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La dyskinésie scapulaire - Vrai ou faux?

Masterclass
Publiée le
9/10/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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La dyskinésie scapulaire, qui consiste en une altération de la position de la scapula au repos et lors de mouvements du bras, est observée chez bons nombres de sportifs pratiquant un sport « overhead ». Depuis de nombreuses années, de nombreuses études ont été réalisées afin d’explorer l’influence de cette dysfonction sur la fonction de l’épaule, l’apparition de blessures d’épaule ou encore la performance. Néanmoins, de nombreuses questions persistent tout de même par rapport à cette dysfonction. L’objectif de cette Masterclass est de fournir une réponse « evidence-based » à différentes questions que les thérapeutes se posent par rapport à la dyskinésie scapulaire.

Vrai ou faux ?

Aujourd'hui, nous allons aborder le sujet de la dyskinésie scapulaire dans le but de clarifier les diverses idées reçues concernant cette dysfonction, souvent observée chez les sportifs au niveau de l'épaule. La présentation se fera sous forme de questions de type "vrai ou faux" pour répondre à un maximum de vos interrogations sur cette thématique.

La première question est la suivante : la dyskinésie scapulaire est-elle une adaptation due à la répétition de gestes sportifs au niveau du membre supérieur ?

La réponse est bien sûr : “vrai”. Mais pourquoi ? Que se passe-t-il exactement en cas de dyskinésie scapulaire ? Il faut savoir que dans de nombreux gestes sportifs, en particulier ceux impliquant des lancers, l'énergie est transférée depuis le sol jusqu'aux membres supérieurs en passant par les membres inférieurs et le tronc. La scapula joue un rôle crucial dans ce transfert d'énergie entre le tronc et le membre supérieur, soulignant l'importance de l'articulation scapulo-thoracique.

Dans divers sports, comme le lancer de baseball, les vitesses de mouvement peuvent être extrêmement élevées, atteignant parfois 6000 à 7000 degrés par seconde pour les lancers de pitchers. À force de subir ces sollicitations à haute vitesse et intensité, des adaptations musculo-squelettiques se produisent, que ce soit au niveau articulaire, ligamentaire, capsulaire, musculaire ou tendineux, pouvant entraîner une dyskinésie scapulaire. Cette condition se manifeste par une proéminence, une modification de la position ou du mouvement de la scapula, observable à la fois au repos et pendant les mouvements du bras.

Deuxième affirmation : la dyskinésie scapulaire est présente uniquement chez les sportifs.

La réponse est évidemment "non". En examinant la littérature, notamment une étude de Burn et collaborateurs publiée en 2016, on constate que la dyskinésie scapulaire est principalement présente chez les athlètes dits "overhead", c'est-à-dire ceux qui sollicitent leurs épaules de manière répétitive dans leurs pratiques sportives. Cependant, environ 33% des athlètes non-overhead sont également concernés par cette dysfonction. Les causes de la dyskinésie scapulaire sont variées, et nous en discuterons plus tard. Il est important de noter que cette condition n'affecte pas uniquement les sportifs. Elle peut également se manifester chez les non-sportifs, notamment pour des raisons posturales.

 

Affirmation suivante : il existe plusieurs formes de dyskinésie scapulaire.

C'est tout à fait exact, il existe plusieurs formes de dyskinésie scapulaire, avec différentes classifications proposées dans la littérature au cours des dernières années. Une des premières classifications, proposée par Kibler, qui a beaucoup étudié cette dyskinésie, la divise en quatre types différents :

Type 1 : Proéminence de l'angle inférieur de la scapula.

Type 2 : Proéminence du bord médial de la scapula.

Type 3 : Translation supérieure de la scapula, souvent accompagnée d'une modification de la sonnette de la scapula.

Type 4 : Mouvement normal et symétrique de la scapula, sans dyskinésie.

Il existe également d'autres classifications qui ont été décrites par la suite. Par exemple, la méthode oui-non proposée par Uhl et collaborateurs, qui repose sur une observation visuelle permettant de déterminer s'il y a ou non une dyskinésie. Struyf et collaborateurs ont introduit une classification qui distingue la dyskinésie en deux catégories : “tilting” (inclinaison) ou “winging” (décollement).

