2 - Diagnostic - Bilan clinique
a - Bilan pré-opératoire
En tant que masseur kinĂ©sithĂ©rapeute, le bilan prĂ©-opĂ©ratoire ne nous concerne gĂ©nĂ©ralement pas. NĂ©anmoins, il reste intĂ©ressant Ă connaĂźtre car nous constatons parfois de maniĂšre fortuite que des patients sont atteints de cette maladie, mĂȘme s'ils viennent nous voir pour un motif de consultation diffĂ©rent. De plus, il peut contribuer Ă une Ă©valuation des mesures physiques de la fonction de la main afin dâassurer un suivi Ă court et long terme. Les Ă©valuations de la fonction physique doivent inclure des mesures de l'amplitude des mouvements des articulations des doigts, de la force de prĂ©hension, de la sensibilitĂ© et de la douleur (Turesson, 2018a).
Avant tout, il est essentiel de noter que le diagnostic de la maladie de Dupuytren est uniquement clinique. En effet, ce dernier ne nĂ©cessite en aucun cas un examen complĂ©mentaire (Dutta et al., 2020). Les seuls examens complĂ©mentaires rĂ©alisĂ©s seront lors dâun doute concernant un possible diagnostic diffĂ©rentiel (Wendahl & Abd-Elsayed, 2019)
Comme Ă©voquĂ© lors de lâintroduction, cette maladie est souvent indolore (Rodrigues, Zhang, et al., 2015), dâoĂč son retard de diagnostic frĂ©quent.
Lors de lâexamen, les mĂ©decins (gĂ©nĂ©ralistes, rhumatologues, ou chirurgiens de la main) vont examiner dans un premier temps l'aspect de la main et voir s'il existe :
- âDes nodules. Il sâagit de petites boules dans la paume de la main ou Ă©ventuellement Ă la base des doigts, voire du pouce. Ces nodules sont rarement douloureux (exceptĂ© localement en cas de phase inflammatoire),
- âDes cordes ou des brides, qui se forment progressivement au niveau de la paume de la main et parfois au niveau des doigts. Les doigts finissent par se rĂ©tracter,
- âDes dĂ©pressions, qui sont des invaginations de la peau sous forme de petits trous ou creux (Centre de la Main Orleans, 2015).
Afin de dĂ©finir sâil peut ĂȘtre intĂ©ressant de rediriger le patient vers un mĂ©decin spĂ©cialisĂ© dans le but dâune possible intervention chirurgicale, il pourrait ĂȘtre possible de sâappuyer sur les trois critĂšres suivants (Karbowiak et al., 2021) :
- Limitation de plus de 30° dâextension de la mĂ©tacarpo-phalangienne et/ou limitation de plus de 10-20° dâextension de lâinter-phalangique proximale. Pour certains auteurs (Dutta et al., 2020), toute limitation de lâextension de lâIPP doit amener Ă consulter un mĂ©decin spĂ©cialisĂ© dĂ» au risque de contracture de la bandelette latĂ©rale (et donc dâune possible dĂ©formation du doigt en boutonniĂšre).
- Contracture sévÚre au niveau du pouce limitant la fonctionnalité de ce dernier
- Progression rapide sur peu de mois.
Ă la suite de lâobservation, les mĂ©decins pourront alors rĂ©aliser le Table Top Test of Hueston : dĂ©crit par Hueston et ses collaborateurs en 1982 (J. T. Hueston, 1982). Ce test consiste simplement Ă demander au patient de mettre la main Ă plat sur la table. Le test est considĂ©rĂ© comme positif lorsque la paume de la main et les doigts ne peuvent pas toucher la table (la main nâest pas Ă plat). Dans ce cas, cela indique alors le besoin dâopĂ©rer le Dupuytren. En revanche, lorsque ce test est nĂ©gatif, il nây aurait pas besoin dâopĂ©rer. Nous remarquerons que ce test est utilisĂ© afin de « valider » un traitement interventionnel (J. T. Hueston, 1982).
