Quelques généralités :
Au niveau de la structure tendineuse, le tendon est organisé de manière à supporter les tensions en allongement donc il possède un alliage de fibres de collagène qui est organisé en faisceaux parallèles. On verra que quand ce tendon va se dégénérer, il risque d'y avoir une perte de ce parallélisme de ces faisceaux et c'est une des caractéristiques des tendinopathies.
Moins important d'un point de vue clinique, c'est l'organisation hiérarchique. Effectivement, il y a à chaque fois des structures qui s'organisent entre elles et l'addition des structures les plus petites vont finalement former le tendon. Un point clé le tendon est globalement faiblement vascularisé ce qui le caractérise par rapport à un muscle, par rapport à certains ligaments. Il est plus proche pour ça du cartilage, de certaines zones du ménisque et donc d'un point de vue métabolique c'est un tissu qui ne consomme pas grand-chose. C'est intéressant puisque c'est une astuce que l'organisme a pour bouger, pour sauter à faible coût énergétique. Le muscle va être responsable d'une partie du mouvement mais le tendon est capable d'emmagasiner une partie de l'énergie et de la restituer sans consommer beaucoup d'énergie. Par conséquent le tendon peut supporter pas mal de choses sans trop se plaindre mais en revanche sa capacité de guérison est assez faible. C'est pour cela que certaines tendinopathies durent des mois. Une lésion musculaire va parfois être plus spectaculaire, va amener beaucoup plus d’impotence fonctionnelle dans les premiers jours où première semaine. Un tendon ce sera beaucoup moins spectaculaire mais ça peut durer beaucoup plus longtemps toujours à cause de cette faible vascularisation.
Il existe plusieurs modèles de la pathoétiologie des tendons. Certains modèles impliquent l'inflammation comme facteur principal (Abate et al. 2009 ; Rees et al. 2014), d'autres proposent une cicatrisation matricielle défaillante après une blessure (Clancy et al. 1989 ; Fu et al. 2010), et d'autres encore suggèrent que la cellule est le principal moteur (Cook et al. 2009). Le modèle de continuum de Cook et Purdam élaboré en 2009 et révisé en 2016 est basé sur une réponse cellulaire décrit en quatre états primaires de la pathologie tendineuse : l’état réactif, l’état de dysréparation, l’état dégénératif et l’état réactif sur dégénératif (Cook et al. 2016). Quelle que soit l'étiologie, la pathologie semble être la même dans tous les tendons (Longo et al. 2008 ; Maffulli et al. 2004).
Sur le schéma on retrouve au départ un tendon normal.
S’il y a une charge optimale, le tendon va être capable de s’adapter et se renforcer au fur et à mesure qu’on augmente la charge en prenant soin de rester dans la limite de ce que le tendon peut supporter. Il s’agit donc d’un cercle vertueux optimal qui ne s’arrêtera idéalement jamais.
Dans le cas où une charge inadaptée a été imposée au tendon, il va y avoir une perte d’homéostasie tissulaire et le tendon va rentrer en souffrance. Le tendon ne va donc pas bien vivre le fait d’être trop chargée et une des premières réactions de ce tendon à qui on impose une surcharge va être de développé un état réactif.
De même si le tendon est sous-stimulé et fragilisé au départ, par exemple le patient a eu un plâtre pendant 3 semaines, il n’a pas posé le pied au sol, et bien ce patient là en reprenant l’activité qu’il faisait avant ce plâtre, il va peut-être développer une tendinopathie réactive étant donné que le tendon est tout à fait déchargé. Chez un patient alité depuis un certain temps, même une charge « normale » peut suffire à provoquer une tendinopathie réactive.
La pathologie tendineuse réactive se caractérise par une régulation à la hausse des ténocytes et une augmentation des protéoglycanes (Cook et al. 2004 ; Williams et al. 1984).
Ce stade précoce de la pathologie tendineuse est caractérisé par une augmentation de la taille du tendon et une augmentation de certains signaux anaboliques/cataboliques, mais les propriétés mécaniques du tissu tendineux restent inchangées (Tran et al. 2020).
