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Chaine cinétique ouverte après reconstruction du LCA

Masterclass
Published
5/25/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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Florian Forelli, kinésithérapeute du sport :

Masseur Kinésithérapeute du sport avec une prise en charge quasi exclusive de patient atteint de rupture et/ou reconstruction du LCA, j’exerce au sein du Centre Orthosport dans la banlieue Nord de Paris.

Associé à cette activité pratique, j’exerce et je dirige l’unité d’exploration fonctionnelle de la Clinique de Domont ou je coordonne le parcours ambulatoire des patients atteints de reconstruction du LCA, du préopératoire au retour au sport (éducation, bilan d’évaluation, etc..).

C’est également avec cette même unité que je travaille avec divers professionnels, notamment attachés à la SFMKS et au SFMKS Lab, sur des sujets de recherches liés à la rééducation du LCA.

Contexte

La chaîne ouverte, sujet controversé en rééducation, nécessite une approche spécifique similaire à celle adoptée pour le LCA. L'objectif est d'optimiser le continuum de rééducation de la phase pré-opératoire à la phase post-opératoire tardive, jusqu'au retour au sport et à la performance, dans une démarche pluriprofessionnelle. Le renforcement musculaire joue un rôle clé dans cette optimisation, facilitant un retour au sport plus efficace. Il est crucial de ne pas négliger la proprioception, le contrôle moteur et l'aspect psychologique, tous essentiels au retour à la performance. Bien que le renforcement musculaire soit souvent recommandé en chaîne cinétique fermée, les débats persistent sur l'utilisation de la chaîne ouverte : ses modalités, son timing et ses bénéfices potentiels.

L'analyse de la littérature existante sur la chaîne cinétique ouverte (CCO) révèle que, selon quatre études de référence, la CCO légère induit un étirement de 3,3% sur le ligament croisé antérieur (LCA), tandis que la CCO lourde produit des contraintes similaires à 0,3 fois le poids du corps, comparables aux 0,4 fois le poids du corps provoqués par la marche et aux 14% de contraintes sur le LCA. Le squat, pour sa part, entraîne 4% d'élongation du LCA. On retrouve une capacité de déformation entre 19 et 36%. Ces données sont pertinentes pour notre pratique clinique, soulignant l'importance de s'appuyer sur la littérature scientifique. Cependant, il est crucial de noter que ces comparaisons entre la CCO et les exercices en chaîne cinétique fermée (CCC) sont souvent réalisées sur des sujets sains, ce qui pose question quant à l'applicabilité de ces résultats pour les patients post-opératoires. Cette distinction est essentielle pour déterminer la pertinence et le timing de l'intégration de la CCO dans le processus de rééducation précoce.

Rééducation du LCA

En France, selon les recommandations actuelles des EMC, la prise en charge post-opératoire du LCA s'organise autour de délais temporels précis. Initialement, la rééducation met l'accent sur une approche analytique précoce, visant la récupération des amplitudes articulaires et le réveil musculaire, suivie d'un renforcement musculaire en chaîne cinétique fermée. Vers 3-4 mois, la réhabilitation devient plus orientée vers le sport, avec parfois un retour progressif à la course et un renforcement musculaire accru. Cependant, les directives concernant l'utilisation de la chaîne ouverte restent floues, notamment en termes de modalités d'application.

Paradoxalement, alors que le greffon est considéré comme étant dans une phase de fragilité à 3-4 mois post-opération, c'est aussi à ce moment que sont autorisées des activités imposant des contraintes significatives sur le ligament, telles que la course ou le renforcement en chaîne ouverte. Cette approche semble contradictoire, surtout que la reprise des activités, avec ou sans contact, est envisagée vers 6-9 mois.

Les pratiques de rééducation ont évolué vers une approche plus phasée, cherchant à optimiser les premières étapes de la rééducation. Cette évolution prend en compte le fait que le retour au sport est souvent retardé, s'étendant à 6-9 mois, voire 9-12 mois pour la reprise de la compétition. Ce délai prolongé peut entraîner des difficultés pour le patient, que ce soit en termes de motivation, de continuité de la rééducation ou du report de la reprise sportive, soulignant l'importance d'adapter la rééducation pour répondre au mieux aux besoins et aux contraintes de chaque patient.