Finalement, il est important de noter que si ce test est positif, un traitement interventionnel devrait ĂȘtre envisagĂ© prĂ©cocement afin dâĂ©viter que le patient en arrive Ă un stade avancĂ©, plus difficile Ă opĂ©rer, et pouvant gĂ©nĂ©rer plus de complications (Wietlisbach, 2019).
En cas d'atteinte des inter phalangiennes proximales (IPP), il sera important de bien vĂ©rifier la flexion des inter phalangiennes distales (IPD) pour Ă©viter un doigt en boutonniĂšre enraidi (en effet, en cas de flessum de l'IPP, l'IPD a tendance Ă rester en extension voire hyper extension). De plus, plusieurs auteurs indiquent qu'aucune dĂ©formation en flexion des inter-phalangiennes ne devrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme acceptable en raison du risque de contractures de la bande latĂ©rale (Dutta et al., 2020).
Afin de faciliter la classification de cette pathologie de maniĂšre objective, Tubiana et Michon proposĂšrent en 1968 (Tubiana et al., 1968) une classification en quatre stades principaux :
Cette classification, Ă©value rayon par rayon la localisation et l'intensitĂ© des lĂ©sions. Ainsi, elle  permet dâobtenir une observation chiffrĂ©e. Classiquement, chaque stade supplĂ©mentaire correspond Ă une diminution de lâamplitude de 45° sur lâensemble des articulations MCP, IPP et IPD. Ainsi :
- Stade 0 : Absence de Dupuytren
- Stade N : PrĂ©sence dâun nodule sans rĂ©traction
- Stade 1 : Rétraction comprise entre 1° et 45°
- Stade 2 : Rétraction comprise entre 45° et 90°
- Stade 3 : Rétraction comprise entre 90° et 135°
- Stade 4 : Rétraction supérieure à 135°.
Plus le stade est avancĂ©, plus la pathologie sera difficile Ă traiter et risque de comporter des distensions de la bandelette mĂ©diane (avec pour consĂ©quence une flexion non rĂ©ductible (Chammas et al., 2015b; Rayan, 2007). Le pronostic sera donc meilleur lorsque le patient est pris en charge prĂ©cocement (stade 1 ou 2). Dans le stade 0, seul un nodule ou une contracture sont prĂ©sents sans ĂȘtre accompagnĂ©s dâune contracture (Grazina et al., 2019).
En complĂ©ment du nombre de degrĂ©s perdus, des lettres peuvent venir complĂ©ter lâĂ©chelle afin de dĂ©finir la localisation et la sĂ©vĂ©ritĂ© :
- « P » pour palmaire,
- « D » pour digital
- « H » ou « H+ » pour une hyper-extension de la phalange distale (doigt en boutonniÚre)
- « - » pour lâabsence de contracture (Grazina et al., 2019)
Dans les atteintes du pouce : il est possible dâutiliser cette Ă©chelle afin dâĂ©valuer le degrĂ© dâatteinte en mesurant l'Ă©cartement maximal entre la pulpe du pouce et de l'index pour comparer avec l'autre main. Dâune maniĂšre similaire aux autres doigts de la main, chaque stade correspond Ă une perte de 15° (Chammas et al., 2015a). Ainsi, on retrouve :
- Stade 0 : Absence de Dupuytren
- Stade N : PrĂ©sence dâun nodule sans rĂ©traction (angle supĂ©rieur Ă 45°)
- Stade 1 : RĂ©traction de lâordre de 15° (angle dâĂ©cartement du pouce compris entre 45° et 30°)
- Stade 2 : RĂ©traction de lâordre de 30° (angle dâĂ©cartement du pouce compris entre 30° et 15°)
- Stade 3 : RĂ©traction de lâordre de 45° (angle dâĂ©cartement du pouce infĂ©rieur Ă 15°)
Bien entendu, cette comparaison doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e avant et aprĂšs opĂ©ration. En effet, la rĂ©traction de la 1Ăšre commissure est trĂšs gĂȘnante fonctionnellement :
Il est en revanche important de rappeler que le risque de rĂ©cidive est important et ce indĂ©pendamment de ces stades. En effet, le risque de rĂ©cidive dĂ©pendra plutĂŽt du traitement proposĂ© ainsi que des rĂ©sultats immĂ©diats (International conference on Dupuytren disease, 2017; Karbowiak et al., 2021) ou de la sĂ©vĂ©ritĂ© de le pathologie initiale (International conference on Dupuytren disease, 2017). En revanche, certains auteurs soulignent le manque de dĂ©finition sur ce qui caractĂ©rise une rĂ©currence (Kan et al., 2013). Pour ces derniers, il serait donc plus adĂ©quat de se baser sur la perte dâextension pour parler dâune rĂ©currence que sur la prĂ©sence dâun nodule fibreux puisque certaines « rĂ©currences » ne nĂ©cessiteront pas dâintervention.
