus, serait sous-optimal. Cela montre l'importance d'adapter les charges en fonction des capacités et des activités quotidiennes de chaque patient.

De plus, il ne faut pas craindre de défier les patients avec des charges plus élevées lorsqu'approprié. Même si un excès de charge peut survenir, ce n'est généralement pas problématique ; les réactions du patient le lendemain fourniront des informations précieuses. Si le patient réagit bien, il est possible de continuer à augmenter progressivement la charge. Cette approche dynamique encourage non seulement la guérison mais aussi l'amélioration de la capacité fonctionnelle du patient, ajustant les traitements pour maximiser les résultats de rééducation.

Capacité d'adaptation du tendon

L'objectif principal dans la gestion des tendinopathies est de renforcer la capacité d'adaptation du tendon, le rendant ainsi plus fort et résilient face aux contraintes. Cette amélioration est similaire à un processus d'entraînement et se réalise à travers une remise en charge progressive. Ce processus n'est pas mené de manière isolée mais en collaboration étroite avec le patient. Il intègre les charges rencontrées dans les activités quotidiennes, les exercices sportifs, ainsi que les interventions spécifiques entreprises pendant les séances de rééducation. Cette approche holistique assure que chaque aspect de la vie du patient contribue à renforcer le tendon de manière durable et efficace.

Nouvelle nomenclature et physiopathologie

Pour approfondir notre compréhension, nous allons brièvement aborder la nouvelle nomenclature et la physiopathologie des tendons. Il existe une Masterclass disponible sur Fullphysio qui traite ce sujet en détail, mais ici, l'objectif est de clarifier les différents types de tendons que l'on peut rencontrer.

Premièrement, il y a le tendon sain, représenté en vert, qui est le type standard sans pathologie. Ensuite, nous avons le tendon réactif, indiqué en jaune, qui réagit à un surmenage ou une surcharge sans changements structurels dégénératifs. Les tendons dégénératifs, visualisés en rouge, montrent des changements structurels dus à des lésions ou à une dégradation au fil du temps. Enfin, il existe des tendons réactifs sur dégénératifs, qui combinent des caractéristiques des tendons réactifs et dégénératifs.

Il est crucial de noter que lors d'une lésion tendineuse, ce n'est généralement qu'une partie du tendon qui est affectée. De plus, un tendon sain présente une section transversale plus petite comparée à celle d'un tendon réactif ou dégénératif.

Ces distinctions sont importantes en rééducation, car elles orientent le traitement vers l'entraînement des fibres saines plutôt que la tentative de « guérir » les fibres dégénératives. Cette approche repose sur l'idée que le corps met en place des adaptations qui sont généralement bénéfiques et qu'il est plus efficace de renforcer les structures saines existantes plutôt que de se concentrer uniquement sur les parties endommagées.

Tendon sain

Un tendon sain se caractérise par sa matrice collagénique bien structurée, qui lui confère d'excellentes propriétés mécaniques essentielles pour l'encaissement et la restitution des forces. Ce type de tendon contient des cellules, principalement des ténocytes, qui sont intimement liées aux fibres de collagène. L'activité cellulaire dans un tendon sain est relativement faible, indiquant un état stable et peu de turnover cellulaire.

En observant un tendon sain in vivo, on peut constater des fibres de collagène de type 1 organisées de manière ordonnée et cohérente. Les ténocytes, étroitement associés à ces fibres de collagène, maintiennent la structure et la fonction du tendon. En outre, le système vasculaire de ces tendons est minimal et principalement sensitif, adapté à leur rôle et à leurs besoins métaboliques, ce qui contribue à leur efficacité et leur résilience.

Tendon réactif

Lorsqu'un tendon devient réactif suite à une première faute de charge, certains changements clés surviennent bien qu'il conserve la même organisation collagénique que celle d'un tendon sain. La différence principale réside dans l'activité des cellules qui deviennent hyperactives. Ces cellules commencent à produire un excès de protéoglycanes, des molécules qui attirent et retiennent l'eau dans le tendon. Cette accumulation d'eau provoque un léger gonflement du tendon.

Ce changement est important car il montre que, bien qu'il n'y ait pas d'altération de la structure collagénique elle-même, la réactivité du tendon à la surcharge est marquée par une augmentation de l'activité cellulaire et des modifications de la composition chimique interne. Cependant, cette condition est réversible. Le tendon réactif est typiquement observé chez les patients plus jeunes et survient généralement suite à leurs premières fautes de charge. Cela signifie que, avec une gestion appropriée de la charge et un repos adéquat, le tendon peut retourner à son état normal sans dommages permanents à sa structure.

Tendon dégénératif

Le tendon dégénératif se distingue par une désorganisation notable de sa matrice collagénique, caractérisée par l'apparition de fibres de collagène de type 3, qui sont moins organisées et moins robustes que les fibres de collagène de type 1 typiquement présentes dans un tendon sain. Cette modification structurelle réduit les qualités mécaniques du tendon, affectant sa capacité à gérer les charges et à fonctionner efficacement.

Cette dégénération ne se produit pas uniformément dans tout le tendon mais se localise généralement au milieu, ce qui donne à la section transversale du tendon une apparence en forme de donut. La zone centrale, ou le "trou" du donut, représente la partie dégénérée, tandis que le "donut" lui-même est constitué de tissu encore sain mais plus épais.

En rééducation, l'accent est mis sur l'amélioration des capacités des fibres saines plutôt que sur la tentative de réparer les fibres dégénérées, principalement parce qu'il existe peu ou pas de preuves que ces fibres puissent être efficacement régénérées dans un court laps de temps. C'est pourquoi il est essentiel d'expliquer clairement au patient l'analogie du donut pour qu'il comprenne l'importance de renforcer les parties saines du tendon plutôt que de focaliser sur les parties dégénérées.