L'objectif principal est d'optimiser la rééducation, notamment en mettant l'accent sur le renforcement musculaire, considéré comme crucial pour le retour à la course, au sport et à la compétition. La question se pose de savoir si la chaîne cinétique ouverte, sujet de controverse, est réellement bénéfique pour renforcer les muscles de manière adaptée, ou si son utilisation est simplement une pratique sans réel avantage pour la rééducation.

D'après les recommandations européennes actuelles, notamment celles de Nicky van Melick et son équipe, le renforcement en chaîne cinétique ouverte pourrait débuter dès quatre semaines post-opératoires, dans une plage angulaire de 45-90 degrés, avec une augmentation de 10 degrés chaque semaine. Brinlee et al. (2022), quant à eux, suggèrent un renforcement dans toute l'amplitude de 0 à 90 degrés dès le début, tandis que d'autres recommandent d'attendre environ quatre mois.

Ces directives visent à intégrer la chaîne ouverte dans la rééducation de manière progressive, en tenant compte des limites angulaires et des augmentations hebdomadaires. Cependant, il est important de se demander si ces approches, validées par la littérature, sont pertinentes et applicables en pratique clinique avec nos patients. La réflexion porte sur l'établissement de critères spécifiques pour l'introduction et la progression de la chaîne ouverte dans le plan de rééducation, tout en protégeant le greffon et en évaluant son impact réel sur la récupération du patient.

Recherche

Nous avons collaboré avec une équipe très dynamique, incluant étudiants, chirurgiens, kinésithérapeutes et chercheurs, tels qu'Alexandre Rambaud, reconnu pour ses contributions concernant les lésions du ligament croisé antérieur (LCA). Notre travail a débuté par une étude préliminaire sur le retour à la course, suivie d'une recherche plus approfondie axée sur les athlètes récréationnels. Cette dernière étude s'est particulièrement intéressée à l'impact de la chaîne ouverte sur la réhabilitation à trois et six mois post-opératoires, évaluant son effet sur les paramètres musculaires et la sécurité du greffon.

L'objectif était de déterminer si la chaîne ouverte, souvent perçue comme un potentiel "grand méchant loup" selon les termes de Brian Noehren et Lynn Snyder-Mackler (2020), représente réellement un risque pour le transplant, ou si, au contraire, elle peut s'avérer bénéfique pour améliorer la force musculaire sans compromettre la stabilité du LCA réparé.

Le protocole de notre étude s'est basé sur des critères précis tirés de la littérature pour intégrer la chaîne ouverte dans la rééducation. Nous avons notamment utilisé les critères suivants pour l'inclusion : une EVA (Échelle Visuelle Analogique) inférieure à 20, un Stroke Test inférieur à 1+, un Single Leg Raise (SLR) sans décalage, une amplitude de mouvement de 0 à 100 degrés choisie pour assurer le confort des participants, et une laxité inférieure à 1,5 mm ou un test de Lachman non significatif sans sensation d'instabilité.

Nous avons inclus 103 athlètes récréationnels, divisés en deux groupes, dont l'un a bénéficié d'un renforcement en chaîne ouverte dès environ un mois post-opératoire. Le programme comportait des exercices isocinétiques ciblant le quadriceps et les ischio-jambiers avec 10 séries de 8 répétitions, ainsi que des exercices de leg extension et de leg curl seated sur 8 séries de 8 répétitions à 60% de la Repetition Maximum (RM), réalisés trois fois par semaine. L'évaluation des participants s'est effectuée à deux moments clés : vers trois mois et six mois après l'opération, incluant un test isocinétique pour évaluer l'index de symétrie et la force relative au poids du corps, ainsi qu'un test de laximétrie pour mesurer la stabilité du genou.

Index de symétrie

Les résultats de notre étude montrent des améliorations notables en termes d'indice de symétrie, particulièrement au niveau du quadriceps. À trois mois, comparativement au groupe ayant principalement suivi un programme en chaîne cinétique fermée, l'indice de symétrie du quadriceps a augmenté de près de 30%, avec une augmentation similaire à six mois, indiquant des résultats très significatifs et une taille d'effet importante. Ces observations sont en accord avec les découvertes de Mikkelsen (2000) sur la chaîne ouverte, qui avait également noté des améliorations de l'ordre de 25 à 26%.