De plus, il est Ă noter que si dâautres classifications existent (comme celle de Luck en 1959 (Luck, 1959)), câest bien celle de Tubiana et Michon qui est considĂ©rĂ©e comme la plus complĂšte des classifications. Cependant, elle serait pour certains un peu longue Ă mettre en Ćuvre (Akhavani et al., 2015).
b - Bilan Kinésithérapique (post-opératoire)
Lorsque le patient vient dâĂȘtre opĂ©rĂ©, il est indispensable de rĂ©aliser un bilan le plus complet et objectif possible pour lâĂ©valuer sur un instant T ainsi que dans le temps afin dâobjectiver sa progression dans le temps.
Dans la poursuite de ces objectifs, nous vous proposerons donc un bilan dĂ©composĂ© en plusieurs parties : lâhistoire de la maladie, les dysfonctions, lâĂ©valuation des douleurs, lâĂ©valuation des amplitudes ainsi que les Ă©chelles fonctionnelles. Afin de se rapprocher le plus possible dâune dĂ©marche EBP, ce bilan se basera sur les quelques articles scientifiques sâintĂ©ressant Ă lâĂ©valuation du patient opĂ©rĂ©, sur les bilans proposĂ©s par la SociĂ©tĂ© Française de RĂ©Ă©ducation de la Main ou GEMMSOR (Boutan, 2013a) ainsi que sur lâexpĂ©rience du terrain.
1 - AnamnĂšse
Dans cette premiĂšre partie, on sâintĂ©resse Ă la personne dans sa globalitĂ© avant de sâintĂ©resser dans un second temps Ă sa main. Il sera donc important de noter les points suivants :
- S'il s'agit d'un premier bilan, d'un bilan intermĂ©diaire ou final, et bien sĂ»r la date de lâopĂ©ration.
- Ăge du patient.
- La profession du patient : il sâagira ici de dĂ©finir si la profession peut ĂȘtre liĂ©e Ă lâapparition de la pathologie (rappelons que les vibrations favoriseraient lâapparition de cette pathologie (Mathieu et al., 2021)). De plus, il sera important de dĂ©finir lâusage de la main au cours de la profession. En effet, les besoins seront liĂ©s Ă lâactivitĂ© professionnelle (un Ă©lagueur aura des besoins diffĂ©rents dâun programmateur informatique).
- Les loisirs du patient : est-ce que le (la) patient(e) utilise beaucoup sa main pathologique lors de ses loisirs ? De maniĂšre similaire Ă la profession, les besoins seront spĂ©cifiques Ă lâactivitĂ© rĂ©alisĂ©e (tennis Vs couture).
- La main prĂ©fĂ©rentielle (ou latĂ©ralitĂ©) devra ĂȘtre notĂ©e ainsi que la main atteinte.
- La présence de pathologies associées (Ledderhose, capsulites, Lapeyronie) (Eaton, 2022).
