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La maladie de Dupuytren - Diagnostic & Bilan

EBP Module
Updated
5/25/2024
Tessadit Aissaoui
Kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation de la main
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2 - Diagnostic - Bilan clinique

a - Bilan pré-opératoire

En tant que masseur kinĂ©sithĂ©rapeute, le bilan prĂ©-opĂ©ratoire ne nous concerne gĂ©nĂ©ralement pas. NĂ©anmoins, il reste intĂ©ressant Ă  connaĂźtre car nous constatons parfois de maniĂšre fortuite que des patients sont atteints de cette maladie, mĂȘme s'ils viennent nous voir pour un motif de consultation diffĂ©rent. De plus, il peut contribuer Ă  une Ă©valuation des mesures physiques de la fonction de la main afin d’assurer un suivi Ă  court et long terme. Les Ă©valuations de la fonction physique doivent inclure des mesures de l'amplitude des mouvements des articulations des doigts, de la force de prĂ©hension, de la sensibilitĂ© et de la douleur (Turesson, 2018a).

Avant tout, il est essentiel de noter que le diagnostic de la maladie de Dupuytren est uniquement clinique. En effet, ce dernier ne nĂ©cessite en aucun cas un examen complĂ©mentaire (Dutta et al., 2020). Les seuls examens complĂ©mentaires rĂ©alisĂ©s seront lors d’un doute concernant un possible diagnostic diffĂ©rentiel (Wendahl & Abd-Elsayed, 2019)

Comme Ă©voquĂ© lors de l’introduction, cette maladie est souvent indolore (Rodrigues, Zhang, et al., 2015), d’oĂč son retard de diagnostic frĂ©quent.

Lors de l’examen, les mĂ©decins (gĂ©nĂ©ralistes, rhumatologues, ou chirurgiens de la main) vont examiner dans un premier temps l'aspect de la main et voir s'il existe :

  • ‍Des nodules. Il s’agit de petites boules dans la paume de la main ou Ă©ventuellement Ă  la base des doigts, voire du pouce. Ces nodules sont rarement douloureux (exceptĂ© localement en cas de phase inflammatoire),
  • ‍Des cordes ou des brides, qui se forment progressivement au niveau de la paume de la main et parfois au niveau des doigts. Les doigts finissent par se rĂ©tracter,
  • ‍Des dĂ©pressions, qui sont des invaginations de la peau sous forme de petits trous ou creux (Centre de la Main Orleans, 2015).

Afin de dĂ©finir s’il peut ĂȘtre intĂ©ressant de rediriger le patient vers un mĂ©decin spĂ©cialisĂ© dans le but d’une possible intervention chirurgicale, il pourrait ĂȘtre possible de s’appuyer sur les trois critĂšres suivants (Karbowiak et al., 2021) :

  • Limitation de plus de 30° d’extension de la mĂ©tacarpo-phalangienne et/ou limitation de plus de 10-20° d’extension de l’inter-phalangique proximale. Pour certains auteurs (Dutta et al., 2020), toute limitation de l’extension de l’IPP doit amener Ă  consulter un mĂ©decin spĂ©cialisĂ© dĂ» au risque de contracture de la bandelette latĂ©rale (et donc d’une possible dĂ©formation du doigt en boutonniĂšre).
  • Contracture sĂ©vĂšre au niveau du pouce limitant la fonctionnalitĂ© de ce dernier
  • Progression rapide sur peu de mois.

À la suite de l’observation, les mĂ©decins pourront alors rĂ©aliser le Table Top Test of Hueston : dĂ©crit par Hueston et ses collaborateurs en 1982 (J. T. Hueston, 1982). Ce test consiste simplement Ă  demander au patient de mettre la main Ă  plat sur la table. Le test est considĂ©rĂ© comme positif lorsque la paume de la main et les doigts ne peuvent pas toucher la table (la main n’est pas Ă  plat). Dans ce cas, cela indique alors le besoin d’opĂ©rer le Dupuytren. En revanche, lorsque ce test est nĂ©gatif, il n’y aurait pas besoin d’opĂ©rer. Nous remarquerons que ce test est utilisĂ© afin de « valider » un traitement interventionnel (J. T. Hueston, 1982).