Une autre classification est celle de McClure, qui se concentre sur l'importance de la dyskinésie. Elle inclut un mouvement normal, une anomalie subtile, ou une anomalie évidente, indiquant une dyskinésie très marquée. Il faut noter qu'il y a une certaine subjectivité dans cette mesure, nécessitant une certaine expertise et expérience pour une observation précise.

Affirmation suivante : la dyskinésie scapulaire est un facteur de risque de blessure d'épaule. 

Ici, nous adoptons une approche plus nuancée, car il n'existe pas réellement de consensus dans la littérature concernant le lien entre la dyskinésie scapulaire et les blessures à l'épaule.

Certaines études indiquent effectivement un lien entre une dyskinésie évidente ou importante et diverses pathologies de l'épaule. Par exemple, une étude de Clarsen et collaborateurs en 2014 a montré ce lien dans le contexte du handball. Une autre étude de Moller et collaborateurs a révélé une corrélation entre la dyskinésie et l'augmentation de la charge d'entraînement chez les handballeurs.

En natation, des liens similaires entre dyskinésie et pathologies de l'épaule ont été établis. Des modifications de la cinématique scapulaire ont également été observées chez des athlètes récréationnels pratiquant des sports overhead, comme le montre une étude de Struyf et collaborateurs. Ces études suggèrent donc qu'il pourrait exister un lien entre dyskinésie scapulaire et pathologies de l'épaule.

Cependant, d'autres études viennent nuancer cette perspective. Par exemple, des recherches menées dans le cadre du tennis, du handball et du baseball montrent qu'il n'existe pas de lien significatif entre dyskinésie et pathologie. Ces résultats alimentent le débat sur la nécessité de traiter ou non la dyskinésie et sur son potentiel rôle dans l'apparition de blessures chez les athlètes.

Affirmation suivante : la dyskinésie scapulaire accompagne bien souvent les pathologies d'épaule.

Et ici, c'est avéré. En analysant la littérature, notamment une étude qui examine l'activité musculaire scapulaire ainsi que le timing de recrutement et d'activation chez des personnes présentant un conflit au niveau de l'épaule ou une instabilité gléno-humérale, on observe des modifications dans l'activité de certains muscles. Par exemple, on constate une augmentation de l'activité du trapèze supérieur et une diminution de l'activité du trapèze inférieur et du dentelé antérieur chez les patients souffrant d'un conflit sous-acromial. Ces altérations sont similaires à celles observées dans la dyskinésie scapulaire.

En examinant une autre étude, on observe des différences significatives dans la cinématique scapulaire entre des sujets sains et ceux ayant des pathologies. En cas de conflit ou de tendinopathie de la coiffe des rotateurs, il y a une diminution de la sonnette externe, une diminution du tilt postérieur, et des modifications dans la rotation scapulaire. Des changements significatifs sont également observés en cas d'instabilité gléno-humérale. Ces résultats soulignent l'importance de prendre en compte la dyskinésie scapulaire dans le traitement de ces pathologies.

Affirmation suivante : la principale cause de dyskinésie scapulaire est un manque de force musculaire au niveau des stabilisateurs de la scapula. 

C'est relativement faux. Pourquoi ? Parce que les causes de la dyskinésie scapulaire sont diverses et ne se limitent pas à un simple manque de force ou à une cause musculaire. Les causes peuvent être d'ordre neurologique, avec des altérations nerveuses, notamment au niveau du nerf suprascapulaire ou du nerf thoracique long (nerf de Charles Bell). Elles peuvent également être articulaires ou musculaires.

Le plus souvent, il s'agit d'un déséquilibre de force et/ou d'activation des muscles stabilisateurs de la scapula. Une raideur des tissus mous péri-scapulaires peut également être en cause. Ainsi, un déséquilibre ou une modification de force seul ne constitue pas l'unique facteur ou cause de la dyskinésie scapulaire.

Ces propos sont appuyés par un schéma développé par l'équipe de Cools et collaborateurs, qui illustre bien la dualité des causes de la dyskinésie scapulaire. Ce schéma montre que la dyskinésie scapulaire résulte à la fois d'un manque de flexibilité et de mobilité des tissus mous et d'un manque de performance musculaire.

