Jean-Sébastien est chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale (Cirris) et professeur titulaire au Département de réadaptation de l'Université Laval (Québec, Canada).
Ses intérêts de recherche portent sur la caractérisation des facteurs centraux (neuraux) et périphériques (au niveau articulaire) associés à l'apparition et à la chronicisation des troubles musculosquelettiques, et sur l'évaluation des effets des approches de réadaptation pour prévenir ou traiter les troubles musculosquelettiques.
Il a publié plus de 150 articles dans des revues à comité de lecture et 8 chapitres de livre, principalement sur les mécanismes neuromusculaires et biomécaniques des troubles musculosquelettiques, et a donné plus de 50 présentations lors de conférences nationales et internationales.
Avant de s'impliquer à temps plein dans la recherche, il a travaillé pendant 10 ans comme physiothérapeute au CHU Laval, spécialisé dans le traitement des troubles musculosquelettiques à l'épaule.
Mise en contexte
Nous nous sommes intéressés aux douleurs de l'épaule associées à la coiffe des rotateurs car elles représentent environ 85% de toutes les pathologies douloureuses de l'épaule. Le terme "douleurs à l'épaule liées à la coiffe des rotateurs" a été proposé par Jeremy Lewis pour englober toutes les atteintes des structures sous-acromiales, incluant le syndrome d'abutement, la tendinopathie de la coiffe des rotateurs, les ruptures traumatiques partielles ou complètes de cette coiffe, ainsi que les bursopathies.
Les douleurs à l'épaule liées à la coiffe des rotateurs entraînent une série de conséquences importantes, non seulement en termes de douleur et de réduction de la fonctionnalité mais aussi d'impacts socio-professionnels tels que l'absentéisme au travail et les retraites anticipées. Sur le plan clinique, ces troubles sont souvent accompagnés d'altérations de la cinématique de l'épaule, ce qui signifie que les mouvements d'élévation de l'articulation sont effectués différemment.
Par ailleurs, une faiblesse musculaire est fréquemment observée, et l'analyse par électromyographie révèle des modifications dans l'activation des muscles : certains sont suractivés tandis que d'autres le sont insuffisamment. De plus, les personnes souffrant de douleurs chroniques à l'épaule développent souvent des comportements inadaptés liés à leur condition, tels que la kinésiophobie (la peur du mouvement), la catastrophisation (une tendance à anticiper un résultat plus négatif que la réalité) ou un sentiment de faible auto-efficacité dans la gestion de la douleur.
Indépendamment du type de traitement appliqué, environ 30% des patients souffrant de tendinopathie de la coiffe des rotateurs ne montrent pas d'amélioration suite aux interventions. Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette absence de réponse au traitement, y compris des éléments psychosociaux et sociodémographiques. La kinésiophobie (la peur des mouvements) et la catastrophisation (tendance à anticiper les pires scénarios) sont également des facteurs significatifs. Une des raisons potentielles de cette variabilité dans les réponses aux traitements pourrait résider dans le choix des exercices prescrits par les physiothérapeutes ou les professionnels de la réadaptation.
La diversité des types d'exercices et des paramètres avec lesquels ils sont administrés peut influencer l'efficacité des interventions, soulignant l'importance d'une sélection adaptée et personnalisée des exercices pour chaque patient.
Dans le domaine de la réadaptation pour les douleurs à l'épaule liées à la coiffe des rotateurs, les trois principales
interventions mises en évidence par les recherches sont l'éducation du patient, les exercices de renforcement, et les exercices de contrôle moteur. La littérature actuelle suggère que l'utilisation d'exercices, indépendamment de leur type, est généralement plus efficace que l'approche dite "wait and see", qui consiste à ne rien faire et à attendre les effets du temps. Les exercices se révèlent également aussi efficaces que la chirurgie, mais sans les risques qui lui sont associés. Cependant, il n'existe pas de preuve concluante montrant qu'un type d'exercice est supérieur à un autre. La question de savoir s'il est préférable d'opter pour des exercices de renforcement ou des exercices de contrôle moteur reste donc sans réponse claire.
En outre, il est important de souligner que, quel que soit le type d'exercice choisi, environ 30% des patients ne montreront pas d'amélioration cliniquement significative de leur état après le traitement par un physiothérapeute ou un professionnel de la réadaptation. Cette constatation met en évidence l'existence de facteurs individuels influençant la réponse au traitement, qui doivent être pris en compte lors de la conception des plans de réadaptation.