Il a été démontré sur des modèles de surcharge aiguë suivant une charge de fatigue des tendons, des changements dans la structure et la matrice du tendon, avec des changements cellulaires et un " relâchement " de la matrice compacte (Szczesny et al. 2018, Shepherd et al. 2013) sans preuve de déchirure franche du collagène. Ces changements reflètent notre compréhension de la pathologie précoce du tendon, et soutiennent l'idée qu'aucune perturbation majeure de la matrice du tendon n'est nécessaire pour déclencher une tendinopathie (Tran et al. 2020).
Ces changements (probablement) non inflammatoires peuvent se situer dans la matrice inter-fasciculaire plutôt que dans les faisceaux fasciculaires, en raison d'un glissement excessif dans la matrice inter-fasciculaire lors des charges de stockage et de libération d'énergie (Cook et al. 2018).
Une fois irrités, les ténocytes semblent rester sensibilisés pendant une période considérable (Dakin et al. 2018). La sensibilisation des ténocytes dans un tendon jeune et intact semble être fortement communiquée par la signalisation des cytokines entre les cellules (Danielson et al. 2006 ; , Backman et al. 2011), imitant certains signes d'inflammation mais avec des niveaux de cytokines inférieurs à ceux d'une réponse inflammatoire traditionnelle. L'imagerie montre une augmentation fusiforme de l'épaisseur du tendon avec une disposition homogène et normale de la matrice et un gonflement interstitiel diffus. Ce gonflement est une manière pour le tendon de se protéger et se renforcer en augmentant sa rigidité.
Il semble exister une certaine capacité de normalisation de ces changements matriciels à ce stade (Malliaras et al. 2006).
Si maintenant malgré l’apparition de cette tendinopathie réactive, le patient continue de charger son tendon de manière trop importante, on va passer à un état de dysréparation.
Cet état décrit des changements cellulaires et matriciels inter-fasciculaires similaires avec des changements plus importants à l'intérieur du fascicule. Ces changements entraînent une rupture préliminaire de la structure hiérarchique et une perte probable de la fonction de la matrice inter-fasciculaire ainsi une progression vers la fusion.
Cette pathologie moins réversible est plus hétérogène à l'imagerie.
Si le patient ne tient pas compte des signes et symptômes que le tendon lui envoie, le tendon risque de passer à l’état dégénératif.
Cet état implique une destruction supplémentaire de l'organisation hiérarchique du tendon, avec une modification des cellules tendineuses et de la matrice. Les régions de la pathologie dégénérative ont peu de collagène de type I organisé (plus de type II et III) et sont peu susceptibles de pouvoir transmettre des charges de traction. La matrice inter fasciculaire n'est plus évidente. La pathologie dégénérative peut être hétérogène et dispersée dans tout le tendon (Achille) ou avoir un noyau central (tendon rotulien). L'imagerie révèle une augmentation de l'épaisseur du tendon avec des zones hypoéchogènes et une vascularisation plus ou moins importante. Cette vascularisation est probablement opportuniste (Ingber et al. 1991), et ne permet pas d'améliorer la perfusion tissulaire ni de faciliter la réparation (Kraushaar et al. 1999).
La difficulté, c’est que tous ces éléments de ces états réactifs, de dysréparation et dégénératifs peuvent se chevaucher selon la zone du tendon. Il peut y avoir des zones de tendon qui sont dégénératives et d’autres zones normales (Docking et al. 2014), il peut y avoir des zones de tendon qui sont dégénératives et d’autres zones réactives.