Concernant les ischio-jambiers, l'amélioration est particulièrement marquée à trois mois, avec une augmentation de l'indice de symétrie de presque 22%, tandis qu'à six mois, l'augmentation est moins prononcée, aux alentours de 10%. Ces gains, bien que plus modestes à six mois, peuvent néanmoins avoir un impact significatif sur le retour au sport. Ces résultats suggèrent que les ischio-jambiers peuvent se rétablir plus efficacement que les quadriceps, bien que l'augmentation de l'indice de symétrie soit globalement moins importante pour les ischio-jambiers.

PT/BW

Notre étude a démontré que, malgré les débats autour de l'indice de symétrie, l'utilisation de la chaîne cinétique ouverte contribue efficacement à l'amélioration de la force musculaire relative au poids du corps, tant pour le quadriceps que pour les ischio-jambiers, à trois et six mois post-opératoires. Ces résultats soulignent l'efficacité d'un protocole en chaîne cinétique ouverte, avec des améliorations significatives et pertinentes pour la rééducation post-LCA.


Laxité


Nos observations concernant la laxité articulaire post-opératoire révèlent des résultats intrigants à trois mois après l'opération, avec une comparaison entre les groupes ayant suivi un protocole en chaîne cinétique ouverte et ceux en chaîne cinétique fermée. Les deux groupes, opérés via la technique DIDT, affichent une laxité similaire, soulignant une différence marginale qui se maintient même à six mois, bien que la laxité soit légèrement inférieure dans le groupe de la chaîne ouverte. Cette constance entre les groupes est notable car elle indique que l'introduction précoce de la chaîne cinétique ouverte n'entraîne pas d'effets délétères sur le greffon.

Plus important encore, cette approche ne se contente pas de préserver la stabilité articulaire ; elle contribue également à l'amélioration des paramètres musculaires, tant pour le quadriceps que pour les ischio-jambiers, facilitant ainsi le retour à la course et au sport à trois et six mois, respectivement. Cette amélioration musculaire, sans compromettre le greffon, ouvre la voie à une rééducation centrée sur le renforcement musculaire et le contrôle moteur, avec une augmentation progressive des charges.

Ces résultats suggèrent que l'usage de la chaîne cinétique ouverte dans les premiers stades de la rééducation post-opératoire pourrait jouer un rôle clé dans l'optimisation du processus de rétablissement, favorisant un retour efficace à la performance sportive.

Discussion

Dans notre étude, nous avons cherché à comprendre comment l'utilisation de charges lourdes dans le renforcement musculaire, basée sur 60% de la contraction volontaire maximale isométrique (MVIC), a contribué aux résultats positifs. Inspirés par la littérature, notamment une étude où l'utilisation de 70% de la répétition maximale (RM) a mené à une augmentation significative de la force selon Morrissey et al. (2009), nous avons opté pour des contractions maximales dans notre protocole de renforcement. Cette étude a également exploré l'impact sur la laxité, sans trouver d'effets négatifs, soulignant souvent le manque d'attention porté aux ischio-jambiers, un aspect que nous avons également voulu réévaluer.

Ensuite, la recherche récente de Liu et al. (2019) a intégré l'isocinétique précoce et la chaîne cinétique ouverte dans leur protocole, sans observer d'augmentation de la laxité lors de contrôles arthroscopiques post-intervention, tout en notant une amélioration de la vascularisation de la greffe.

L'aspect particulièrement intéressant de notre étude réside dans le renforcement musculaire des ischio-jambiers, privilégié dès la phase précoce en mode concentrique et isométrique, avec un rythme de trois secondes en phase concentrique, une seconde en isométrique et trois secondes en excentrique. Contrairement à l'approche courante qui associe les ischio-jambiers à des exercices excentriques à haute vitesse, notre focus sur la contraction concentrique en phase précoce se justifie par ses bénéfices notables : une augmentation de la raideur musculaire, une réduction de la translation antérieure du tibia, une amélioration de la stabilité lors d'atterrissages unipodaux et, surtout, cette amélioration de la stabilité est couplée à une augmentation des forces compressives tibiales.

Cela conduit à une greffe potentiellement plus courte, plus épaisse et plus robuste, avec une réduction significative de la translation antérieure. Cette amélioration n'est pas seulement due à une augmentation de la force, mais aussi à une augmentation de la raideur des ischio-jambiers dans cette phase initiale de la rééducation, soulignant l'importance de considérer la contraction concentrique pour renforcer efficacement les ischio-jambiers et contribuer à la stabilité globale du genou post-opératoire.