Objectifs
L'étude avait pour but principal d'évaluer et de comparer l'impact à court, moyen et long terme de trois stratégies différentes sur les symptômes et les limitations fonctionnelles chez des individus souffrant de douleurs persistantes à l'épaule attribuées à la coiffe des rotateurs, avec une durée de douleur excédant trois mois. Les trois approches de prise en charge comprenaient : 1) une intervention basée uniquement sur l'éducation, où les participants recevaient des informations sans exercices physiques ; 2) une combinaison d'éducation et d'exercices de renforcement ; et 3) une combinaison d'éducation et d'exercices de contrôle moteur.
Un objectif secondaire de cette recherche était d'investiguer les effets de ces interventions sur deux aspects spécifiques : le contrôle de l'épaule et la force isométrique de certains muscles de l'épaule. On anticipait que les participants assignés aux exercices de contrôle moteur manifesteraient une amélioration du contrôle de l'épaule, tandis que ceux participant aux exercices de renforcement verraient une augmentation de leur force musculaire. Cette étude visait donc non seulement à déterminer l'efficacité relative de ces approches sur les symptômes et la fonction, mais aussi à évaluer leur impact sur la capacité musculaire et le contrôle moteur de l'épaule.
Méthodologie
Dans le cadre de notre recherche, nous avons conduit un essai clinique randomisé impliquant le recrutement de 41 participants pour chaque groupe. Pour être éligibles, ces individus devaient souffrir de douleurs à l'épaule depuis plus de trois mois. Après une évaluation initiale, dont les variables seront présentées ultérieurement, les participants ont été aléatoirement assignés à l'un des trois groupes de traitement :
1) éducation seule ;
2) éducation accompagnée d'exercices de renforcement ; ou
3) éducation avec exercices de contrôle moteur.
La période d'intervention s'étendait sur 12 semaines, suivie par une phase de suivi de 24 semaines au cours de laquelle les participants ont été évalués à plusieurs reprises : initialement, puis aux semaines 3, 6, 12, et 24. Cette structure permettait d'observer l'évolution des symptômes et des limitations fonctionnelles sur le court, moyen et long terme, ainsi que l'impact des différentes approches de traitement sur le contrôle de l'épaule et la force isométrique.
Pour évaluer l'efficacité des différentes interventions sur les douleurs à l'épaule liées à la coiffe des rotateurs, notre étude s'est appuyée sur plusieurs variables mesurées à travers des questionnaires auto-administrés et des mesures physiques :
Questionnaires Auto-administrés :
- QuickDASH : L'indice de capacité fonctionnelle QuickDASH (Disabilities of the Arm, Shoulder, and Hand) était la variable principale pour évaluer la douleur et les limitations fonctionnelles. Une erreur de mesure d'environ 11 points sur le QuickDASH et un changement cliniquement significatif pour le patient sont également estimés à 11 points.
- WORC : Le Western Ontario Rotator Cuff Index (WORC) a été utilisé pour une évaluation plus spécifique des atteintes de la coiffe des rotateurs. L'erreur de mesure est de 12 points sur 100, et un changement considéré comme cliniquement significatif pour le patient est également de 12 points.
Mesures Physiques :
- Force isométrique maximale : Nous avons mesuré la force isométrique maximale en abduction et en rotation externe de l'épaule pour évaluer les effets des interventions sur la force musculaire.
- Mesures échographiques de la distance acromio-humérale : Cette mesure a été effectuée pour évaluer les changements dans l'espace sous-acromial, qui pourrait refléter des améliorations dans le contrôle moteur de l'épaule. La distance la plus courte entre l'acromion et la tête humérale a été mesurée, ce qui est illustré par la ligne blanche dans l'image échographique présentée.
Ces mesures nous ont permis d'évaluer de manière quantitative les améliorations ou changements dans la douleur, la fonction, la force musculaire, et le contrôle moteur de l'épaule à la suite des interventions proposées dans l'étude.
Les trois interventions testées dans notre étude étaient structurées comme suit :
Intervention d'éducation :
- Pour le groupe "Éducation" uniquement : Ce groupe a participé à deux séances d'éducation de 30 minutes chacune, sans aucun exercice prescrit. Ces deux séances constituaient l'ensemble de leur intervention sur les douze semaines de l'étude.
- Contenu des séances d'éducation : Les participants étaient invités à visionner six courtes vidéos à domicile, accessibles via Internet. Ces vidéos couvraient divers aspects du bien-être, mais seulement une d'entre elles se concentrait spécifiquement sur la douleur à l'épaule, intitulée "Rotator cuff shoulder pain, exercise is as effective as surgery" et produite par Jeremy Lewis. Les autres vidéos abordaient l'importance de la nutrition, du sommeil, de la gestion du stress, des bienfaits de l'exercice physique général (marche, course, vélo), et une introduction à la compréhension de la douleur chronique sous l'angle de la neurophysiologie.