Ce qui n’est pas facile également, c’est que les symptômes sont différents : parfois, ça peut faire mal, parfois non. On a des patients qui vont avoir une tendinopathie quasiment asymptomatique donc des patients qui n’ont pas de douleur malgré qu’ils aient un tendon très fortement abîmé. Généralement la tendinopathie réactive est toujours douloureuses quelques jours, quelques semaines mais chez certains patient, la douleur va rester présente au stade dégénératif, et chez d’autres encore la douleur va passer malgré le passage à un état de dysréparation, ou dégénératif. Par conséquent, les symptômes ne permettent pas de se dire : « on est à tel endroit sur le continuum », il faut tenir compte d’un ensemble d’éléments. Or, en kinésithérapie on va surtout se fier aux symptômes. Les traitement les plus efficaces sont ceux qui permettent de voir comment un tendon réagit à certaines charges qu’on va lui soumettre et donc on va se référer aux symptômes.
On peut donc avoir des patients ayant des tendinopathies dégénératives tout à fait asymptomatique et qui ne consulteront pas en kinésithérapie. Nous travaillerons souvent avec des patients qui ont une partie du tendon qui est dégénérative et une partie du tendon qui est réactive et qui fait mal tout en sachant que nous aurons une action relativement limité sur la partie dégénérative du tendon.
Un tendon dégénératif ne peut pas supporter de charge en raison de son manque de structure matricielle. Lorsqu'une charge est placée sur un tendon dégénératif, c'est la partie tout d’abord normale du tendon qui supporte la charge. Si la charge dépasse la capacité du tendon, des changements réactifs peuvent se produire au sein de la structure normale.
L'imagerie échographique ou IRM montre une zone typique de dégénérescence du tendon, mais il est difficile sur l'imagerie de détecter les changements réactifs dans la partie normale du tendon. Les cas cliniques typiques ce sont les patients qui vont traîner pendant des mois et des mois ces tendinopathies, avec de longues prise en charge pour permettre de renforcer la partie non dégénérative du tendon.
« Traitez le donut, pas le trou » est une métaphore que de nombreux praticiens ont déjà entendue. Dans cette métaphore, le trou correspond au tendon dégénératif et le donut correspond au tendon sain ou réactif.
Concernant la partie dégénérative, les interventions influençant la structure sont moins pertinentes, car comme nous l’avons dit la pathologie semble avoir une réversibilité limitée. C’est donc dû au fait que les régions du tendon dégénératif peuvent être mécaniquement silencieuses (c’est-à-dire incapables de transmettre et de sentir la charge de traction due à une désorganisation fibrillaire) et donc ces régions ne répondent pas à la mise en charge.
L’incapacité de charger les cellules du tendon pour fournir suffisamment de stimulus pour l’adaptation peut expliquer la réversibilité limitée des tendons dégénératifs. Par conséquent, la réalisation des traitements dans l’espoir de guérir le tendon dégénératif comme la chaleur, la thérapie manuelle et d’autres thérapies passives est futile.
De plus, un tendon pathologique semble compenser efficacement les zones de désorganisation en modifiant son architecture pour maintenir des volumes suffisants de fibres de collagène alignées (Docking et al. 2015).
Par conséquent, Docking et al suggèrent que les traitements devraient viser à améliorer la force et la capacité du tendon dans le volume existant de tendon normal (Docking et al. 2015).
La modulation des symptômes peut être réalisée avec des approches passives, mais elles ont des avantages limités à court terme et ne visent pas l’inhibition motrice, la force musculaire réduite et la capacité de chargement des tendons. LES TENDONS DOIVENT donc ÊTRE CHARGÉS !
Actuellement, le continuum de Cook reste un modèle de référence dans le cas des tendinopathies mais sa principale faiblesse provient du fait qu’il restreint la douleur à l’état tissulaire du tendon. Or, l'interaction entre la structure, la douleur et la fonction n'est pas encore totalement comprise, ce qui contribue en partie au tableau clinique complexe de la tendinopathie.
Bibliographie
Abate Daga, Federico, Marco Panzolini, Ruben Allois, Luca Baseggio, et Samuel Agostino. « Age-Related Differences in Hamstring Flexibility in Prepubertal Soccer Players: An Exploratory Cross-Sectional Study ». Frontiers in Psychology 12 (2021).