Il est essentiel de ne pas tomber dans l'excès d'optimisme concernant l'utilisation de la chaîne ouverte en rééducation, en pensant qu'elle pourrait accélérer à elle seule le retour au sport. La littérature, notamment une revue approfondie par van Melick et al. en 2022, montre que bien que la chaîne ouverte puisse jouer un rôle dans l'amélioration de la force musculaire, elle n'est pas le seul facteur déterminant pour un retour rapide et sécuritaire au sport. Cette étude souligne l'importance d'atteindre des niveaux de force du quadriceps et des ischio-jambiers, chez les hommes comme chez les femmes, supérieurs à ceux observés à six mois post-opération, pour envisager un retour au sport.

Ce constat indique que, bien que bénéfique, la chaîne ouverte ne doit pas être vue comme une solution miracle mais plutôt comme un complément à une rééducation variée incluant des exercices fonctionnels et en chaîne fermée. De plus, l'aspect biologique joue un rôle crucial dans la rééducation : plus le retour au sport est différé, mieux le sportif peut se préparer physiquement et mentalement, réduisant ainsi le risque de récidive de lésions du LCA à long terme. Ce principe souligne l'importance d'une approche équilibrée et patiente dans la rééducation post-opératoire.

Conclusion

En conclusion, notre protocole de recherche a souligné l'importance d'optimiser la charge de travail pour le quadriceps et les ischio-jambiers. Il est possible de proposer cette optimisation à travers des séries d'exercices significatives, potentiellement de courte durée, soulignant la nécessité d'évaluer régulièrement la force musculaire afin d'ajuster la charge en conséquence. Ce qui ressort également comme crucial, c'est la mise en place de critères objectifs permettant de décider du moment opportun pour initier le renforcement en chaîne cinétique ouverte, ainsi que la manière de le suivre et de l'ajuster quotidiennement.

Les critères d'inclusion que nous avons établis offrent une base solide pour démarrer la chaîne cinétique ouverte, en réduisant les risques d'inflammation, de compensations musculaires indésirables et de perte musculaire. Bien que ces critères ne prétendent pas représenter une vérité absolue, ils constituent un point de départ fiable pour une rééducation efficace et sécuritaire.

Florian Forelli, kinésithérapeute du sport :

Masseur Kinésithérapeute du sport avec une prise en charge quasi exclusive de patient atteint de rupture et/ou reconstruction du LCA, j’exerce au sein du Centre Orthosport dans la banlieue Nord de Paris.

Associé à cette activité pratique, j’exerce et je dirige l’unité d’exploration fonctionnelle de la Clinique de Domont ou je coordonne le parcours ambulatoire des patients atteints de reconstruction du LCA, du préopératoire au retour au sport (éducation, bilan d’évaluation, etc..).

C’est également avec cette même unité que je travaille avec divers professionnels, notamment attachés à la SFMKS et au SFMKS Lab, sur des sujets de recherches liés à la rééducation du LCA.

Contexte

La chaîne ouverte, sujet controversé en rééducation, nécessite une approche spécifique similaire à celle adoptée pour le LCA. L'objectif est d'optimiser le continuum de rééducation de la phase pré-opératoire à la phase post-opératoire tardive, jusqu'au retour au sport et à la performance, dans une démarche pluriprofessionnelle. Le renforcement musculaire joue un rôle clé dans cette optimisation, facilitant un retour au sport plus efficace. Il est crucial de ne pas négliger la proprioception, le contrôle moteur et l'aspect psychologique, tous essentiels au retour à la performance. Bien que le renforcement musculaire soit souvent recommandé en chaîne cinétique fermée, les débats persistent sur l'utilisation de la chaîne ouverte : ses modalités, son timing et ses bénéfices potentiels.

L'analyse de la littérature existante sur la chaîne cinétique ouverte (CCO) révèle que, selon quatre études de référence, la CCO légère induit un étirement de 3,3% sur le ligament croisé antérieur (LCA), tandis que la CCO lourde produit des contraintes similaires à 0,3 fois le poids du corps, comparables aux 0,4 fois le poids du corps provoqués par la marche et aux 14% de contraintes sur le LCA. Le squat, pour sa part, entraîne 4% d'élongation du LCA. On retrouve une capacité de déformation entre 19 et 36%. Ces données sont pertinentes pour notre pratique clinique, soulignant l'importance de s'appuyer sur la littérature scientifique. Cependant, il est crucial de noter que ces comparaisons entre la CCO et les exercices en chaîne cinétique fermée (CCC) sont souvent réalisées sur des sujets sains, ce qui pose question quant à l'applicabilité de ces résultats pour les patients post-opératoires. Cette distinction est essentielle pour déterminer la pertinence et le timing de l'intégration de la CCO dans le processus de rééducation précoce.