Finalement, il est important de noter que si ce test est positif, un traitement interventionnel devrait ĂȘtre envisagĂ© prĂ©cocement afin d’éviter que le patient en arrive Ă  un stade avancĂ©, plus difficile Ă  opĂ©rer, et pouvant gĂ©nĂ©rer plus de complications (Wietlisbach, 2019).

En cas d'atteinte des inter phalangiennes proximales (IPP), il sera important de bien vĂ©rifier la flexion des inter phalangiennes distales (IPD) pour Ă©viter un doigt en boutonniĂšre enraidi (en effet, en cas de flessum de l'IPP, l'IPD a tendance Ă  rester en extension voire hyper extension). De plus, plusieurs auteurs indiquent qu'aucune dĂ©formation en flexion des inter-phalangiennes ne devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme acceptable en raison du risque de contractures de la bande latĂ©rale (Dutta et al., 2020).

Afin de faciliter la classification de cette pathologie de maniĂšre objective, Tubiana et Michon proposĂšrent en 1968 (Tubiana et al., 1968) une classification en quatre stades principaux :

Cette classification, Ă©value rayon par rayon la localisation et l'intensitĂ© des lĂ©sions. Ainsi, elle  permet d’obtenir une observation chiffrĂ©e. Classiquement, chaque stade supplĂ©mentaire correspond Ă  une diminution de l’amplitude de 45° sur l’ensemble des articulations MCP, IPP et IPD. Ainsi :

  • Stade 0 : Absence de Dupuytren
  • Stade N : PrĂ©sence d’un nodule sans rĂ©traction
  • Stade 1 : RĂ©traction comprise entre 1° et 45°
  • Stade 2 : RĂ©traction comprise entre 45° et 90°
  • Stade 3 : RĂ©traction comprise entre 90° et 135°
  • Stade 4 : RĂ©traction supĂ©rieure Ă  135°.

Plus le stade est avancĂ©, plus la pathologie sera difficile Ă  traiter et risque de comporter des distensions de la bandelette mĂ©diane (avec pour consĂ©quence une flexion non rĂ©ductible (Chammas et al., 2015b; Rayan, 2007). Le pronostic sera donc meilleur lorsque le patient est pris en charge prĂ©cocement (stade 1 ou 2). Dans le stade 0, seul un nodule ou une contracture sont prĂ©sents sans ĂȘtre accompagnĂ©s d’une contracture (Grazina et al., 2019).

En complĂ©ment du nombre de degrĂ©s perdus, des lettres peuvent venir complĂ©ter l’échelle afin de dĂ©finir la localisation et la sĂ©vĂ©ritĂ© :

  • « P » pour palmaire,
  • « D » pour digital
  • « H » ou « H+ » pour une hyper-extension de la phalange distale (doigt en boutonniĂšre)
  • « - » pour l’absence de contracture (Grazina et al., 2019)

Dans les atteintes du pouce : il est possible d’utiliser cette Ă©chelle afin d’évaluer le degrĂ© d’atteinte en mesurant l'Ă©cartement maximal entre la pulpe du pouce et de l'index pour comparer avec l'autre main. D’une maniĂšre similaire aux autres doigts de la main, chaque stade correspond Ă  une perte de 15° (Chammas et al., 2015a). Ainsi, on retrouve :

  • Stade 0 : Absence de Dupuytren
  • Stade N : PrĂ©sence d’un nodule sans rĂ©traction (angle supĂ©rieur Ă  45°)
  • Stade 1 : RĂ©traction de l’ordre de 15° (angle d’écartement du pouce compris entre 45° et 30°)
  • Stade 2 : RĂ©traction de l’ordre de 30° (angle d’écartement du pouce compris entre 30° et 15°)
  • Stade 3 : RĂ©traction de l’ordre de 45° (angle d’écartement du pouce infĂ©rieur Ă  15°)

Bien entendu, cette comparaison doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e avant et aprĂšs opĂ©ration. En effet, la rĂ©traction de la 1Ăšre commissure est trĂšs gĂȘnante fonctionnellement :