Cook, J. L., J. A. Feller, S. F. Bonar, et K. M. Khan. « Abnormal Tenocyte Morphology Is More Prevalent than Collagen Disruption in Asymptomatic Athletes’ Patellar Tendons ». Journal of Orthopaedic Research: Official Publication of the Orthopaedic Research Society 22, nᵒ 2 (mars 2004): 334‑38.
Cook, J. L., et C. R. Purdam. « Is Tendon Pathology a Continuum? A Pathology Model to Explain the Clinical Presentation of Load-Induced Tendinopathy ». British Journal of Sports Medicine 43, nᵒ 6 (juin 2009): 409‑16.
Cook, J. L., E. Rio, C. R. Purdam, et S. I. Docking. « Revisiting the Continuum Model of Tendon Pathology: What Is Its Merit in Clinical Practice and Research? » British Journal of Sports Medicine 50, nᵒ 19 (octobre 2016): 1187‑91.
Cook, Jill L., et Hazel R. C. Screen. « Tendon Pathology: Have we missed the first step in the development of pathology? » Journal of Applied Physiology 125, nᵒ 4 (octobre 2018): 1349‑50.
Dakin, Stephanie Georgina, Julia Newton, Fernando O. Martinez, Robert Hedley, Stephen Gwilym, Natasha Jones, Hamish A. B. Reid, et al. « Chronic Inflammation Is a Feature of Achilles Tendinopathy and Rupture ». British Journal of Sports Medicine 52, nᵒ 6 (mars 2018): 359‑67.
Docking, Sean I., Samuel D. Rosengarten, John Daffy, et Jill Cook. « Structural Integrity Is Decreased in Both Achilles Tendons in People with Unilateral Achilles Tendinopathy ». Journal of Science and Medicine in Sport 18, nᵒ 4 (juillet 2015): 383‑87.
Ingber, D. « Extracellular Matrix and Cell Shape: Potential Control Points for Inhibition of Angiogenesis ». Journal of Cellular Biochemistry 47, nᵒ 3 (novembre 1991): 236‑41.
Kraushaar, B. S., et R. P. Nirschl. « Tendinosis of the Elbow (Tennis Elbow). Clinical Features and Findings of Histological, Immunohistochemical, and Electron Microscopy Studies ». The Journal of Bone and Joint Surgery. American Volume 81, nᵒ 2 (février 1999): 259‑78.
Longo, Umile Giuseppe, Francesco Franceschi, Laura Ruzzini, Carla Rabitti, Sergio Morini, Nicola Maffulli, et Vincenzo Denaro. « Histopathology of the Supraspinatus Tendon in Rotator Cuff Tears ». The American Journal of Sports Medicine 36, nᵒ 3 (mars 2008): 533‑38.
Maffulli, Nicola, Pankaj Sharma, et Karen L Luscombe. « Achilles tendinopathy: aetiology and management ». Journal of the Royal Society of Medicine 97, nᵒ 10 (octobre 2004): 472‑76.
Rees, Jonathan D., Matthew Stride, et Alex Scott. « Tendons--Time to Revisit Inflammation ». British Journal of Sports Medicine 48, nᵒ 21 (novembre 2014): 1553‑57.
Shepherd, Jennifer H., et Hazel R. C. Screen. « Fatigue Loading of Tendon ». International Journal of Experimental Pathology 94, nᵒ 4 (2013): 260‑70.
Szczesny, Spencer E., Céline Aeppli, Alexander David, et Robert L. Mauck. « Fatigue Loading of Tendon Results in Collagen Kinking and Denaturation but Does Not Change Local Tissue Mechanics ». Journal of Biomechanics 71 (11 avril 2018): 251‑56.
Tran, Peter H. T., Nikolaj M. Malmgaard-Clausen, Rikke S. Puggaard, René B. Svensson, Janus D. Nybing, Philip Hansen, Peter Schjerling, et al. « Early Development of Tendinopathy in Humans: Sequence of Pathological Changes in Structure and Tissue Turnover Signaling ». FASEB Journal: Official Publication of the Federation of American Societies for Experimental Biology 34, nᵒ 1 (janvier 2020): 776‑88.