- Interaction avec le physiothérapeute : Après avoir visionné les vidéos, les participants devaient répondre à deux questions portant sur le message principal retenu et les aspects moins bien compris ou ayant besoin de clarification. Ces points étaient ensuite discutés lors des séances en face-à-face avec le physiothérapeute.
Pour les deux autres groupes, cette composante éducative était complétée par des exercices spécifiques, formant ainsi une approche combinée visant à enrichir l'intervention par des composantes actives ciblées sur la réhabilitation de l'épaule.
En complément des discussions autour des vidéos, les séances d'éducation menées par le physiothérapeute abordaient également des sujets spécifiques pour aider les participants à mieux gérer leur douleur à l'épaule et à optimiser leur rétablissement. Voici les thèmes supplémentaires qui étaient couverts lors des rencontres avec le physiothérapeute :
Positions de sommeil et de travail : Conseils étaient donnés sur les meilleures pratiques pour dormir et adapter son poste de travail afin de minimiser l'irritation de l'épaule.
Anatomie de la région de l'épaule : Une explication sur la structure anatomique de l'épaule était fournie pour aider les participants à comprendre l'origine de leur douleur.
Sciences de la douleur : Introduction aux concepts de base des sciences de la douleur, incluant des conseils sur la gestion de la douleur et des stratégies pour modifier les activités de manière à éviter l'aggravation de la douleur.
Impact du stress, du sommeil, de l'hydratation et de l'alimentation : Discussion sur la manière dont ces facteurs peuvent influencer la douleur chronique et des conseils pratiques pour améliorer ces aspects de la vie quotidienne.
Ces informations complémentaires visaient à fournir une approche holistique dans la gestion de la douleur à l'épaule, en soulignant l'importance d'une compréhension globale de la santé et du bien-être, en plus des stratégies spécifiques à l'épaule. Ce faisant, l'intervention éducative cherchait à équiper les participants avec les outils nécessaires pour gérer efficacement leur condition à long terme.
Le deuxième groupe de notre étude était le groupe "Renforcement". En plus de recevoir les deux séances d'éducation identiques à celles décrites précédemment, ce groupe devait également réaliser des exercices de renforcement musculaire. L'objectif principal de ces exercices était d'induire une hypertrophie musculaire en utilisant des charges élevées avec un nombre réduit de répétitions. Les spécificités de l'entraînement pour ce groupe étaient les suivantes :
Intensité de l'entraînement : Les participants travaillaient à environ 80-90% de leur une répétition maximale (1 RM), c'est-à-dire la charge maximale qu'un individu peut soulever pour une répétition complète d'un exercice spécifique sans aide.
Volume d'entraînement : Ils étaient instruits d'effectuer quatre à huit répétitions par série jusqu'à atteindre un niveau de fatigue musculaire, tout en maintenant une douleur inférieure à 3 sur une échelle d'évaluation de la douleur de 0 à 10. Si la douleur dépassait ce seuil, le nombre de répétitions était réduit. Si la douleur persistait même avec un faible nombre de répétitions, l'intensité de l'exercice était diminuée (en dessous de 80-90% du 1 RM).
Fréquence des séances : Les participants avaient des rendez-vous en clinique toutes les deux semaines pendant les douze semaines de l'intervention pour permettre une progression adaptée des exercices. Entre ces rendez-vous, ils devaient réaliser les exercices à domicile tous les deux jours.
Matériel fourni : Pour faciliter l'exécution des exercices à domicile, les participants recevaient le matériel nécessaire, tel que des élastiques ou des poids, afin de respecter les prescriptions d'entraînement.
L'approche de ce groupe visait à renforcer plusieurs groupes musculaires ciblés, dont les détails seraient présentés ultérieurement, dans le but d'améliorer la force et la résilience musculaire de l'épaule, contribuant ainsi à la réduction de la douleur et à l'amélioration de la fonction.
Pour le groupe de renforcement dans notre étude, les exercices étaient conçus pour cibler spécifiquement les rotateurs externes et les rotateurs internes, les abducteurs, les protracteurs et retracteurs scapulaires et les élévateurs et dépresseurs de la ceinture scapulaire.
La dernière intervention testée dans notre étude était l'intervention de contrôle moteur. Comme pour les groupes précédents, les participants de ce groupe recevaient également les deux séances d'éducation décrites précédemment. La particularité de cette intervention résidait dans l'ajout d'exercices de contrôle moteur, conçus pour améliorer non seulement le contrôle et le mouvement de l'épaule, mais aussi pour mettre un accent particulier sur la qualité du mouvement.