Démonstration des différents stades de rétraction du pouce

Il est en revanche important de rappeler que le risque de rĂ©cidive est important et ce indĂ©pendamment de ces stades. En effet, le risque de rĂ©cidive dĂ©pendra plutĂŽt du traitement proposĂ© ainsi que des rĂ©sultats immĂ©diats (International conference on Dupuytren disease, 2017; Karbowiak et al., 2021) ou de la sĂ©vĂ©ritĂ© de le pathologie initiale (International conference on Dupuytren disease, 2017). En revanche, certains auteurs soulignent le manque de dĂ©finition sur ce qui caractĂ©rise une rĂ©currence (Kan et al., 2013). Pour ces derniers, il serait donc plus adĂ©quat de se baser sur la perte d’extension pour parler d’une rĂ©currence que sur la prĂ©sence d’un nodule fibreux puisque certaines « rĂ©currences » ne nĂ©cessiteront pas d’intervention.

De plus, il est Ă  noter que si d’autres classifications existent (comme celle de Luck en 1959 (Luck, 1959)), c’est bien celle de Tubiana et Michon qui est considĂ©rĂ©e comme la plus complĂšte des classifications. Cependant, elle serait pour certains un peu longue Ă  mettre en Ɠuvre (Akhavani et al., 2015).

b - Bilan Kinésithérapique (post-opératoire)

Lorsque le patient vient d’ĂȘtre opĂ©rĂ©, il est indispensable de rĂ©aliser un bilan le plus complet et objectif possible pour l’évaluer sur un instant T ainsi que dans le temps afin d’objectiver sa progression dans le temps.

Dans la poursuite de ces objectifs, nous vous proposerons donc un bilan dĂ©composĂ© en plusieurs parties : l’histoire de la maladie, les dysfonctions, l’évaluation des douleurs, l’évaluation des amplitudes ainsi que les Ă©chelles fonctionnelles. Afin de se rapprocher le plus possible d’une dĂ©marche EBP, ce bilan se basera sur les quelques articles scientifiques s’intĂ©ressant Ă  l’évaluation du patient opĂ©rĂ©, sur les bilans proposĂ©s par la SociĂ©tĂ© Française de RĂ©Ă©ducation de la Main ou GEMMSOR (Boutan, 2013a) ainsi que sur l’expĂ©rience du terrain.

1 - AnamnĂšse

Dans cette premiĂšre partie, on s’intĂ©resse Ă  la personne dans sa globalitĂ© avant de s’intĂ©resser dans un second temps Ă  sa main. Il sera donc important de noter les points suivants :

  • S'il s'agit d'un premier bilan, d'un bilan intermĂ©diaire ou final, et bien sĂ»r la date de l’opĂ©ration.
  • Âge du patient.
  • La profession du patient : il s’agira ici de dĂ©finir si la profession peut ĂȘtre liĂ©e Ă  l’apparition de la pathologie (rappelons que les vibrations favoriseraient l’apparition de cette pathologie (Mathieu et al., 2021)). De plus, il sera important de dĂ©finir l’usage de la main au cours de la profession. En effet, les besoins seront liĂ©s Ă  l’activitĂ© professionnelle (un Ă©lagueur aura des besoins diffĂ©rents d’un programmateur informatique).
  • Les loisirs du patient : est-ce que le (la) patient(e) utilise beaucoup sa main pathologique lors de ses loisirs ? De maniĂšre similaire Ă  la profession, les besoins seront spĂ©cifiques Ă  l’activitĂ© rĂ©alisĂ©e (tennis Vs couture).
  • La main prĂ©fĂ©rentielle (ou latĂ©ralitĂ©) devra ĂȘtre notĂ©e ainsi que la main atteinte.
  • La prĂ©sence de pathologies associĂ©es (Ledderhose, capsulites, Lapeyronie) (Eaton, 2022).