Quelques généralités :
Au niveau de la structure tendineuse, le tendon est organisé de manière à supporter les tensions en allongement donc il possède un alliage de fibres de collagène qui est organisé en faisceaux parallèles. On verra que quand ce tendon va se dégénérer, il risque d'y avoir une perte de ce parallélisme de ces faisceaux et c'est une des caractéristiques des tendinopathies.
Moins important d'un point de vue clinique, c'est l'organisation hiérarchique. Effectivement, il y a à chaque fois des structures qui s'organisent entre elles et l'addition des structures les plus petites vont finalement former le tendon. Un point clé le tendon est globalement faiblement vascularisé ce qui le caractérise par rapport à un muscle, par rapport à certains ligaments. Il est plus proche pour ça du cartilage, de certaines zones du ménisque et donc d'un point de vue métabolique c'est un tissu qui ne consomme pas grand-chose. C'est intéressant puisque c'est une astuce que l'organisme a pour bouger, pour sauter à faible coût énergétique. Le muscle va être responsable d'une partie du mouvement mais le tendon est capable d'emmagasiner une partie de l'énergie et de la restituer sans consommer beaucoup d'énergie. Par conséquent le tendon peut supporter pas mal de choses sans trop se plaindre mais en revanche sa capacité de guérison est assez faible. C'est pour cela que certaines tendinopathies durent des mois. Une lésion musculaire va parfois être plus spectaculaire, va amener beaucoup plus d’impotence fonctionnelle dans les premiers jours où première semaine. Un tendon ce sera beaucoup moins spectaculaire mais ça peut durer beaucoup plus longtemps toujours à cause de cette faible vascularisation.
Il existe plusieurs modèles de la pathoétiologie des tendons. Certains modèles impliquent l'inflammation comme facteur principal (Abate et al. 2009 ; Rees et al. 2014), d'autres proposent une cicatrisation matricielle défaillante après une blessure (Clancy et al. 1989 ; Fu et al. 2010), et d'autres encore suggèrent que la cellule est le principal moteur (Cook et al. 2009). Le modèle de continuum de Cook et Purdam élaboré en 2009 et révisé en 2016 est basé sur une réponse cellulaire décrit en quatre états primaires de la pathologie tendineuse : l’état réactif, l’état de dysréparation, l’état dégénératif et l’état réactif sur dégénératif (Cook et al. 2016). Quelle que soit l'étiologie, la pathologie semble être la même dans tous les tendons (Longo et al. 2008 ; Maffulli et al. 2004).
Sur le schéma on retrouve au départ un tendon normal.
S’il y a une charge optimale, le tendon va être capable de s’adapter et se renforcer au fur et à mesure qu’on augmente la charge en prenant soin de rester dans la limite de ce que le tendon peut supporter. Il s’agit donc d’un cercle vertueux optimal qui ne s’arrêtera idéalement jamais.
Dans le cas où une charge inadaptée a été imposée au tendon, il va y avoir une perte d’homéostasie tissulaire et le tendon va rentrer en souffrance. Le tendon ne va donc pas bien vivre le fait d’être trop chargée et une des premières réactions de ce tendon à qui on impose une surcharge va être de développé un état réactif.
De même si le tendon est sous-stimulé et fragilisé au départ, par exemple le patient a eu un plâtre pendant 3 semaines, il n’a pas posé le pied au sol, et bien ce patient là en reprenant l’activité qu’il faisait avant ce plâtre, il va peut-être développer une tendinopathie réactive étant donné que le tendon est tout à fait déchargé. Chez un patient alité depuis un certain temps, même une charge « normale » peut suffire à provoquer une tendinopathie réactive.
La pathologie tendineuse réactive se caractérise par une régulation à la hausse des ténocytes et une augmentation des protéoglycanes (Cook et al. 2004 ; Williams et al. 1984).
Ce stade précoce de la pathologie tendineuse est caractérisé par une augmentation de la taille du tendon et une augmentation de certains signaux anaboliques/cataboliques, mais les propriétés mécaniques du tissu tendineux restent inchangées (Tran et al. 2020).
