Tests orthopédiques et précision clinique

Masterclass
Publiée le
30/6/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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1. Introduction

Lorsque l’on parle de tests spéciaux ou tests orthopédiques spéciaux, une recherche rapide sur PubMed, en utilisant les termes "diagnostic accuracy and orthopaedic tests", révèle plus de 2000 articles à ce sujet tandis qu’une recherche sur google scholar pour le terme « orthopaedic special tests » révèle environ 430 00 résultats.

Une recherche Google révèle quant à elle environ 11 700 000 résultats parmi lesquels on retrouve des articles de blogs, des livres ou des vidéos YouTube. Toutes ces ressources présentent souvent une multitude de tests, incluant souvent des tests similaires avec des noms variables et sans propriétés discriminantes.

Devant l’étendue de tous ces tests, il semble légitime de se poser la question : « quel test choisir ? »

2. Évaluation en rééducation Pourquoi est-ce que l’on évalue ?

La mesure en kinésithérapie est, comme dans toutes les disciplines de santé, un préalable à l’action thérapeutique (Bryant & Fernandes, 2011). Elle doit apporter des informations relatives à un problème relevant de la kinésithérapie et permettre de réaliser un diagnostic de la situation, puis d’élaborer un plan d’intervention avec des objectifs à la clé. Les informations peuvent permettre :

  • Identifier et évaluer la gravité d’un trouble relevant des compétences du kinésithérapeute ;
  • Marquer un point de départ pour suivre l’évolution positive ou négative du traitement
  • Évaluer la demande et les besoins du patient ;
  • Établir une valeur de référence qui va permettre de suivre le devenir au fil du temps
  • Évaluer les effets du traitement.

L'utilisation d'une démarche de raisonnement clinique, s'est révélée bénéfique pour les résultats de la prise en charge en kinésithérapie. Cette approche repose en partie sur l'utilisation structurée d'un ensemble de tests, nécessitant une évaluation méticuleuse de leurs qualités métrologiques. Il est ainsi essentiel de sélectionner les tests les plus pertinents pour exclure ou confirmer une pathologie.

3. Comment choisir le bon outil de mesure ?

Comme la quantité de tests cliniques répertoriés augmente sans cesse, il est absolument essentiel d'évaluer les propriétés de ces tests, avant de les introduire dans la pratique clinique. L'intégration du meilleur niveau de preuves de chacun des tests disponibles en vue d'une utilité diagnostique est fondamentale pour pratiquer un diagnostic précis et complet, amenant un traitement pertinent et efficace. Il est évident que les praticiens comme les étudiants doivent être attentifs aux propriétés diagnostiques et aux mesures obtenues par les tests utilisés et savoir lesquels sont d'une vraie utilité clinique. (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022).L'évaluation des tests utilisés pour le bilan reposent sur l'étude des propriétés clinimétriques, déterminant la performance des tests diagnostiques. Parmi ces propriétés, on distingue la fiabilité, la validité et la sensibilité au changement (Bryant & Fernandes, 2011).La problématique est alors la suivante : À quoi correspondent ces termes de fiabilité, validité et sensibilité au changement ? Quels en sont leurs indices et comment les calcule-t-on ? Ont-ils tous la même pertinence ? Que représentent-ils cliniquement ?

4. Propriétés clinimétriques des tests cliniques – Fiabilité- réactivité - validité

Lorsque l’on s’intéresse aux propriété clinimétriques des tests cliniques, il est essentiel de répondre dans un premier temps à la problématique énoncée en amont : « À quoi correspondent ces termes de fiabilité, validité et sensibilité au changement ? ». Selon le dernier consensus à ce sujet (Mokkink et al., 2010), nous pourrions donc affirmer que :

  • Un test est considéré comme « fiable » s'il produit une information reproductible, précise et spécifique. Nous pourrions donc dire qu’un test est considéré comme fiable s’il est exempt d'erreur de mesure
  • Un test est considéré comme « valide » s'il mesure réellement ce qu'il prétend mesurer. Cliniquement, nous pourrions donc rajouter qu’un test clinique serait valide, s’il permet réellement de distinguer les patients ayant une pathologie des autres.
  • Un test est considéré comme « sensible au changement » s’il présente la possibilité de détecter rapidement et précisément une variation de l’état du patient.