2 - Histoire de la maladie

AprĂšs avoir abordĂ© les gĂ©nĂ©ralitĂ©s concernant le patient, intĂ©ressons-nous Ă  la description de la maladie. Dans cette partie il sera important d’évaluer :

  • La comprĂ©hension de la maladie : pour se faire, il suffira de laisser le patient s’exprimer. Dans le cas d’une incomprĂ©hension (idĂ©es fausses liĂ©es Ă  la rĂ©traction des tendons flĂ©chisseurs),  il faudra donc rĂ©expliquer au patient la pathologie.
  • Le compte rendu opĂ©ratoire. Parmi les informations Ă  rĂ©cupĂ©rer dans ce compte rendu opĂ©ratoire, nous trouverons :

           - Date d’apparition de la pathologie

            - La date d’opĂ©ration (permettant de dĂ©finir le dĂ©lais entre l’opĂ©ration et la prise en charge kinĂ©sithĂ©rapique, qui devrait ĂȘtre le plus prĂ©coce possible)

            - Le stade prĂ©-opĂ©ratoire selon l’échelle de Tubiana et Michon. Dans le cas oĂč le stade n’apparaĂźt pas sur le compte rendu et que le patient n’est pas au courant, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de demander une photo prĂ©-opĂ©ratoire de la main afin de dĂ©finir ce stade.

            - Type d’opĂ©ration

            - La voie d’abord : gĂ©nĂ©ralement, cette derniĂšre est palmaire ou latĂ©rale dans les cas de brides sur l’inter phalangique proximale.

            - Complications liĂ©es Ă  l’opĂ©ration (atteinte des flĂ©chisseurs, du paquet vasculo-nerveux).

  • La prĂ©sence d’une attelle ou non devrait ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e..

Finalement, lors de cette seconde partie de l’anamnĂšse, il sera possible de dĂ©finir certains traits de caractĂšre du patient tels que :

  • La prĂ©sence de kinĂ©siophobie ?
  • Une hyperactivitĂ© ?
  • Un dĂ©sinvestissement dans la rĂ©Ă©ducation.

Enfin, le nom du mĂ©decin prescripteur sera notĂ©. Ce dernier point est notamment d’intĂ©rĂȘt afin d’échanger et de transmettre le bilan directement au mĂ©decin s’il le souhaite

3 - Dysfonctions

Lors de l’analyse des dysfonctions, il sera important de s’intĂ©resser aux troubles trophiques, Ă  l’ƓdĂšme ainsi qu’au pĂ©rimĂštre de la main.

Dans un premier temps, lors de l’analyse des troubles trophiques, il sera indispensable d’évaluer la prĂ©sence d’un pansement, d’une cicatrice ou d’un hĂ©matome. Il sera important de dĂ©tecter les signes d’infection ou de nĂ©crose. Dans ce dernier cas, une photographie pourra ĂȘtre adressĂ©e au mĂ©decin prescripteur

Il est à noter que les cicatrices dépendront grandement de la technique opératoire utilisée.

‍

Finalement, dÚs la fermeture cutanée, le thérapeute devra évaluer :

  • Les Ă©ventuelles adhĂ©rences rĂ©manentes : dans certains cas, des adhĂ©rences peuvent persister. Il est donc important de palper les cicatrices, ainsi que de tester le tissu en position d’étirement Afin de faciliter leur Ă©valuation, certains chirurgiens plastiques conseillent l’utilisation de l’échelle modifiĂ©e de Rosenthal afin d’évaluer la condition de cette adhĂ©rence. Cette derniĂšre est composĂ©e de 4 grades. Le premier degrĂ© correspond Ă  une peau mobile sans fossette ni blanchissement. Le Grade 2 correspond Ă  une mobilitĂ© limitĂ©e, un blanchiment de l’adhĂ©rence avec extension des doigts. Le degrĂ© 3 correspondant Ă  une adhĂ©rence blanchissante au repos. Finalement, dans le grade 4, on retrouverait une macĂ©ration de la peau (Eaton, 2022).
  • La qualitĂ© de la cicatrice : le thĂ©rapeute pourra Ă©valuer le caractĂšre inflammatoire de la cicatrice ainsi que l’aspect gĂ©nĂ©ral de la cicatrice (hypertrophique, chĂ©loĂŻde, rĂ©tractile).