Rééducation du LCA

En France, selon les recommandations actuelles des EMC, la prise en charge post-opératoire du LCA s'organise autour de délais temporels précis. Initialement, la rééducation met l'accent sur une approche analytique précoce, visant la récupération des amplitudes articulaires et le réveil musculaire, suivie d'un renforcement musculaire en chaîne cinétique fermée. Vers 3-4 mois, la réhabilitation devient plus orientée vers le sport, avec parfois un retour progressif à la course et un renforcement musculaire accru. Cependant, les directives concernant l'utilisation de la chaîne ouverte restent floues, notamment en termes de modalités d'application.

Paradoxalement, alors que le greffon est considéré comme étant dans une phase de fragilité à 3-4 mois post-opération, c'est aussi à ce moment que sont autorisées des activités imposant des contraintes significatives sur le ligament, telles que la course ou le renforcement en chaîne ouverte. Cette approche semble contradictoire, surtout que la reprise des activités, avec ou sans contact, est envisagée vers 6-9 mois.

Les pratiques de rééducation ont évolué vers une approche plus phasée, cherchant à optimiser les premières étapes de la rééducation. Cette évolution prend en compte le fait que le retour au sport est souvent retardé, s'étendant à 6-9 mois, voire 9-12 mois pour la reprise de la compétition. Ce délai prolongé peut entraîner des difficultés pour le patient, que ce soit en termes de motivation, de continuité de la rééducation ou du report de la reprise sportive, soulignant l'importance d'adapter la rééducation pour répondre au mieux aux besoins et aux contraintes de chaque patient.

L'objectif principal est d'optimiser la rééducation, notamment en mettant l'accent sur le renforcement musculaire, considéré comme crucial pour le retour à la course, au sport et à la compétition. La question se pose de savoir si la chaîne cinétique ouverte, sujet de controverse, est réellement bénéfique pour renforcer les muscles de manière adaptée, ou si son utilisation est simplement une pratique sans réel avantage pour la rééducation.

D'après les recommandations européennes actuelles, notamment celles de Nicky van Melick et son équipe, le renforcement en chaîne cinétique ouverte pourrait débuter dès quatre semaines post-opératoires, dans une plage angulaire de 45-90 degrés, avec une augmentation de 10 degrés chaque semaine. Brinlee et al. (2022), quant à eux, suggèrent un renforcement dans toute l'amplitude de 0 à 90 degrés dès le début, tandis que d'autres recommandent d'attendre environ quatre mois.

Ces directives visent à intégrer la chaîne ouverte dans la rééducation de manière progressive, en tenant compte des limites angulaires et des augmentations hebdomadaires. Cependant, il est important de se demander si ces approches, validées par la littérature, sont pertinentes et applicables en pratique clinique avec nos patients. La réflexion porte sur l'établissement de critères spécifiques pour l'introduction et la progression de la chaîne ouverte dans le plan de rééducation, tout en protégeant le greffon et en évaluant son impact réel sur la récupération du patient.

Recherche

Nous avons collaboré avec une équipe très dynamique, incluant étudiants, chirurgiens, kinésithérapeutes et chercheurs, tels qu'Alexandre Rambaud, reconnu pour ses contributions concernant les lésions du ligament croisé antérieur (LCA). Notre travail a débuté par une étude préliminaire sur le retour à la course, suivie d'une recherche plus approfondie axée sur les athlètes récréationnels. Cette dernière étude s'est particulièrement intéressée à l'impact de la chaîne ouverte sur la réhabilitation à trois et six mois post-opératoires, évaluant son effet sur les paramètres musculaires et la sécurité du greffon.

L'objectif était de déterminer si la chaîne ouverte, souvent perçue comme un potentiel "grand méchant loup" selon les termes de Brian Noehren et Lynn Snyder-Mackler (2020), représente réellement un risque pour le transplant, ou si, au contraire, elle peut s'avérer bénéfique pour améliorer la force musculaire sans compromettre la stabilité du LCA réparé.