Finalement une autre propriété pourrait être « l’interprétabilité » ou le sens clinique qui correspondrait à la possibilité de donner une signification claire au regard de la question posée par l’usage de ce test.

Si l’on souhaite aller plus loin concernant les propriétés des tests cliniques, il est intéressant de noter qu’il existe différents paramètres permettant d’évaluer les propriétés clinimétriques de ces tests comme le montre le schéma ci-dessous :

5. Propriétés clinimétriques des tests cliniques – Précision clinique

Après avoir abordé brièvement les paramètres de fiabilité, réactivité et validité, intéressons-nous avec plus de précisions aux paramètres « de précision clinique » qui sont plus connus et possèdent plus de « sens pratique » pour les praticiens.Globalement, ces paramètres peuvent êtres décomposés en 2 catégories (cf Figure 7) :

  • Performance intrinsèque = capacité informative propre du test, ne dépendant pas de la prévalence de la maladie. On retrouve :
    • Sensibilité = probabilité d’avoir un test positif si on est malade.
    • Spécificité = probabilité d’avoir un test négatif si on n’est pas malade.
    • Rapport de Vraisemblance positif (RV+) = rapport entre la probabilité de présenter un test positif chez les malades, sur celle des non malades.
    • Rapport de vraisemblance négatif (RV-) = rapport entre la probabilité de présenter un test négatif chez les malades, sur celle des non malades.
  • Performance extrinsèque : capacité informative du test en fonction de ses caractéristiques intrinsèques et du contexte d’utilisation :
    • Valeur prédictive positive (VPP) = probabilité d’être malade si on a un test positif.
    • Valeur Prédictive négative (VPN) = probabilité de ne pas être malade si on a un test négatif.

Pour obtenir ces indices, il faut réaliser des études adaptées. Ces dernières permettent d’évaluer un nouvel outil diagnostique au niveau de ses performances diagnostiques ainsi que de l’amélioration du devenir des sujets diagnostiqués. Les principaux types d’études utilisées pour évaluer les performances des tests sont :

  • Transversale : si on n’a pas besoin de suivre les sujets dans le temps.
  • Cohorte : si on veut analyser la survenue d’un événement dans le temps.
  • Interventionnelle : lorsqu’on cherche une influence du test sur le devenir du sujet.

En pratique, la précision d'un test est évaluée en déterminant le degré d'accord entre le test clinique et un GOLD standard. Dans les faits, les résultats obtenus avec cette référence standard sont comparés avec ceux obtenus par le test en question à l’aide d’une table d’éventualité 2X2. Une fois obtenue la table d'éventualité 2 × 2, on peut évaluer l'utilité clinique notamment grâce à la sensibilité, la spécificité le RV+ et RV- ainsi que le VPP, VPN. On retrouve donc :

6. Interprétation des propriétés clinimétriques des tests cliniques – Précision clinique

Après avoir abordé la méthode de création des propriétés clinimétriques concernant la précision clinique des tests, intéressons-nous désormais à leur interprétation (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022).