            - QualitĂ© gĂ©nĂ©rale : dimensions, couleur, tempĂ©rature de la cicatrice. Il est Ă  noter qu’une photographie peut ĂȘtre rĂ©aliser. Il sera important d’évaluer la douleur provoquĂ©e par la cicatrice ainsi que les dĂ©mangaisons (prurit) associĂ©es. Le test de vitopression pourrait lui aussi ĂȘtre utilisĂ©. Ce dernier consiste en la compression de la cicatrice. Puis, lors du relĂąchement, le temps de recoloration de la peau est Ă©valuĂ©. Si la peau se recolore en moins de 3 secondes, cela signe une certaine inflammation. À l’inverse, si la cicatrice se recolore en plus de 3 secondes, cela signerait une absence d’inflammation.

           - Inflammation : pour dĂ©crire le caractĂšre inflammatoire d’une cicatrice, il peut ĂȘtre utile de se servir de la « Vancouver Scar Scale ». Cette Ă©chelle Ă©value la pigmentation de la peau, la vascularisation, la souplesse de la peau ainsi que la hauteur de la cicatrice.

           - Une Ă©valuation plus globale pourrait ĂȘtre proposĂ©e en se basant sur l’échelle POSAS qui est notamment utilisĂ©e par certains auteurs (De Almeida et al., 2019) dans la recherche clinique. L’avantage de cette Ă©chelle est l’évaluation rĂ©alisĂ©e par l’observateur, mais aussi par le patient.

  • L’ƓdĂšme pĂ©ri-cicatriciel. : cette ƓdĂšme pourra ĂȘtre mesurĂ© selon plusieurs mesures :

           - La mĂ©thode de mesure en huit : rĂ©alisĂ©e Ă  l’aide d’un mĂštre ruban, elle s’exĂ©cute en suivant des repĂšres de rĂ©fĂ©rence anatomiques prĂ©cis. Ainsi, le mĂštre ruban passe deux fois autour du corps de la main Ă  2 endroits distincts pour produire un motif en huit (Pellecchia, 2003). Cette mesure serait considĂ©rĂ©e comme valide et reproductible par de nombreuses Ă©tudes (Leard et al., 2004; Llanos et al., 2021; Maihafer et al., 2003).

Correspondance points anatomiques : 1 = Point de dĂ©part au niveau palmaire de la styloĂŻde radiale ; 2 = Passage au-dessus du tendon du flĂ©chisseur ulnaire ; 3 = TĂȘte du second mĂ©tacarpien (en dorsal) ; 4 = Passage au niveau palmaire du 5Ăšme pli palmaire ; 5 = Passage en dorsal du 5Ăšme pli palmaire et se diriger en direction du long abducteur de l’hallux ; 6 = Retour au point de dĂ©part (styloĂŻde radiale)

           - La mesure circonfĂ©rentielle de la main : plus basique, cette mesure consiste en la mesure du pĂ©rimĂštre de la main en se basant sur un ou plusieurs repĂšres anatomiques prĂ©cis. Ce type de mesure pourrait donc ĂȘtre rĂ©alisĂ© au niveau des mĂ©tacarpo-phalangiennes ou de l’interphalangique proximale lorsque cette derniĂšre est atteinte.

4 - Évaluation de la douleur

Comme dit lors de l’introduction, un Dupuytren n’est que rarement douloureux (15% des cas des patients non opĂ©rĂ©s) (Rodrigues, Zhang, et al., 2015). En revanche, si les suites opĂ©ratoires du Dupuytren ne sont gĂ©nĂ©ralement pas douloureuses, il se peut que certains en prĂ©sentent. Il est donc obligatoire de s’intĂ©resser Ă  cette derniĂšre.