Il a été démontré sur des modèles de surcharge aiguë suivant une charge de fatigue des tendons, des changements dans la structure et la matrice du tendon, avec des changements cellulaires et un " relâchement " de la matrice compacte (Szczesny et al. 2018, Shepherd et al. 2013) sans preuve de déchirure franche du collagène. Ces changements reflètent notre compréhension de la pathologie précoce du tendon, et soutiennent l'idée qu'aucune perturbation majeure de la matrice du tendon n'est nécessaire pour déclencher une tendinopathie (Tran et al. 2020).
Ces changements (probablement) non inflammatoires peuvent se situer dans la matrice inter-fasciculaire plutôt que dans les faisceaux fasciculaires, en raison d'un glissement excessif dans la matrice inter-fasciculaire lors des charges de stockage et de libération d'énergie (Cook et al. 2018).
Une fois irrités, les ténocytes semblent rester sensibilisés pendant une période considérable (Dakin et al. 2018). La sensibilisation des ténocytes dans un tendon jeune et intact semble être fortement communiquée par la signalisation des cytokines entre les cellules (Danielson et al. 2006 ; , Backman et al. 2011), imitant certains signes d'inflammation mais avec des niveaux de cytokines inférieurs à ceux d'une réponse inflammatoire traditionnelle. L'imagerie montre une augmentation fusiforme de l'épaisseur du tendon avec une disposition homogène et normale de la matrice et un gonflement interstitiel diffus. Ce gonflement est une manière pour le tendon de se protéger et se renforcer en augmentant sa rigidité.
Il semble exister une certaine capacité de normalisation de ces changements matriciels à ce stade (Malliaras et al. 2006).
Si maintenant malgré l’apparition de cette tendinopathie réactive, le patient continue de charger son tendon de manière trop importante, on va passer à un état de dysréparation.
Cet état décrit des changements cellulaires et matriciels inter-fasciculaires similaires avec des changements plus importants à l'intérieur du fascicule. Ces changements entraînent une rupture préliminaire de la structure hiérarchique et une perte probable de la fonction de la matrice inter-fasciculaire ainsi une progression vers la fusion.
Cette pathologie moins réversible est plus hétérogène à l'imagerie.
Si le patient ne tient pas compte des signes et symptômes que le tendon lui envoie, le tendon risque de passer à l’état dégénératif.
Cet état implique une destruction supplémentaire de l'organisation hiérarchique du tendon, avec une modification des cellules tendineuses et de la matrice. Les régions de la pathologie dégénérative ont peu de collagène de type I organisé (plus de type II et III) et sont peu susceptibles de pouvoir transmettre des charges de traction. La matrice inter fasciculaire n'est plus évidente. La pathologie dégénérative peut être hétérogène et dispersée dans tout le tendon (Achille) ou avoir un noyau central (tendon rotulien). L'imagerie révèle une augmentation de l'épaisseur du tendon avec des zones hypoéchogènes et une vascularisation plus ou moins importante. Cette vascularisation est probablement opportuniste (Ingber et al. 1991), et ne permet pas d'améliorer la perfusion tissulaire ni de faciliter la réparation (Kraushaar et al. 1999).
La difficulté, c’est que tous ces éléments de ces états réactifs, de dysréparation et dégénératifs peuvent se chevaucher selon la zone du tendon. Il peut y avoir des zones de tendon qui sont dégénératives et d’autres zones normales (Docking et al. 2014), il peut y avoir des zones de tendon qui sont dégénératives et d’autres zones réactives.