  • Sensibilité : La sensibilité d'un test de diagnostic montre la possibilité de ce test de détecter les patients porteurs de la pathologie, révélés par la référence standard. Ainsi, L'acronyme SNOUT peut être utilisé pour se souvenir qu'un test ayant une sensibilité élevée (S) et un résultat négatif (N) est un bon test pour exclure (OUT) la pathologie mesurée.
  • Spécificité : La spécificité d'un test de diagnostic indique simplement la possibilité pour le test de détecter les patients qui, en fait, n'ont pas la pathologie, indiquée par la référence standard. L'acronyme SPIN peut être utilisé pour se souvenir qu'un test ayant une spécificité élevée (S) et un résultat positif (P) est un bon test pour inclure (IN) la pathologie mesurée.
  • RV+ & RV- : Les ratios de vraisemblance (RV) combinent la sensibilité et la spécificité d'un test pour prédire la modification de la probabilité en exprimant le résultat spécifique de ce test. Les RV sont efficaces pour aider à la décision clinique. Un RV positif indique un glissement de probabilité en faveur de l'existence d'une pathologie. Un RV négatif indique un glissement de probabilité en défaveur de l'existence d'une pathologie
  • VPP & VPN : Le VPP correspond au pourcentage de patients ayant un test positif et qui ont effectivement la maladie tandis que le VPN correspond au pourcentage de patients ayant un test négatif et qui n’ont effectivement pas la maladie

7. Démarche de raisonnement diagnostique bayésien et test clinique

Après avoir abordé les différentes métriques, et notamment celles concernant la précision clinique, il est désormais temps de faire le parallèle avec ce qui nous intéresse vraiment, la CLINIQUE.D’une manière générale, il est communément admis, et ce depuis longtemps, que les tests ne peuvent jamais confirmer ou infirmer totalement la présence d'un trouble spécifique (Bossuyt, 2003). Leur objectif n'est donc pas d'arriver à une certitude de diagnostic, mais plutôt de réduire le degré d'incertitude jusqu'à ce que le seuil de certitude du traitement soit atteint (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022). D’ailleurs, comme abordé lors de l’exemple, un constat fréquemment réalisé dans l’étude des tests orthopédiques ou spéciaux études est l'incapacité des tests spéciaux cliniques à être utilisés comme des résultats isolés pour modifier de manière significative la prise de décision clinique (C. Cook, 2010). Certains auteurs indiquent même qu’une dérive de l’utilisation des tests cliniques est le passage d’un raisonnement clinique complexe, dynamique, itératif avec de multiples variables, à un raisonnement simpliste utilisant des tests spéciaux répondant à la question "oui/non" (Hegedus et al., 2017). Plus récemment, certains auteurs ont pu mettre en valeur que les tests spéciaux de l’épaule devraient être considérés que comme des tests de provocation de la douleur (Salamh & Lewis, 2020).De plus, de nombreuses revues pointent du doigt le manque de qualité et la présence de biais des études évaluant les tests spécifiques (C. Cook, 2012; Maas et al., 2017; Reiman et al., 2014).D’ailleurs, il semble intéressant de remarquer que :

  • La clinimétrie des tests varie selon la population de l’étude. Par exemple la sensibilité du test de Babinski serait de 59,7 % dans la détection des troubles de la voie pyramidale (Araújo et al., 2015) tandis qu’il serait de de 96% dans la détection des myélopathies cervicales dégénératives (C. E. Cook et al., 2011)
  • La clinimétrie de certains tests peut varier en fonction d’éléments externes au test comme des changements de positions lors d’un test SLR (Nee et al., 2022), des facteurs psychologiques (Laslett et al., 2005) ou tout simplement d’une irritabilité et une douleur élevée (Salamh & Lewis, 2020).

Au final, l’ensemble de ces informations permettent d’aboutir à une conclusion : les tests orthopédiques peuvent être intégrés au sein d’un processus de raisonnement clinique en priorisant les tests possédant des valeurs clinimétriques élevées. Ces tests pourront alors participer au processus de raisonnement clinique bayésien en apportant des informations qui viendront moduler la probabilité qu’une hypothèse clinique soit vraie ou fausse.