Parmi les informations Ă  obtenir concernant la douleur, nous noterons :

  • L’intensitĂ© de la douleur : objectivable grĂące Ă  une Ă©chelle visuelle analogique, au repos mais Ă©galement Ă  l'effort, lorsque le patient se sert de sa main.
  • La localisation de la douleur : paume de la main, inter-phalangiennes proximales/distales, mĂ©tacarpo-phalangienne, sur la cicatrice. Afin de faciliter cette Ă©tape, un schĂ©ma de la main peut ĂȘtre proposĂ© (on peut rĂ©aliser un dessin de la cicatrice et dĂ©finir une zone douloureuse en pointillĂ©s).
  • Les variations et pĂ©riodicitĂ©s de la douleur (au cours de la journĂ©e, au cours de certaines activitĂ©s).
  • La durĂ©e de la douleur
  • La modulation de la douleur (par des mĂ©dicaments, par des actions rĂ©alisĂ©es par le patient).
  • Les retentissements fonctionnels de la douleur sur le quotidien du patient : difficultĂ©s Ă  rĂ©aliser des activitĂ©s ? DifficultĂ©s Ă  dormir ?

Ces informations permettront donc d’obtenir des informations sur le type de douleur auquel le thĂ©rapeute se confronte. Selon l’IASP, on retrouve principalement trois types de douleurs qui peuvent former des douleurs mixtes (International Association for the Study of Pain (IASP), 2011) :

  • Douleur nociceptive : elle rĂ©sulte de dommages rĂ©els ou craints par des tissus non neuraux et est dĂ©clenchĂ©e par l'activation des nocicepteurs.
  • Douleur neuropathique : une douleur qui est la consĂ©quence directe d'une lĂ©sion ou d'une maladie touchant le systĂšme somatosensoriel
  • Douleur nociplastique : l'augmentation de la rĂ©ponse des neurones du systĂšme nerveux central Ă  des stimulus d'intensitĂ© normale ou sous liminaire.

Afin de complĂ©ter les informations sur la douleur, un test DN4 (ou Douleur Neuropathique 4) pourra ĂȘtre proposĂ©. Ce dernier permet d’évaluer la prĂ©sence de douleurs neuropathiques. Ce test est d’autant plus intĂ©ressant que dans certains cas, comme abordĂ© dans la partie « complications », il peut se produire des atteintes du paquet vasculo nerveux. Le nerf lĂ©sĂ© par la bride et/ou l'intervention peut alors dĂ©clencher des douleurs de type neuropathique qu’un test DN4 permettra d’objectiver.  

Le test DN4 (ou Douleur Neuropathique 4) est un test composĂ© de 10 questions. Lorsque le patient rĂ©pond « Oui » Ă  4 questions ou plus, le test est considĂ©rĂ© comme positif avec pour signification la possible prĂ©sence d’une douleur neuropathique.

Finalement, un dernier cas concernant les douleurs doit ĂȘtre abordĂ©. Il s’agit du Syndrome Douloureux RĂ©gional Complexe (SDRC) anciennement intitulĂ© algodystrophie. Ce dernier se caractĂ©rise principalement par des douleurs disproportionnĂ©es Ă  la lĂ©sion. Les principaux signes d'alerte concernant cette complication sont :

  • Douleurs diffuses
  • Douleurs disproportionnĂ©es / intervention
  • Hyper sudation, ƓdĂšme important et durable, diffĂ©rence de couleur par rapport au membre sain
  • Fourmillements liĂ©s Ă  l’ƓdĂšme
  • Attelles et contentions non supportĂ©es

Le SDRC est la complication la plus courante de cette maladie (Gerlac, 2017, p. 20). Attention, il ne faut en revanche pas le confondre avec une « flare reaction » (décrite dans l'introduction).

Selon certains auteurs, un SDRC ne devrait pas ĂȘtre suspectĂ© avant 4 Ă  6 semaines en post-opĂ©ratoire(Wietlisbach, 2019). En effet, les signes prĂ©sentĂ©s par le patient devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme « normaux » en post-opĂ©ratoire immĂ©diat. C'est donc la perduration dans le temps et/ou l’aggravation des signes qui doivent mettre le thĂ©rapeute en alerte.

Afin d’objectiver cette possible complication, les critĂšres de Budapest sont les plus recommandĂ©s Ă  l’heure actuelle (Harden et al., 2010).