Le protocole de notre étude s'est basé sur des critères précis tirés de la littérature pour intégrer la chaîne ouverte dans la rééducation. Nous avons notamment utilisé les critères suivants pour l'inclusion : une EVA (Échelle Visuelle Analogique) inférieure à 20, un Stroke Test inférieur à 1+, un Single Leg Raise (SLR) sans décalage, une amplitude de mouvement de 0 à 100 degrés choisie pour assurer le confort des participants, et une laxité inférieure à 1,5 mm ou un test de Lachman non significatif sans sensation d'instabilité.

Nous avons inclus 103 athlètes récréationnels, divisés en deux groupes, dont l'un a bénéficié d'un renforcement en chaîne ouverte dès environ un mois post-opératoire. Le programme comportait des exercices isocinétiques ciblant le quadriceps et les ischio-jambiers avec 10 séries de 8 répétitions, ainsi que des exercices de leg extension et de leg curl seated sur 8 séries de 8 répétitions à 60% de la Repetition Maximum (RM), réalisés trois fois par semaine. L'évaluation des participants s'est effectuée à deux moments clés : vers trois mois et six mois après l'opération, incluant un test isocinétique pour évaluer l'index de symétrie et la force relative au poids du corps, ainsi qu'un test de laximétrie pour mesurer la stabilité du genou.

Index de symétrie

Les résultats de notre étude montrent des améliorations notables en termes d'indice de symétrie, particulièrement au niveau du quadriceps. À trois mois, comparativement au groupe ayant principalement suivi un programme en chaîne cinétique fermée, l'indice de symétrie du quadriceps a augmenté de près de 30%, avec une augmentation similaire à six mois, indiquant des résultats très significatifs et une taille d'effet importante. Ces observations sont en accord avec les découvertes de Mikkelsen (2000) sur la chaîne ouverte, qui avait également noté des améliorations de l'ordre de 25 à 26%.

Concernant les ischio-jambiers, l'amélioration est particulièrement marquée à trois mois, avec une augmentation de l'indice de symétrie de presque 22%, tandis qu'à six mois, l'augmentation est moins prononcée, aux alentours de 10%. Ces gains, bien que plus modestes à six mois, peuvent néanmoins avoir un impact significatif sur le retour au sport. Ces résultats suggèrent que les ischio-jambiers peuvent se rétablir plus efficacement que les quadriceps, bien que l'augmentation de l'indice de symétrie soit globalement moins importante pour les ischio-jambiers.

PT/BW

Notre étude a démontré que, malgré les débats autour de l'indice de symétrie, l'utilisation de la chaîne cinétique ouverte contribue efficacement à l'amélioration de la force musculaire relative au poids du corps, tant pour le quadriceps que pour les ischio-jambiers, à trois et six mois post-opératoires. Ces résultats soulignent l'efficacité d'un protocole en chaîne cinétique ouverte, avec des améliorations significatives et pertinentes pour la rééducation post-LCA.


Laxité


Nos observations concernant la laxité articulaire post-opératoire révèlent des résultats intrigants à trois mois après l'opération, avec une comparaison entre les groupes ayant suivi un protocole en chaîne cinétique ouverte et ceux en chaîne cinétique fermée. Les deux groupes, opérés via la technique DIDT, affichent une laxité similaire, soulignant une différence marginale qui se maintient même à six mois, bien que la laxité soit légèrement inférieure dans le groupe de la chaîne ouverte. Cette constance entre les groupes est notable car elle indique que l'introduction précoce de la chaîne cinétique ouverte n'entraîne pas d'effets délétères sur le greffon.

Plus important encore, cette approche ne se contente pas de préserver la stabilité articulaire ; elle contribue également à l'amélioration des paramètres musculaires, tant pour le quadriceps que pour les ischio-jambiers, facilitant ainsi le retour à la course et au sport à trois et six mois, respectivement. Cette amélioration musculaire, sans compromettre le greffon, ouvre la voie à une rééducation centrée sur le renforcement musculaire et le contrôle moteur, avec une augmentation progressive des charges.

Ces résultats suggèrent que l'usage de la chaîne cinétique ouverte dans les premiers stades de la rééducation post-opératoire pourrait jouer un rôle clé dans l'optimisation du processus de rétablissement, favorisant un retour efficace à la performance sportive.