Bibliographie :

  • Araújo, R., Firmino-Machado, J., Correia, P., Leitão-Marques, M., Carvalho, J., Silva, M., Nogueira, A., & Nunes, C. (2015). The plantar reflex : A study of observer agreement, sensitivity, and observer bias. Neurology Clinical Practice, 5(4), 309‑316.
  • Bossuyt, P. M. (2003). Towards complete and accurate reporting of studies of diagnostic accuracy : The STARD initiative. BMJ, 326(7379), 41‑44.
  • Bryant, D., & Fernandes, N. (2011). Measuring patient outcomes : A primer. Injury, 42(3), 232‑235.
  • Cook, C. (2010). The lost art of the clinical examination : An overemphasis on clinical special tests. The Journal of Manual & Manipulative Therapy, 18(1), 3‑4.
  • Cook, C. (2012). Challenges with diagnoses : Sketchy reference standards. Journal of Manual & Manipulative Therapy, 20(3), 111‑112.
  • Cook, C., Roman, M., Stewart, K. M., Leithe, L. G., & Isaacs, R. (2009). Reliability and Diagnostic Accuracy of Clinical Special Tests for Myelopathy in Patients Seen for Cervical Dysfunction. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 39(3), 172‑178.
  • Examen clinique de l’appareil locomoteur : Tests, évaluations et niveaux de preuve (4e édition). (2022). Elsevier Masson.
  • Hegedus, E. J., Wright, A. A., & Cook, C. (2017). Orthopaedic special tests and diagnostic accuracy studies : House wine served in very cheap containers. British Journal of Sports Medicine, 51(22), 1578‑1579.
  • Jiang, Z., Davies, B., Zipser, C., Margetis, K., Martin, A., Matsoukas, S., Zipser-Mohammadzada, F., Kheram, N., Boraschi, A., Zakin, E., Obadaseraye, O. R., Fehlings, M. G., Wilson, J., Yurac, R., Cook, C. E., Milligan, J., Tabrah, J., Widdop, S., Wood, L., … AO Spine RECODE-DCM Diagnostic Criteria Incubator. (2023). The value of Clinical signs in the diagnosis of Degenerative Cervical Myelopathy—A Systematic review and Meta-analysis. Global Spine Journal, 21925682231209869.
  • Laslett, M., Öberg, B., Aprill, C. N., & McDonald, B. (2005). Centralization as a predictor of provocation discography results in chronic low back pain, and the influence of disability and distress on diagnostic power. The Spine Journal, 5(4), 370‑380.
  • Maas, E. T., Juch, J. N. S., Ostelo, R. W. J. G., Groeneweg, J. G., Kallewaard, J. W., Koes, B. W., Verhagen, A. P., Huygen, F. J. P. M., & Van Tulder, M. W. (2017). Systematic review of patient history and physical examination to diagnose chronic low back pain originating from the facet joints. European Journal of Pain, 21(3), 403‑414.
  • Maffulli, N. (1998). The clinical diagnosis of subcutaneous tear of the Achilles tendon. A prospective study in 174 patients. The American Journal of Sports Medicine, 26(2), 266‑270.
  • Mokkink, L. B., Terwee, C. B., Patrick, D. L., Alonso, J., Stratford, P. W., Knol, D. L., Bouter, L. M., & De Vet, H. C. W. (2010). The COSMIN study reached international consensus on taxonomy, terminology, and definitions of measurement properties for health-related patient-reported outcomes. Journal of Clinical Epidemiology, 63(7), 737‑745.
  • Nee, R. J., Coppieters, M. W., & Boyd, B. S. (2022). Reliability of the straight leg raise test for suspected lumbar radicular pain : A systematic review with meta-analysis. Musculoskeletal Science and Practice, 59, 102529.
  • Piette, P. (2016). Métrologie appliquée à la kinésithérapie : Mesures, tests et bilans, concepts fondamentaux. EMC - Kinésithérapie - Médecine physique - Réadaptation.
  • Reiman, M. P., Mather, R. C., Hash, T. W., & Cook, C. E. (2014). Examination of acetabular labral tear : A continued diagnostic challenge. British Journal of Sports Medicine, 48(4), 311‑319.
  • Salamh, P., & Lewis, J. (2020). It Is Time to Put Special Tests for Rotator Cuff–Related Shoulder Pain out to Pasture. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50(5), 222‑225.