Si ceux-ci sont positifs, redirigez le patient vers le médecin prescripteur sans en parler trop précisément au patient, pour deux raisons :

  • Les kinĂ©sithĂ©rapeutes ne sont pas mĂ©decins. Ils ne sont donc pas habiliter Ă  rĂ©aliser un diagnostic mĂ©dical
  • « Diagnostiquer » un SDRC pourrait faire paniquer le patient alors que le diagnostic final ne sera Ă©mis que par le mĂ©decin.

5 - Évaluation des amplitudes

Afin d’évaluer les amplitudes articulaires dans la maladie de Dupuytren, il est important d'Ă©valuer chaque articulation du ou des doigts concernĂ©s de maniĂšre passive et active. Les amplitudes seront alors mesurĂ©es Ă  l’aide d’un goniomĂštre de Cochin (et non pas des goniomĂštres classiques qui peuvent se rĂ©vĂ©ler limitĂ©s dans ce type de mesure).

Les mesures goniomĂ©triques s'effectuent en plaçant le goniomĂštre en face dorsale, et en face palmaire pour l'hyper extension qui sera donc positive (+30° par exemple), notamment au niveau des MP oĂč la moyenne de mobilitĂ© est de +45° (MespliĂ© et al., 2013a; Wietlisbach, 2019). Selon certains auteurs, la diffĂ©rence significative cliniquement doit ĂȘtre d’un minimum de 13,5° pour qu'un patient perçoive un bĂ©nĂ©fice. Ainsi, si la correction chirurgicale ne permet pas d’amĂ©liorer l’extension d’un minimum de 13,5°, le patient risque de ne pas obtenir un bĂ©nĂ©fice fonctionnel. De plus, si la contracture est infĂ©rieure Ă  13,5°, la nĂ©cessitĂ© d’une intervention pourrait ĂȘtre questionnĂ©e(Lo & Pickford, 2013)

Il est Ă  noter que certains auteurs (Dufour, 2007) proposent la mesure de ces amplitudes Ă  l’aide d’un fil de fer. Dans ce cas, le thĂ©rapeute rĂ©alise Ă  l’aide d’un fil de fer le contour (par un abord dorsal) du doigt du patient en flexion complĂšte. À partir de cette prise d’empreinte, le thĂ©rapeute rĂ©alise donc les mesures avec son goniomĂštre. Si cette mĂ©thode semble un peu empirique, elle peut se rĂ©vĂ©ler utile pour les thĂ©rapeutes non-initiĂ©s Ă  la thĂ©rapie de la main.

6 - Évaluation « psychologique » du patient

S’il ne s’agit pas du premier paramĂštre Ă  Ă©valuer lors du suivi d’un patient opĂ©rĂ© d’un Dupuytren, il semble que cette derniĂšre ne serait pas nĂ©gligeable. En effet, une Ă©tude de 2015 s’est intĂ©ressĂ©e l’impact des diffĂ©rents facteurs pouvant affecter la bonne rĂ©cupĂ©ration (Engstrand et al., 2015a). Selon cette derniĂšre, la bonne rĂ©cupĂ©ration serait corrĂ©lĂ©e Ă  la rĂ©cupĂ©ration des amplitudes, Ă  la rĂ©cupĂ©ration fonctionnelle (qui est objectivable avec certaines Ă©chelles comme le DASH/QuickDash) ainsi que des fonctions plus « Ă©motionnelles » ou plus gĂ©nĂ©rales de type « qualitĂ© de vie ». Il serait donc pertinent d’évaluer ces derniers facteurs puisque si l’échelle DASH aborde rapidement ces questions, elle ne permettrait pas d’aborder ces facteurs de maniĂšre complĂšte (Coenen et al., 2013).

Afin d’évaluer ces facteurs, il serait possible de se servir des questions utilisĂ©es par Engstrand dans son Ă©tude (Engstrand et al., 2015b):

·      Craignez-vous de ne pas pouvoir faire confiance à votre fonction manuelle ?

·      Pour des raisons de sécurité, devez-vous prendre des précautions particuliÚres en raison de votre fonction manuelle ?

·      Avez-vous peur de vous faire mal à la main ?

·      Êtes-vous prĂ©occupĂ© par l'apparence de votre main ?