Ce qui n’est pas facile également, c’est que les symptômes sont différents : parfois, ça peut faire mal, parfois non. On a des patients qui vont avoir une tendinopathie quasiment asymptomatique donc des patients qui n’ont pas de douleur malgré qu’ils aient un tendon très fortement abîmé. Généralement la tendinopathie réactive est toujours douloureuses quelques jours, quelques semaines mais chez certains patient, la douleur va rester présente au stade dégénératif, et chez d’autres encore la douleur va passer malgré le passage à un état de dysréparation, ou dégénératif. Par conséquent, les symptômes ne permettent pas de se dire : « on est à tel endroit sur le continuum », il faut tenir compte d’un ensemble d’éléments. Or, en kinésithérapie on va surtout se fier aux symptômes. Les traitement les plus efficaces sont ceux qui permettent de voir comment un tendon réagit à certaines charges qu’on va lui soumettre et donc on va se référer aux symptômes.
On peut donc avoir des patients ayant des tendinopathies dégénératives tout à fait asymptomatique et qui ne consulteront pas en kinésithérapie. Nous travaillerons souvent avec des patients qui ont une partie du tendon qui est dégénérative et une partie du tendon qui est réactive et qui fait mal tout en sachant que nous aurons une action relativement limité sur la partie dégénérative du tendon.
Un tendon dégénératif ne peut pas supporter de charge en raison de son manque de structure matricielle. Lorsqu'une charge est placée sur un tendon dégénératif, c'est la partie tout d’abord normale du tendon qui supporte la charge. Si la charge dépasse la capacité du tendon, des changements réactifs peuvent se produire au sein de la structure normale.
L'imagerie échographique ou IRM montre une zone typique de dégénérescence du tendon, mais il est difficile sur l'imagerie de détecter les changements réactifs dans la partie normale du tendon. Les cas cliniques typiques ce sont les patients qui vont traîner pendant des mois et des mois ces tendinopathies, avec de longues prise en charge pour permettre de renforcer la partie non dégénérative du tendon.
« Traitez le donut, pas le trou » est une métaphore que de nombreux praticiens ont déjà entendue. Dans cette métaphore, le trou correspond au tendon dégénératif et le donut correspond au tendon sain ou réactif.
Concernant la partie dégénérative, les interventions influençant la structure sont moins pertinentes, car comme nous l’avons dit la pathologie semble avoir une réversibilité limitée. C’est donc dû au fait que les régions du tendon dégénératif peuvent être mécaniquement silencieuses (c’est-à-dire incapables de transmettre et de sentir la charge de traction due à une désorganisation fibrillaire) et donc ces régions ne répondent pas à la mise en charge.
L’incapacité de charger les cellules du tendon pour fournir suffisamment de stimulus pour l’adaptation peut expliquer la réversibilité limitée des tendons dégénératifs. Par conséquent, la réalisation des traitements dans l’espoir de guérir le tendon dégénératif comme la chaleur, la thérapie manuelle et d’autres thérapies passives est futile.
De plus, un tendon pathologique semble compenser efficacement les zones de désorganisation en modifiant son architecture pour maintenir des volumes suffisants de fibres de collagène alignées (Docking et al. 2015).
Par conséquent, Docking et al suggèrent que les traitements devraient viser à améliorer la force et la capacité du tendon dans le volume existant de tendon normal (Docking et al. 2015).
La modulation des symptômes peut être réalisée avec des approches passives, mais elles ont des avantages limités à court terme et ne visent pas l’inhibition motrice, la force musculaire réduite et la capacité de chargement des tendons. LES TENDONS DOIVENT donc ÊTRE CHARGÉS !
Actuellement, le continuum de Cook reste un modèle de référence dans le cas des tendinopathies mais sa principale faiblesse provient du fait qu’il restreint la douleur à l’état tissulaire du tendon. Or, l'interaction entre la structure, la douleur et la fonction n'est pas encore totalement comprise, ce qui contribue en partie au tableau clinique complexe de la tendinopathie.
Bibliographie
Abate Daga, Federico, Marco Panzolini, Ruben Allois, Luca Baseggio, et Samuel Agostino. « Age-Related Differences in Hamstring Flexibility in Prepubertal Soccer Players: An Exploratory Cross-Sectional Study ». Frontiers in Psychology 12 (2021).