1. Introduction

Lorsque l’on parle de tests spéciaux ou test orthopédiques spéciaux, une recherche rapide sur PubMed, en utilisant les termes "diagnostic accuracy and orthopaedic tests", révèle plus de 2000 articles à ce sujet tandis qu’une recherche sur google scholar pour le terme « orthopaedic special tests » révèle environs de 430 00 résultats.Une recherche Google révèle quant à elle environ 11 700 000 résultats parmi lesquels on retrouve des articles de blog, des livres ou des vidéos YouTube. Toutes ces ressources présentent souvent une multitude test, incluant souvent des tests similaires avec des noms variables et sans propriétés discriminantes.Devant l’étendu de tous ces tests, il semble légitime de se poser la question : « quel test choisir ? »

2. Évaluation en rééducation Pourquoi est-ce que l’on évalue ?

La mesure en kinésithérapie est, comme dans toutes les disciplines de santé, un préalable à l’action thérapeutique (Bryant & Fernandes, 2011). Elle doit apporter des informations relatives à un problème relevant de la kinésithérapie et permettre de réaliser un diagnostic de la situation, puis d’élaborer un plan d’intervention avec des objectifs à la clé. Les informations peuvent permettre :

  • Identifier et évaluer la gravité d’un trouble relevant des compétences du kinésithérapeute ;
  • Marquer un point de départ pour suivre l’évolution positive ou négative du traitement
  • Évaluer la demande et les besoins du patient ;
  • Établir une valeur de référence qui va permettre de suivre le devenir au fil du temps
  • Évaluer les effets du traitement.

L'utilisation d'une démarche de raisonnement clinique, s'est révélée bénéfique pour les résultats de la prise en charge en kinésithérapie. Cette approche repose en partie sur l'utilisation structurée d'un ensemble de tests, nécessitant une évaluation méticuleuse de leurs qualités métrologiques. Il est ainsi essentiel de sélectionner les tests les plus pertinents pour exclure ou confirmer une pathologie.

3. Comment choisir le bon outil de mesure ?

Comme la quantité de tests cliniques répertoriés augmente sans cesse, il est absolument essentiel d'évaluer les propriétés de ces tests, avant de les introduire dans la pratique clinique. L'intégration du meilleur niveau de preuves de chacun des tests disponibles en vue d'une utilité diagnostique est fondamentale pour pratiquer un diagnostic précis et complet, amenant un traitement pertinent et efficace. Il est évident que les praticiens comme les étudiants doivent être attentifs aux propriétés diagnostiques et aux mesures obtenues par les tests utilisés et savoir lesquels sont d'une vraie utilité clinique. (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022).L'évaluation des tests utilisés pour le bilan reposent sur l'étude des propriétés clinimétriques, déterminant la performance des tests diagnostiques. Parmi ces propriétés, on distingue la fiabilité, la validité et la sensibilité au changement (Bryant & Fernandes, 2011).La problématique est alors la suivante : À quoi correspondent ces termes de fiabilité, validité et sensibilité au changement ? Quels en sont leurs indices et comment les calcule-t-on ? Ont-ils tous la même pertinence ? Que représentent-ils cliniquement ?

4. Propriétés clinimétriques des tests cliniques – Fiabilité- réactivité - validité

Lorsque l’on s’intéresse aux propriété clinimétriques des tests cliniques, il est essentiel de répondre dans un premier temps à la problématique énoncée en amont : « À quoi correspondent ces termes de fiabilité, validité et sensibilité au changement ? ». Selon le dernier consensus à ce sujet (Mokkink et al., 2010), nous pourrions donc affirmer que :

  • Un test est considéré comme « fiable » s'il produit une information reproductible, précise et spécifique. Nous pourrions donc dire qu’un test est considéré comme fiable s’il est exempt d'erreur de mesure
  • Un test est considéré comme « valide » s'il mesure réellement ce qu'il prétend mesurer. Cliniquement, nous pourrions donc rajouter qu’un test clinique serait valide, s’il permet réellement de distinguer les patients ayant une pathologie des autres.
  • Un test est considéré comme « sensible au changement » s’il présente la possibilité de détecter rapidement et précisément une variation de l’état du patient.