·      Évitez-vous d'utiliser votre main dans des contextes sociaux ?

À chaque question, le patient pourrait alors rĂ©pondre en utilisant une cotation entre 0 et 10 oĂč le 0 reprĂ©sente « dans une large mesure » et le 10 reprĂ©sente « pas du tout ».

Exemple :

7 - Échelles et Scores

Afin d’évaluer les capacitĂ©s fonctionnelles du patient, il est important d’utiliser des Ă©chelles et scores permettant d’objectiver ces fonctions. Dans la pathologie de Dupuytren, il en existe plusieurs dont l’échelle DASH, l’échelle QuickDASH, l’échelle « URAM scale », la « Southampton Dupuytren's Scoring System (SDSS) » ou la « Michigan Hand Questionnaire (MHQ) » ainsi que la Brief MHQ. IntĂ©ressons-nous aux trois principales : l’échelle QuickDASH, l’URAM Scale et la Brief MHQ :

  • QuickDASH : forme abrĂ©gĂ©e du DASH, il se compose de 11 questions et permet d’évaluer la fonction et les symptĂŽmes des personnes souffrant de pathologies musculo squelettiques du membre supĂ©rieur. Dans le suivi du syndrome de Dupuytren, il semble que celui-ci soit un bon outils pour suivre l’évolution (Budd et al., 2011). Cependant, certains auteurs considĂšrent que ce QuickDASH ne serait pas utilisable dans cette pathologie puisqu’il n’évaluerait pas certaines difficultĂ©s propres Ă  la pathologie comme la capacitĂ© Ă  mettre des gants ou Ă  serrer une main. De plus, cette Ă©chelle mettrait l’accent sur la main de finesse et non pas la main de force (correspondant Ă  la prise ulnaire) qui est la principale atteinte dans le syndrome de Dupuytren  (Lo & Pickford, 2013).
  • L’URAM Scale : Ă©chelle Française rĂ©cemment validĂ©e et recommandĂ©e (Beaudreuil, Allard, et al., 2011; BernabĂ© et al., 2014), De plus, une revue rĂ©cente a pu Ă©tablir que cette Ă©chelle prĂ©sente une sensibilitĂ© importante aux changements malgrĂ© une faible spĂ©cificitĂ© (Sanjuan-Cervero et al., 2022). En pratique, elle Ă©value 9 situations pouvant se rĂ©vĂ©ler compliquĂ©es lors de la prĂ©sence d’une maladie de Dupuytren. Cette Ă©chelle possĂšde l’avantage d’ĂȘtre rapide Ă  utiliser dans une pratique quotidienne. En revanche, certains auteurs critiquent sa difficultĂ© Ă  Ă©valuer certains problĂšmes communs dans cette pathologie comme l’incapacitĂ© Ă  enfiler un gant ou l’incapacitĂ© Ă  glisser sa main dans la poche (Rodrigues, Zhang, et al., 2015)
  • L’échelle Brief MHQ : rĂ©cemment traduite et validĂ©e en français (Efanov et al., 2018), elle est considĂ©rĂ©e par certaines revues systĂ©matiques comme la meilleure grĂące Ă  ses propriĂ©tĂ©s psychomĂ©triques qualitatives (Bradet-Levesque et al., 2021). En pratique, nous prĂ©fĂ©rons la Brief MHQ Ă  la MHQ pour sa rapiditĂ© d’exĂ©cution.

Dans le cadre d’un Dupuytren opĂ©rĂ©, il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant d’effectuer prĂ©-test selon les souvenirs de sa fonction prĂ©-opĂ©ratoire (ou directement lors de l’évaluation prĂ©-opĂ©ratoire si on se rend compte de la prĂ©sence de la pathologie chez le patient), puis un test Ă  mi-parcours de rĂ©Ă©ducation (= Ă  6 semaines environ), et finalement, un test Ă  la fin des sĂ©ances.

Dans l'idéal, le patient doit avoir récupéré toutes ses capacités fonctionnelles à la fin de la rééducation (en effet, le pronostic de récupération fonctionnelle dans la maladie de Dupuytren est trÚs bon, sauf complication).

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