2 - Histoire de la maladie
AprĂšs avoir abordĂ© les gĂ©nĂ©ralitĂ©s concernant le patient, intĂ©ressons-nous Ă la description de la maladie. Dans cette partie il sera important dâĂ©valuer :
- La comprĂ©hension de la maladie : pour se faire, il suffira de laisser le patient sâexprimer. Dans le cas dâune incomprĂ©hension (idĂ©es fausses liĂ©es Ă la rĂ©traction des tendons flĂ©chisseurs),  il faudra donc rĂ©expliquer au patient la pathologie.
- Le compte rendu opératoire. Parmi les informations à récupérer dans ce compte rendu opératoire, nous trouverons :
           - Date dâapparition de la pathologie
            - La date dâopĂ©ration (permettant de dĂ©finir le dĂ©lais entre lâopĂ©ration et la prise en charge kinĂ©sithĂ©rapique, qui devrait ĂȘtre le plus prĂ©coce possible)
            - Le stade prĂ©-opĂ©ratoire selon lâĂ©chelle de Tubiana et Michon. Dans le cas oĂč le stade nâapparaĂźt pas sur le compte rendu et que le patient nâest pas au courant, il peut ĂȘtre intĂ©ressant de demander une photo prĂ©-opĂ©ratoire de la main afin de dĂ©finir ce stade.
            - Type dâopĂ©ration
           - La voie dâabord : gĂ©nĂ©ralement, cette derniĂšre est palmaire ou latĂ©rale dans les cas de brides sur lâinter phalangique proximale.
            - Complications liĂ©es Ă lâopĂ©ration (atteinte des flĂ©chisseurs, du paquet vasculo-nerveux).
- La prĂ©sence dâune attelle ou non devrait ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e..
Finalement, lors de cette seconde partie de lâanamnĂšse, il sera possible de dĂ©finir certains traits de caractĂšre du patient tels que :
- La présence de kinésiophobie ?
- Une hyperactivité ?
- Un désinvestissement dans la rééducation.
Enfin, le nom du mĂ©decin prescripteur sera notĂ©. Ce dernier point est notamment dâintĂ©rĂȘt afin dâĂ©changer et de transmettre le bilan directement au mĂ©decin sâil le souhaite
3 - Dysfonctions
Lors de lâanalyse des dysfonctions, il sera important de sâintĂ©resser aux troubles trophiques, Ă lâĆdĂšme ainsi quâau pĂ©rimĂštre de la main.
Dans un premier temps, lors de lâanalyse des troubles trophiques, il sera indispensable dâĂ©valuer la prĂ©sence dâun pansement, dâune cicatrice ou dâun hĂ©matome. Il sera important de dĂ©tecter les signes dâinfection ou de nĂ©crose. Dans ce dernier cas, une photographie pourra ĂȘtre adressĂ©e au mĂ©decin prescripteur
Il est à noter que les cicatrices dépendront grandement de la technique opératoire utilisée.
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Finalement, dÚs la fermeture cutanée, le thérapeute devra évaluer :
- Les Ă©ventuelles adhĂ©rences rĂ©manentes : dans certains cas, des adhĂ©rences peuvent persister. Il est donc important de palper les cicatrices, ainsi que de tester le tissu en position dâĂ©tirement Afin de faciliter leur Ă©valuation, certains chirurgiens plastiques conseillent lâutilisation de lâĂ©chelle modifiĂ©e de Rosenthal afin dâĂ©valuer la condition de cette adhĂ©rence. Cette derniĂšre est composĂ©e de 4 grades. Le premier degrĂ© correspond Ă une peau mobile sans fossette ni blanchissement. Le Grade 2 correspond Ă une mobilitĂ© limitĂ©e, un blanchiment de lâadhĂ©rence avec extension des doigts. Le degrĂ© 3 correspondant Ă une adhĂ©rence blanchissante au repos. Finalement, dans le grade 4, on retrouverait une macĂ©ration de la peau (Eaton, 2022).
- La qualitĂ© de la cicatrice : le thĂ©rapeute pourra Ă©valuer le caractĂšre inflammatoire de la cicatrice ainsi que lâaspect gĂ©nĂ©ral de la cicatrice (hypertrophique, chĂ©loĂŻde, rĂ©tractile).