Finalement une autre propriété pourrait être « l’interprétabilité » ou le sens clinique qui correspondrait à la possibilité de donner une signification claire au regard de la question posée par l’usage de ce test.

Si l’on souhaite aller plus loin concernant les propriétés des tests cliniques, il est intéressant de noter qu’il existe différents paramètres permettant d’évaluer les propriétés clinimétriques de ces tests comme le montre le schéma ci-dessous :

5. Propriétés clinimétriques des tests cliniques – Précision clinique

Après avoir abordé brièvement les paramètres de fiabilité, réactivité et validité, intéressons-nous avec plus de précisions aux paramètres « de précision clinique » qui sont plus connus et possèdent plus de « sens pratique » pour les praticiens.Globalement, ces paramètres peuvent êtres décomposés en 2 catégories (cf Figure 7) :

  • Performance intrinsèque = capacité informative propre du test, ne dépendant pas de la prévalence de la maladie. On retrouve :
    • Sensibilité = probabilité d’avoir un test positif si on est malade.
    • Spécificité = probabilité d’avoir un test négatif si on n’est pas malade.
    • Rapport de Vraisemblance positif (RV+) = rapport entre la probabilité de présenter un test positif chez les malades, sur celle des non malades.
    • Rapport de vraisemblance négatif (RV-) = rapport entre la probabilité de présenter un test négatif chez les malades, sur celle des non malades.
  • Performance extrinsèque : capacité informative du test en fonction de ses caractéristiques intrinsèques et du contexte d’utilisation :
    • Valeur prédictive positive (VPP) = probabilité d’être malade si on a un test positif.
    • Valeur Prédictive négative (VPN) = probabilité de ne pas être malade si on a un test négatif.

Pour obtenir ces indices, il faut réaliser des études adaptées. Ces dernières permettent d’évaluer un nouvel outil diagnostique au niveau de ses performances diagnostiques ainsi que de l’amélioration du devenir des sujets diagnostiqués. Les principaux types d’études utilisées pour évaluer les performances des tests sont :

  • Transversale : si on n’a pas besoin de suivre les sujets dans le temps.
  • Cohorte : si on veut analyser la survenue d’un événement dans le temps.
  • Interventionnelle : lorsqu’on cherche une influence du test sur le devenir du sujet.

En pratique, la précision d'un test est évaluée en déterminant le degré d'accord entre le test clinique et un GOLD standard. Dans les faits, les résultats obtenus avec cette référence standard sont comparés avec ceux obtenus par le test en question à l’aide d’une table d’éventualité 2X2. Une fois obtenue la table d'éventualité 2 × 2, on peut évaluer l'utilité clinique notamment grâce à la sensibilité, la spécificité le RV+ et RV- ainsi que le VPP, VPN. On retrouve donc :

6. Interprétation des propriétés clinimétriques des tests cliniques – Précision clinique

Après avoir abordé la méthode de création des propriétés clinimétriques concernant la précision clinique des tests, intéressons-nous désormais à leur interprétation (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022).