Discussion

Dans notre étude, nous avons cherché à comprendre comment l'utilisation de charges lourdes dans le renforcement musculaire, basée sur 60% de la contraction volontaire maximale isométrique (MVIC), a contribué aux résultats positifs. Inspirés par la littérature, notamment une étude où l'utilisation de 70% de la répétition maximale (RM) a mené à une augmentation significative de la force selon Morrissey et al. (2009), nous avons opté pour des contractions maximales dans notre protocole de renforcement. Cette étude a également exploré l'impact sur la laxité, sans trouver d'effets négatifs, soulignant souvent le manque d'attention porté aux ischio-jambiers, un aspect que nous avons également voulu réévaluer.

Ensuite, la recherche récente de Liu et al. (2019) a intégré l'isocinétique précoce et la chaîne cinétique ouverte dans leur protocole, sans observer d'augmentation de la laxité lors de contrôles arthroscopiques post-intervention, tout en notant une amélioration de la vascularisation de la greffe.

L'aspect particulièrement intéressant de notre étude réside dans le renforcement musculaire des ischio-jambiers, privilégié dès la phase précoce en mode concentrique et isométrique, avec un rythme de trois secondes en phase concentrique, une seconde en isométrique et trois secondes en excentrique. Contrairement à l'approche courante qui associe les ischio-jambiers à des exercices excentriques à haute vitesse, notre focus sur la contraction concentrique en phase précoce se justifie par ses bénéfices notables : une augmentation de la raideur musculaire, une réduction de la translation antérieure du tibia, une amélioration de la stabilité lors d'atterrissages unipodaux et, surtout, cette amélioration de la stabilité est couplée à une augmentation des forces compressives tibiales.

Cela conduit à une greffe potentiellement plus courte, plus épaisse et plus robuste, avec une réduction significative de la translation antérieure. Cette amélioration n'est pas seulement due à une augmentation de la force, mais aussi à une augmentation de la raideur des ischio-jambiers dans cette phase initiale de la rééducation, soulignant l'importance de considérer la contraction concentrique pour renforcer efficacement les ischio-jambiers et contribuer à la stabilité globale du genou post-opératoire.

Il est essentiel de ne pas tomber dans l'excès d'optimisme concernant l'utilisation de la chaîne ouverte en rééducation, en pensant qu'elle pourrait accélérer à elle seule le retour au sport. La littérature, notamment une revue approfondie par van Melick et al. en 2022, montre que bien que la chaîne ouverte puisse jouer un rôle dans l'amélioration de la force musculaire, elle n'est pas le seul facteur déterminant pour un retour rapide et sécuritaire au sport. Cette étude souligne l'importance d'atteindre des niveaux de force du quadriceps et des ischio-jambiers, chez les hommes comme chez les femmes, supérieurs à ceux observés à six mois post-opération, pour envisager un retour au sport.

Ce constat indique que, bien que bénéfique, la chaîne ouverte ne doit pas être vue comme une solution miracle mais plutôt comme un complément à une rééducation variée incluant des exercices fonctionnels et en chaîne fermée. De plus, l'aspect biologique joue un rôle crucial dans la rééducation : plus le retour au sport est différé, mieux le sportif peut se préparer physiquement et mentalement, réduisant ainsi le risque de récidive de lésions du LCA à long terme. Ce principe souligne l'importance d'une approche équilibrée et patiente dans la rééducation post-opératoire.

Conclusion

En conclusion, notre protocole de recherche a souligné l'importance d'optimiser la charge de travail pour le quadriceps et les ischio-jambiers. Il est possible de proposer cette optimisation à travers des séries d'exercices significatives, potentiellement de courte durée, soulignant la nécessité d'évaluer régulièrement la force musculaire afin d'ajuster la charge en conséquence. Ce qui ressort également comme crucial, c'est la mise en place de critères objectifs permettant de décider du moment opportun pour initier le renforcement en chaîne cinétique ouverte, ainsi que la manière de le suivre et de l'ajuster quotidiennement.

Les critères d'inclusion que nous avons établis offrent une base solide pour démarrer la chaîne cinétique ouverte, en réduisant les risques d'inflammation, de compensations musculaires indésirables et de perte musculaire. Bien que ces critères ne prétendent pas représenter une vérité absolue, ils constituent un point de départ fiable pour une rééducation efficace et sécuritaire.

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