            - QualitĂ© gĂ©nĂ©rale : dimensions, couleur, tempĂ©rature de la cicatrice. Il est Ă noter quâune photographie peut ĂȘtre rĂ©aliser. Il sera important dâĂ©valuer la douleur provoquĂ©e par la cicatrice ainsi que les dĂ©mangaisons (prurit) associĂ©es. Le test de vitopression pourrait lui aussi ĂȘtre utilisĂ©. Ce dernier consiste en la compression de la cicatrice. Puis, lors du relĂąchement, le temps de recoloration de la peau est Ă©valuĂ©. Si la peau se recolore en moins de 3 secondes, cela signe une certaine inflammation. Ă lâinverse, si la cicatrice se recolore en plus de 3 secondes, cela signerait une absence dâinflammation.
           - Inflammation : pour dĂ©crire le caractĂšre inflammatoire dâune cicatrice, il peut ĂȘtre utile de se servir de la « Vancouver Scar Scale ». Cette Ă©chelle Ă©value la pigmentation de la peau, la vascularisation, la souplesse de la peau ainsi que la hauteur de la cicatrice.
           - Une Ă©valuation plus globale pourrait ĂȘtre proposĂ©e en se basant sur lâĂ©chelle POSAS qui est notamment utilisĂ©e par certains auteurs (De Almeida et al., 2019) dans la recherche clinique. Lâavantage de cette Ă©chelle est lâĂ©valuation rĂ©alisĂ©e par lâobservateur, mais aussi par le patient.
- LâĆdĂšme pĂ©ri-cicatriciel. : cette ĆdĂšme pourra ĂȘtre mesurĂ© selon plusieurs mesures :
           - La mĂ©thode de mesure en huit : rĂ©alisĂ©e Ă lâaide dâun mĂštre ruban, elle sâexĂ©cute en suivant des repĂšres de rĂ©fĂ©rence anatomiques prĂ©cis. Ainsi, le mĂštre ruban passe deux fois autour du corps de la main Ă 2 endroits distincts pour produire un motif en huit (Pellecchia, 2003). Cette mesure serait considĂ©rĂ©e comme valide et reproductible par de nombreuses Ă©tudes (Leard et al., 2004; Llanos et al., 2021; Maihafer et al., 2003).
           - La mesure circonfĂ©rentielle de la main : plus basique, cette mesure consiste en la mesure du pĂ©rimĂštre de la main en se basant sur un ou plusieurs repĂšres anatomiques prĂ©cis. Ce type de mesure pourrait donc ĂȘtre rĂ©alisĂ© au niveau des mĂ©tacarpo-phalangiennes ou de lâinterphalangique proximale lorsque cette derniĂšre est atteinte.
4 - Ăvaluation de la douleur
Comme dit lors de lâintroduction, un Dupuytren nâest que rarement douloureux (15% des cas des patients non opĂ©rĂ©s) (Rodrigues, Zhang, et al., 2015). En revanche, si les suites opĂ©ratoires du Dupuytren ne sont gĂ©nĂ©ralement pas douloureuses, il se peut que certains en prĂ©sentent. Il est donc obligatoire de sâintĂ©resser Ă cette derniĂšre.
Parmi les informations Ă obtenir concernant la douleur, nous noterons :
- LâintensitĂ© de la douleur : objectivable grĂące Ă une Ă©chelle visuelle analogique, au repos mais Ă©galement Ă l'effort, lorsque le patient se sert de sa main.
- La localisation de la douleur : paume de la main, inter-phalangiennes proximales/distales, mĂ©tacarpo-phalangienne, sur la cicatrice. Afin de faciliter cette Ă©tape, un schĂ©ma de la main peut ĂȘtre proposĂ© (on peut rĂ©aliser un dessin de la cicatrice et dĂ©finir une zone douloureuse en pointillĂ©s).