  • Sensibilité : La sensibilité d'un test de diagnostic montre la possibilité de ce test de détecter les patients porteurs de la pathologie, révélés par la référence standard. Ainsi, L'acronyme SNOUT peut être utilisé pour se souvenir qu'un test ayant une sensibilité élevée (S) et un résultat négatif (N) est un bon test pour exclure (OUT) la pathologie mesurée.
  • Spécificité : La spécificité d'un test de diagnostic indique simplement la possibilité pour le test de détecter les patients qui, en fait, n'ont pas la pathologie, indiquée par la référence standard. L'acronyme SPIN peut être utilisé pour se souvenir qu'un test ayant une spécificité élevée (S) et un résultat positif (P) est un bon test pour inclure (IN) la pathologie mesurée.
  • RV+ & RV- : Les ratios de vraisemblance (RV) combinent la sensibilité et la spécificité d'un test pour prédire la modification de la probabilité en exprimant le résultat spécifique de ce test. Les RV sont efficaces pour aider à la décision clinique. Un RV positif indique un glissement de probabilité en faveur de l'existence d'une pathologie. Un RV négatif indique un glissement de probabilité en défaveur de l'existence d'une pathologie
  • VPP & VPN : Le VPP correspond au pourcentage de patients ayant un test positif et qui ont effectivement la maladie tandis que le VPN correspond au pourcentage de patients ayant un test négatif et qui n’ont effectivement pas la maladie

7. Démarche de raisonnement diagnostique bayésien et test clinique

Après avoir abordé les différentes métriques, et notamment celles concernant la précision clinique, il est désormais temps de faire le parallèle avec ce qui nous intéresse vraiment, la CLINIQUE.D’une manière générale, il est communément admis, et ce depuis longtemps, que les tests ne peuvent jamais confirmer ou infirmer totalement la présence d'un trouble spécifique (Bossuyt, 2003). Leur objectif n'est donc pas d'arriver à une certitude de diagnostic, mais plutôt de réduire le degré d'incertitude jusqu'à ce que le seuil de certitude du traitement soit atteint (Examen clinique de l’appareil locomoteur, 2022). D’ailleurs, comme abordé lors de l’exemple, un constat fréquemment réalisé dans l’étude des tests orthopédiques ou spéciaux études est l'incapacité des tests spéciaux cliniques à être utilisés comme des résultats isolés pour modifier de manière significative la prise de décision clinique (C. Cook, 2010). Certains auteurs indiquent même qu’une dérive de l’utilisation des tests cliniques est le passage d’un raisonnement clinique complexe, dynamique, itératif avec de multiples variables, à un raisonnement simpliste utilisant des tests spéciaux répondant à la question "oui/non" (Hegedus et al., 2017). Plus récemment, certains auteurs ont pu mettre en valeur que les tests spéciaux de l’épaule devraient être considérés que comme des tests de provocation de la douleur (Salamh & Lewis, 2020).De plus, de nombreuses revues pointent du doigt le manque de qualité et la présence de biais des études évaluant les tests spécifiques (C. Cook, 2012; Maas et al., 2017; Reiman et al., 2014).D’ailleurs, il semble intéressant de remarquer que :

  • La clinimétrie des tests varie selon la population de l’étude. Par exemple la sensibilité du test de Babinski serait de 59,7 % dans la détection des troubles de la voie pyramidale (Araújo et al., 2015) tandis qu’il serait de de 96% dans la détection des myélopathies cervicales dégénératives (C. E. Cook et al., 2011)
  • La clinimétrie de certains tests peut varier en fonction d’éléments externes au test comme des changements de positions lors d’un test SLR (Nee et al., 2022), des facteurs psychologiques (Laslett et al., 2005) ou tout simplement d’une irritabilité et une douleur élevée (Salamh & Lewis, 2020).

Au final, l’ensemble de ces informations permettent d’aboutir à une conclusion : les tests orthopédiques peuvent être intégrés au sein d’un processus de raisonnement clinique en priorisant les tests possédant des valeurs clinimétriques élevées. Ces tests pourront alors participer au processus de raisonnement clinique bayésien en apportant des informations qui viendront moduler la probabilité qu’une hypothèse clinique soit vraie ou fausse.