Dans un tendon dégénératif, bien que le collagène de type 1 puisse encore être présent dans certaines zones, la présence accrue de collagène de type 3, associée à une activité cellulaire plus élevée et à une vascularisation plus importante, indique une tentative du corps de répondre à la dégénération, mais avec des matériaux de moindre qualité mécanique.

Continuum pathologique de Cook

Selon le continuum pathologique décrit par Jill Cook, le processus dégénératif d'un tendon peut être visualisé en plusieurs étapes. Initialement, un tendon sain, lorsqu'il est soumis à une première faute de charge, peut devenir un tendon réactif. Ce tendon réactif devient légèrement plus épais, mais sans changement structurel au niveau de la matrice collagénique. Si le patient adopte les bonnes pratiques de gestion de la charge à ce stade, le tendon peut généralement revenir à son état sain sans complications.

Cependant, si le patient continue de soumettre le tendon à des fautes de charge répétées sans ajuster correctement sa gestion de la charge, le tendon peut progresser vers un état dégénératif au fil du temps. Dans cette phase, une partie du tendon reste saine tandis que l'autre devient dégénérative. Visuellement, cela ressemble à l'image d'un donut, où la partie dégénérative du tendon correspond au trou et la partie restante, encore saine, forme le donut.

Ce modèle illustre l'importance cruciale de la prévention et de l'intervention précoce pour maintenir la santé des tendons, en évitant leur progression vers une dégénérescence irréversible. Il met également en lumière l'importance d'une gestion adaptée et réactive des charges pour prévenir les dommages à long terme sur les structures tendineuses.

Dans notre pratique clinique, nous rencontrons fréquemment des patients présentant ce que l'on appelle des tendons "réactifs sur dégénératif". Ces patients continuent d'appliquer des charges inappropriées sur des tendons qui sont déjà épaissis et partiellement dégénérés. Typiquement, c'est lorsque les douleurs deviennent perceptibles que ces patients décident de consulter.

Ce stade du continuum pathologique représente un mélange de réactivité due à des charges récentes et de dégénérescence causée par des sollicitations antérieures non régulées ou excessives. La douleur survient souvent quand le tendon, déjà affaibli par des changements structurels, est sollicité au-delà de sa capacité résiduelle à absorber et à restituer les forces de manière efficace. Cela souligne l'importance d'une intervention kinésithérapeutique ciblée pour aider ces patients à gérer leur charge et à traiter les symptômes de douleur, tout en travaillant à stabiliser ou améliorer la condition du tendon.

Facteurs spécifiques

Le continuum pathologique des tendons, tel qu'expliqué simplement, inclut diverses charges appliquées aux tendons, qu'elles soient normales ou excessives, ainsi que plusieurs facteurs individuels influençant la tolérance à ces charges. Les principaux facteurs individuels à considérer comprennent les maladies collagéniques, la prise de certains antibiotiques comme les fluoroquinolones, la ménopause, le syndrome métabolique et le diabète.

Ces facteurs réduisent la capacité du tendon à tolérer les charges, chacun par des mécanismes différents. Par exemple, le syndrome métabolique affecte les propriétés mécaniques du tendon en y accumulant du gras, tandis que les fluoroquinolones endommagent les cellules tendineuses, limitant leur capacité de régénération. Malgré ces mécanismes distincts, le résultat final est une diminution de la tolérance du tendon aux charges.

Pour identifier ces facteurs lors de l'évaluation, il est crucial d'explorer en profondeur l'historique du patient. Si aucune faute de charge évidente n'explique la douleur, il pourrait être utile de considérer ces facteurs individuels. Par exemple, un patient ayant pris des fluoroquinolones peut présenter des douleurs bilatérales sans faute de charge évidente. Ainsi, lorsque l'histoire clinique ne révèle pas de cause claire et qu'aucun diagnostic différentiel n'est apparent, il est important d'examiner ces facteurs individuels pour mieux comprendre la pathologie tendineuse du patient.

Charge et éducation

Pour conclure, il est essentiel de bien entamer la rencontre avec le patient, car le premier échange est souvent déterminant pour la suite de la rééducation. Durant cet échange initial, l'écoute active du patient permet de saisir les enjeux de sa rééducation et ses objectifs spécifiques. Utiliser des analogies simples et familières, comme celles de l'estomac ou du coup de soleil, peut grandement faciliter la compréhension des concepts de charge.

Il est important de s'entraîner à utiliser ces analogies, même si elles ne sont pas parfaites au début, car cela améliorera progressivement votre capacité à expliquer ces concepts de manière claire et efficace. L'objectif est de faire du patient un partenaire de confiance dans la gestion de sa charge, que ce soit au quotidien, lors des activités sportives, ou durant les séances de rééducation. En gérant les charges de manière progressive et en évitant les fautes de charge, on favorise une rééducation optimale et efficace.

Conclusion

En résumé, il est crucial de se rappeler que l'acteur principal de la rééducation est le patient lui-même. Il est responsable de la gestion de ses charges quotidiennes et sportives, en suivant les conseils que nous lui donnons. Nous ne pouvons pas être constamment à ses côtés, mais nous pouvons l'éduquer et l'accompagner, notamment lors des bilans et des séances. Par la suite, c'est au patient de prendre en main la gestion de ses charges pour éviter les fautes de charge et les douleurs qui pourraient le ramener en consultation.

Notre rôle est donc d'éduquer les patients afin qu'ils puissent pleinement assumer leur responsabilité dans le processus de rééducation. En les guidant et en les informant correctement, nous les aidons à prévenir les blessures et à optimiser leur rétablissement.

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