- Les variations et périodicités de la douleur (au cours de la journée, au cours de certaines activités).
- La durée de la douleur
- La modulation de la douleur (par des médicaments, par des actions réalisées par le patient).
- Les retentissements fonctionnels de la douleur sur le quotidien du patient : difficultés à réaliser des activités ? Difficultés à dormir ?
Ces informations permettront donc dâobtenir des informations sur le type de douleur auquel le thĂ©rapeute se confronte. Selon lâIASP, on retrouve principalement trois types de douleurs qui peuvent former des douleurs mixtes (International Association for the Study of Pain (IASP), 2011) :
- Douleur nociceptive : elle résulte de dommages réels ou craints par des tissus non neuraux et est déclenchée par l'activation des nocicepteurs.
- Douleur neuropathique : une douleur qui est la conséquence directe d'une lésion ou d'une maladie touchant le systÚme somatosensoriel
- Douleur nociplastique : l'augmentation de la réponse des neurones du systÚme nerveux central à des stimulus d'intensité normale ou sous liminaire.
Afin de complĂ©ter les informations sur la douleur, un test DN4 (ou Douleur Neuropathique 4) pourra ĂȘtre proposĂ©. Ce dernier permet dâĂ©valuer la prĂ©sence de douleurs neuropathiques. Ce test est dâautant plus intĂ©ressant que dans certains cas, comme abordĂ© dans la partie « complications », il peut se produire des atteintes du paquet vasculo nerveux. Le nerf lĂ©sĂ© par la bride et/ou l'intervention peut alors dĂ©clencher des douleurs de type neuropathique quâun test DN4 permettra dâobjectiver. Â
Le test DN4 (ou Douleur Neuropathique 4) est un test composĂ© de 10 questions. Lorsque le patient rĂ©pond « Oui » Ă 4 questions ou plus, le test est considĂ©rĂ© comme positif avec pour signification la possible prĂ©sence dâune douleur neuropathique.
Finalement, un dernier cas concernant les douleurs doit ĂȘtre abordĂ©. Il sâagit du Syndrome Douloureux RĂ©gional Complexe (SDRC) anciennement intitulĂ© algodystrophie. Ce dernier se caractĂ©rise principalement par des douleurs disproportionnĂ©es Ă la lĂ©sion. Les principaux signes d'alerte concernant cette complication sont :
- Douleurs diffuses
- Douleurs disproportionnées / intervention
- Hyper sudation, ĆdĂšme important et durable, diffĂ©rence de couleur par rapport au membre sain
- Fourmillements liĂ©s Ă lâĆdĂšme
- Attelles et contentions non supportées
Le SDRC est la complication la plus courante de cette maladie (Gerlac, 2017, p. 20). Attention, il ne faut en revanche pas le confondre avec une « flare reaction » (décrite dans l'introduction).
Selon certains auteurs, un SDRC ne devrait pas ĂȘtre suspectĂ© avant 4 Ă 6 semaines en post-opĂ©ratoire(Wietlisbach, 2019). En effet, les signes prĂ©sentĂ©s par le patient devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme « normaux » en post-opĂ©ratoire immĂ©diat. C'est donc la perduration dans le temps et/ou lâaggravation des signes qui doivent mettre le thĂ©rapeute en alerte.
Afin dâobjectiver cette possible complication, les critĂšres de Budapest sont les plus recommandĂ©s Ă lâheure actuelle (Harden et al., 2010).
Si ceux-ci sont positifs, redirigez le patient vers le médecin prescripteur sans en parler trop précisément au patient, pour deux raisons :
- Les kinésithérapeutes ne sont pas médecins. Ils ne sont donc pas habiliter à réaliser un diagnostic médical
- « Diagnostiquer » un SDRC pourrait faire paniquer le patient alors que le diagnostic final ne sera émis que par le médecin.