Bibliographie :

  • Araújo, R., Firmino-Machado, J., Correia, P., Leitão-Marques, M., Carvalho, J., Silva, M., Nogueira, A., & Nunes, C. (2015). The plantar reflex : A study of observer agreement, sensitivity, and observer bias. Neurology Clinical Practice, 5(4), 309‑316.
  • Bossuyt, P. M. (2003). Towards complete and accurate reporting of studies of diagnostic accuracy : The STARD initiative. BMJ, 326(7379), 41‑44.
  • Bryant, D., & Fernandes, N. (2011). Measuring patient outcomes : A primer. Injury, 42(3), 232‑235.
  • Cook, C. (2010). The lost art of the clinical examination : An overemphasis on clinical special tests. The Journal of Manual & Manipulative Therapy, 18(1), 3‑4.
  • Cook, C. (2012). Challenges with diagnoses : Sketchy reference standards. Journal of Manual & Manipulative Therapy, 20(3), 111‑112.
  • Cook, C., Roman, M., Stewart, K. M., Leithe, L. G., & Isaacs, R. (2009). Reliability and Diagnostic Accuracy of Clinical Special Tests for Myelopathy in Patients Seen for Cervical Dysfunction. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 39(3), 172‑178.
  • Examen clinique de l’appareil locomoteur : Tests, évaluations et niveaux de preuve (4e édition). (2022). Elsevier Masson.
  • Hegedus, E. J., Wright, A. A., & Cook, C. (2017). Orthopaedic special tests and diagnostic accuracy studies : House wine served in very cheap containers. British Journal of Sports Medicine, 51(22), 1578‑1579.
  • Jiang, Z., Davies, B., Zipser, C., Margetis, K., Martin, A., Matsoukas, S., Zipser-Mohammadzada, F., Kheram, N., Boraschi, A., Zakin, E., Obadaseraye, O. R., Fehlings, M. G., Wilson, J., Yurac, R., Cook, C. E., Milligan, J., Tabrah, J., Widdop, S., Wood, L., … AO Spine RECODE-DCM Diagnostic Criteria Incubator. (2023). The value of Clinical signs in the diagnosis of Degenerative Cervical Myelopathy—A Systematic review and Meta-analysis. Global Spine Journal, 21925682231209869.
  • Laslett, M., Öberg, B., Aprill, C. N., & McDonald, B. (2005). Centralization as a predictor of provocation discography results in chronic low back pain, and the influence of disability and distress on diagnostic power. The Spine Journal, 5(4), 370‑380.
  • Maas, E. T., Juch, J. N. S., Ostelo, R. W. J. G., Groeneweg, J. G., Kallewaard, J. W., Koes, B. W., Verhagen, A. P., Huygen, F. J. P. M., & Van Tulder, M. W. (2017). Systematic review of patient history and physical examination to diagnose chronic low back pain originating from the facet joints. European Journal of Pain, 21(3), 403‑414.
  • Maffulli, N. (1998). The clinical diagnosis of subcutaneous tear of the Achilles tendon. A prospective study in 174 patients. The American Journal of Sports Medicine, 26(2), 266‑270.
  • Mokkink, L. B., Terwee, C. B., Patrick, D. L., Alonso, J., Stratford, P. W., Knol, D. L., Bouter, L. M., & De Vet, H. C. W. (2010). The COSMIN study reached international consensus on taxonomy, terminology, and definitions of measurement properties for health-related patient-reported outcomes. Journal of Clinical Epidemiology, 63(7), 737‑745.
  • Nee, R. J., Coppieters, M. W., & Boyd, B. S. (2022). Reliability of the straight leg raise test for suspected lumbar radicular pain : A systematic review with meta-analysis. Musculoskeletal Science and Practice, 59, 102529.
  • Piette, P. (2016). Métrologie appliquée à la kinésithérapie : Mesures, tests et bilans, concepts fondamentaux. EMC - Kinésithérapie - Médecine physique - Réadaptation.
  • Reiman, M. P., Mather, R. C., Hash, T. W., & Cook, C. E. (2014). Examination of acetabular labral tear : A continued diagnostic challenge. British Journal of Sports Medicine, 48(4), 311‑319.
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