Du côté de la flexibilité, on observe des limitations au niveau de diverses structures, telles que la bretelle antérieure de l'épaule, la partie postérieure de l'épaule, la coiffe postérieure, et la capsule postérieure. Concernant la performance musculaire, les déficits peuvent être dus à un manque de contrôle musculaire, à un manque de force, ou aux deux, affectant les muscles stabilisateurs de la scapula.

Affirmation suivante : l'évaluation de la dyskinésie inclut des mesures objectives et subjectives.

C'est bien sûr vrai. Premièrement, nous avons l'évaluation visuelle basée sur les différentes classifications mentionnées précédemment, qui restent assez subjectives. Cependant, il existe également des outils plus objectifs permettant de quantifier la dyskinésie et de la suivre tout au long du processus de réhabilitation. Parmi ces outils, on trouve la mesure de la distance entre l'angle inférieur interne de la scapula et la colonne, réalisée par le test appelé "lateral scapular slide test".

En outre, d'autres mesures incluent l'évaluation de la mobilité, de la force, de l'activation musculaire, ainsi que des analyses de la cinématique. Ces dernières peuvent être effectuées à l'aide d'outils d'analyse tridimensionnelle du mouvement, offrant une évaluation plus précise et objective de la dyskinésie scapulaire.

L'affirmation suivante : il est possible de normaliser une dyskinésie scapulaire. Ici, ce qui est vraiment important, c'est le terme "normaliser".

Finalement, en observant à la fois les données scientifiques et cliniques, on se rend compte qu'il est difficile de normaliser complètement une dyskinésie scapulaire. Les personnes concernées sont principalement des sportifs, qui vont continuer à pratiquer leur sport et à subir diverses adaptations. Dans un processus de réhabilitation, on peut améliorer la dyskinésie et la fonction de l'épaule, mais il semble actuellement utopique de pouvoir la normaliser totalement et d'éliminer complètement toute dyskinésie chez un sportif en cours de traitement.

Affirmation suivante : la fatigue peut avoir une influence sur l'importance de la dyskinésie.

 

Ceci est vrai. Diverses études montrent qu'un protocole de fatigue des rotateurs externes ou un protocole de fatigue en flexion entraînent une augmentation de la dysfonction scapulaire.

D'autres études ont également montré l'influence de la pratique sportive sur l'importance de la dyskinésie scapulaire. Par exemple, une étude a révélé qu'après un protocole de fatigue impliquant la réalisation répétée de services en tennis, il y a une diminution de la sonnette externe de la scapula. De même, une étude en natation a montré une augmentation de la prévalence de la dyskinésie avant et après un entraînement, ce qui démontre clairement que la fatigue a une réelle influence sur l'importance de la dysfonction observée.

Dernier point : la dyskinésie scapulaire a un impact sur la performance sportive. 

C'est une affirmation à laquelle il est difficile de répondre de manière définitive. Toutefois, je souhaite vous illustrer une étude réalisée par une équipe qui a examiné l'influence de la dyskinésie et de sa correction par une technique de kinésio-taping, ainsi que l'effet de la fatigue sur la performance au tennis. Cette étude, publiée en 2020, a recruté 15 joueurs de tennis asymptomatiques testés dans trois conditions :

  1. Condition standard
  2. Avec kinésiotape, utilisant un taping de type McConnell visant à améliorer et favoriser un meilleur tilt postérieur de la scapula
  3. Condition de fatigue, après un protocole de fatigue spécifique aux muscles interscapulaires

Dans ces trois conditions, les sujets ont réalisé 15 services. L'analyse incluait à la fois une électromyographie des muscles stabilisateurs de la scapula et une analyse tridimensionnelle du mouvement.

Ce que nous avons pu montrer, c'est qu'avec le kinésiotape, il n'y avait pas de changement significatif en termes de vitesse de balle ou de raquette, mais une diminution significative de la précision. En condition de fatigue, nous avons observé une diminution significative de la vitesse de la raquette, de la précision, et du nombre de services réussis. Ces résultats suggèrent, même si nous ne pouvons pas affirmer avec certitude pour la dyskinésie, que la correction de la dyskinésie par un kinésithérapeute, à l'aide de moyens comme le kinésiotape, peut avoir une influence significative sur la performance de l'athlète.

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