5 - Ăvaluation des amplitudes
Afin dâĂ©valuer les amplitudes articulaires dans la maladie de Dupuytren, il est important d'Ă©valuer chaque articulation du ou des doigts concernĂ©s de maniĂšre passive et active. Les amplitudes seront alors mesurĂ©es Ă lâaide dâun goniomĂštre de Cochin (et non pas des goniomĂštres classiques qui peuvent se rĂ©vĂ©ler limitĂ©s dans ce type de mesure).
Les mesures goniomĂ©triques s'effectuent en plaçant le goniomĂštre en face dorsale, et en face palmaire pour l'hyper extension qui sera donc positive (+30° par exemple), notamment au niveau des MP oĂč la moyenne de mobilitĂ© est de +45° (MespliĂ© et al., 2013a; Wietlisbach, 2019). Selon certains auteurs, la diffĂ©rence significative cliniquement doit ĂȘtre dâun minimum de 13,5° pour qu'un patient perçoive un bĂ©nĂ©fice. Ainsi, si la correction chirurgicale ne permet pas dâamĂ©liorer lâextension dâun minimum de 13,5°, le patient risque de ne pas obtenir un bĂ©nĂ©fice fonctionnel. De plus, si la contracture est infĂ©rieure Ă 13,5°, la nĂ©cessitĂ© dâune intervention pourrait ĂȘtre questionnĂ©e(Lo & Pickford, 2013)
Il est Ă noter que certains auteurs (Dufour, 2007) proposent la mesure de ces amplitudes Ă lâaide dâun fil de fer. Dans ce cas, le thĂ©rapeute rĂ©alise Ă lâaide dâun fil de fer le contour (par un abord dorsal) du doigt du patient en flexion complĂšte. Ă partir de cette prise dâempreinte, le thĂ©rapeute rĂ©alise donc les mesures avec son goniomĂštre. Si cette mĂ©thode semble un peu empirique, elle peut se rĂ©vĂ©ler utile pour les thĂ©rapeutes non-initiĂ©s Ă la thĂ©rapie de la main.
6 - Ăvaluation « psychologique » du patient
Sâil ne sâagit pas du premier paramĂštre Ă Ă©valuer lors du suivi dâun patient opĂ©rĂ© dâun Dupuytren, il semble que cette derniĂšre ne serait pas nĂ©gligeable. En effet, une Ă©tude de 2015 sâest intĂ©ressĂ©e lâimpact des diffĂ©rents facteurs pouvant affecter la bonne rĂ©cupĂ©ration (Engstrand et al., 2015a). Selon cette derniĂšre, la bonne rĂ©cupĂ©ration serait corrĂ©lĂ©e Ă la rĂ©cupĂ©ration des amplitudes, Ă la rĂ©cupĂ©ration fonctionnelle (qui est objectivable avec certaines Ă©chelles comme le DASH/QuickDash) ainsi que des fonctions plus « Ă©motionnelles » ou plus gĂ©nĂ©rales de type « qualitĂ© de vie ». Il serait donc pertinent dâĂ©valuer ces derniers facteurs puisque si lâĂ©chelle DASH aborde rapidement ces questions, elle ne permettrait pas dâaborder ces facteurs de maniĂšre complĂšte (Coenen et al., 2013).
Afin dâĂ©valuer ces facteurs, il serait possible de se servir des questions utilisĂ©es par Engstrand dans son Ă©tude (Engstrand et al., 2015b):
·    Craignez-vous de ne pas pouvoir faire confiance à votre fonction manuelle ?
·    Pour des raisons de sécurité, devez-vous prendre des précautions particuliÚres en raison de votre fonction manuelle ?
·    Avez-vous peur de vous faire mal à la main ?
·    Ătes-vous prĂ©occupĂ© par l'apparence de votre main ?
·    Ăvitez-vous d'utiliser votre main dans des contextes sociaux ?
Ă chaque question, le patient pourrait alors rĂ©pondre en utilisant une cotation entre 0 et 10 oĂč le 0 reprĂ©sente « dans une large mesure » et le 10 reprĂ©sente « pas du tout ».