Cook, J. L., J. A. Feller, S. F. Bonar, et K. M. Khan. « Abnormal Tenocyte Morphology Is More Prevalent than Collagen Disruption in Asymptomatic Athletes’ Patellar Tendons ». Journal of Orthopaedic Research: Official Publication of the Orthopaedic Research Society 22, nᵒ 2 (mars 2004): 334‑38.
Cook, J. L., et C. R. Purdam. « Is Tendon Pathology a Continuum? A Pathology Model to Explain the Clinical Presentation of Load-Induced Tendinopathy ». British Journal of Sports Medicine 43, nᵒ 6 (juin 2009): 409‑16.
Cook, J. L., E. Rio, C. R. Purdam, et S. I. Docking. « Revisiting the Continuum Model of Tendon Pathology: What Is Its Merit in Clinical Practice and Research? » British Journal of Sports Medicine 50, nᵒ 19 (octobre 2016): 1187‑91.
Cook, Jill L., et Hazel R. C. Screen. « Tendon Pathology: Have we missed the first step in the development of pathology? » Journal of Applied Physiology 125, nᵒ 4 (octobre 2018): 1349‑50.
Dakin, Stephanie Georgina, Julia Newton, Fernando O. Martinez, Robert Hedley, Stephen Gwilym, Natasha Jones, Hamish A. B. Reid, et al. « Chronic Inflammation Is a Feature of Achilles Tendinopathy and Rupture ». British Journal of Sports Medicine 52, nᵒ 6 (mars 2018): 359‑67.
Docking, Sean I., Samuel D. Rosengarten, John Daffy, et Jill Cook. « Structural Integrity Is Decreased in Both Achilles Tendons in People with Unilateral Achilles Tendinopathy ». Journal of Science and Medicine in Sport 18, nᵒ 4 (juillet 2015): 383‑87.
Ingber, D. « Extracellular Matrix and Cell Shape: Potential Control Points for Inhibition of Angiogenesis ». Journal of Cellular Biochemistry 47, nᵒ 3 (novembre 1991): 236‑41.
Kraushaar, B. S., et R. P. Nirschl. « Tendinosis of the Elbow (Tennis Elbow). Clinical Features and Findings of Histological, Immunohistochemical, and Electron Microscopy Studies ». The Journal of Bone and Joint Surgery. American Volume 81, nᵒ 2 (février 1999): 259‑78.
Longo, Umile Giuseppe, Francesco Franceschi, Laura Ruzzini, Carla Rabitti, Sergio Morini, Nicola Maffulli, et Vincenzo Denaro. « Histopathology of the Supraspinatus Tendon in Rotator Cuff Tears ». The American Journal of Sports Medicine 36, nᵒ 3 (mars 2008): 533‑38.
Maffulli, Nicola, Pankaj Sharma, et Karen L Luscombe. « Achilles tendinopathy: aetiology and management ». Journal of the Royal Society of Medicine 97, nᵒ 10 (octobre 2004): 472‑76.
Rees, Jonathan D., Matthew Stride, et Alex Scott. « Tendons--Time to Revisit Inflammation ». British Journal of Sports Medicine 48, nᵒ 21 (novembre 2014): 1553‑57.
Shepherd, Jennifer H., et Hazel R. C. Screen. « Fatigue Loading of Tendon ». International Journal of Experimental Pathology 94, nᵒ 4 (2013): 260‑70.
Szczesny, Spencer E., Céline Aeppli, Alexander David, et Robert L. Mauck. « Fatigue Loading of Tendon Results in Collagen Kinking and Denaturation but Does Not Change Local Tissue Mechanics ». Journal of Biomechanics 71 (11 avril 2018): 251‑56.
Tran, Peter H. T., Nikolaj M. Malmgaard-Clausen, Rikke S. Puggaard, René B. Svensson, Janus D. Nybing, Philip Hansen, Peter Schjerling, et al. « Early Development of Tendinopathy in Humans: Sequence of Pathological Changes in Structure and Tissue Turnover Signaling ». FASEB Journal: Official Publication of the Federation of American Societies for Experimental Biology 34, nᵒ 1 (janvier 2020): 776‑88.