Exemple :
7 - Ăchelles et Scores
Afin dâĂ©valuer les capacitĂ©s fonctionnelles du patient, il est important dâutiliser des Ă©chelles et scores permettant dâobjectiver ces fonctions. Dans la pathologie de Dupuytren, il en existe plusieurs dont lâĂ©chelle DASH, lâĂ©chelle QuickDASH, lâĂ©chelle « URAM scale », la « Southampton Dupuytren's Scoring System (SDSS) » ou la « Michigan Hand Questionnaire (MHQ) » ainsi que la Brief MHQ. IntĂ©ressons-nous aux trois principales : lâĂ©chelle QuickDASH, lâURAM Scale et la Brief MHQ :
- QuickDASH : forme abrĂ©gĂ©e du DASH, il se compose de 11 questions et permet dâĂ©valuer la fonction et les symptĂŽmes des personnes souffrant de pathologies musculo squelettiques du membre supĂ©rieur. Dans le suivi du syndrome de Dupuytren, il semble que celui-ci soit un bon outils pour suivre lâĂ©volution (Budd et al., 2011). Cependant, certains auteurs considĂšrent que ce QuickDASH ne serait pas utilisable dans cette pathologie puisquâil nâĂ©valuerait pas certaines difficultĂ©s propres Ă la pathologie comme la capacitĂ© Ă mettre des gants ou Ă serrer une main. De plus, cette Ă©chelle mettrait lâaccent sur la main de finesse et non pas la main de force (correspondant Ă la prise ulnaire) qui est la principale atteinte dans le syndrome de Dupuytren  (Lo & Pickford, 2013).
- LâURAM Scale : Ă©chelle Française rĂ©cemment validĂ©e et recommandĂ©e (Beaudreuil, Allard, et al., 2011; BernabĂ© et al., 2014), De plus, une revue rĂ©cente a pu Ă©tablir que cette Ă©chelle prĂ©sente une sensibilitĂ© importante aux changements malgrĂ© une faible spĂ©cificitĂ© (Sanjuan-Cervero et al., 2022). En pratique, elle Ă©value 9 situations pouvant se rĂ©vĂ©ler compliquĂ©es lors de la prĂ©sence dâune maladie de Dupuytren. Cette Ă©chelle possĂšde lâavantage dâĂȘtre rapide Ă utiliser dans une pratique quotidienne. En revanche, certains auteurs critiquent sa difficultĂ© Ă Ă©valuer certains problĂšmes communs dans cette pathologie comme lâincapacitĂ© Ă enfiler un gant ou lâincapacitĂ© Ă glisser sa main dans la poche (Rodrigues, Zhang, et al., 2015)
- LâĂ©chelle Brief MHQ : rĂ©cemment traduite et validĂ©e en français (Efanov et al., 2018), elle est considĂ©rĂ©e par certaines revues systĂ©matiques comme la meilleure grĂące Ă ses propriĂ©tĂ©s psychomĂ©triques qualitatives (Bradet-Levesque et al., 2021). En pratique, nous prĂ©fĂ©rons la Brief MHQ Ă la MHQ pour sa rapiditĂ© dâexĂ©cution.
Dans le cadre dâun Dupuytren opĂ©rĂ©, il pourrait ĂȘtre intĂ©ressant dâeffectuer prĂ©-test selon les souvenirs de sa fonction prĂ©-opĂ©ratoire (ou directement lors de lâĂ©valuation prĂ©-opĂ©ratoire si on se rend compte de la prĂ©sence de la pathologie chez le patient), puis un test Ă mi-parcours de rĂ©Ă©ducation (= Ă 6 semaines environ), et finalement, un test Ă la fin des sĂ©ances.
Dans l'idéal, le patient doit avoir récupéré toutes ses capacités fonctionnelles à la fin de la rééducation (en effet, le pronostic de récupération fonctionnelle dans la maladie de Dupuytren est trÚs bon, sauf complication).
Bibliographie
- Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). (2022). Répertoire des Spécialités Pharmaceutiques. http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/extrait.php?specid=60601728
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