Détails de l'Intervention de contrôle moteur :
Approche : L'approche privilégiée consistait en des exercices effectués avec un grand nombre de répétitions et peu ou pas de charge, visant à renforcer le contrôle du mouvement de l'épaule dans diverses fonctions.
Fréquence des séances : Les participants avaient six séances avec le physiothérapeute sur une période de douze semaines, ce qui permettait de progresser régulièrement dans les exercices. En parallèle, des exercices à domicile étaient à réaliser quotidiennement.
Méthodologie des séances : Les séances commençaient par des corrections des mouvements pour diminuer les symptômes. Inspirés par les méthodes de Jeremy Lewis, les exercices initiaux visaient à identifier des façons de bouger sans douleur. Une fois un mouvement sans douleur établi, les participants progressaient vers le contrôle du mouvement pendant des gestes d'élévation, puis vers des mouvements fonctionnels impliquant l'ensemble du corps. Pour les sportifs et les travailleurs, les exercices étaient ensuite adaptés pour inclure des activités spécifiques à leur sport ou à leur environnement de travail, évoluant de mouvements simples vers des mouvements plus complexes et fonctionnels.
Cette progression méthodique depuis des corrections de mouvement initiales jusqu'à l'intégration de mouvements plus complexes et fonctionnels visait à améliorer la capacité des participants à gérer leur douleur à l'épaule et à améliorer leur fonctionnalité dans la vie quotidienne et leurs activités spécifiques.
Dans notre intervention de contrôle moteur, l'accent était mis sur l'amélioration du contrôle moteur de l'épaule, comme illustré par la photographie de gauche où un physiothérapeute guide le patient dans des exercices spécifiques. Initialement, les exercices à domicile étaient réalisés sans charge, progressant ensuite vers l'utilisation de charges très légères pour renforcer davantage le contrôle moteur. Parallèlement, comme le montrent les photographies de droite, l'intervention incluait également des exercices visant à engager la chaîne cinétique complète, soulignant l'importance de travailler non seulement l'épaule mais aussi les muscles et articulations associés pour un mouvement harmonieux et intégré.
Dans le cadre de l'intervention de contrôle moteur, nous nous sommes également concentrés sur le renforcement des différentes fonctions essentielles de l'épaule. Cinq fonctions clés ont été identifiées pour cette formation : pousser avec les bras, attraper, lancer, tirer, et transporter. Pour chaque fonction, une série d'exercices progressifs a été conçue afin de permettre aux participants d'améliorer graduellement leur capacité à exécuter ces mouvements. L'objectif était de les amener, au fil du temps, à réaliser ces tâches quotidiennes sans ressentir de douleur à l'épaule, leur permettant ainsi de retrouver une fonctionnalité complète dans leurs activités de vie courante.
Résultats
Dans notre étude, nous avons atteint notre objectif en recrutant 41 participants pour chacun des trois groupes, totalisant ainsi 123 participants. L'analyse démographique a révélé que ces groupes étaient comparables en termes de genre, d'âge, d'indice de masse corporelle (IMC), et de la durée des symptômes avant leur participation à l'étude. Les participants présentaient une condition chronique, avec une durée moyenne des symptômes d'environ 37 mois au moment de leur recrutement, ce qui souligne le caractère persistant de leur douleur à l'épaule. L'âge moyen des participants se situait entre 45 et 50 ans, ce qui est conforme à la tranche d'âge typiquement affectée par les douleurs associées à la coiffe des rotateurs.
L'étude a révélé des résultats intéressants concernant l'efficacité des différentes interventions sur la variable principale, le QuickDASH, qui mesure la douleur et les limitations fonctionnelles liées à l'épaule. Tous les groupes ont montré une amélioration notable, mais l'aspect surprenant fut l'efficacité de l'intervention éducative. Les participants de ce groupe, symbolisés en bleu dans nos données, n'ont reçu que deux séances d'éducation sans réaliser d'exercices spécifiques. Ils ont appris à gérer leur douleur et à modifier leurs activités pour prévenir l'aggravation de la douleur, démontrant ainsi l'impact significatif que de simples conseils peuvent avoir sur la gestion de la douleur à l'épaule.
Une interaction significative entre le groupe et le temps a été observée, avec une amélioration légèrement plus marquée pour le groupe de contrôle moteur à 12 semaines. Cependant, à 24 semaines, il n'y avait plus de différences significatives entre les groupes. À la fin de l'étude, les scores QuickDASH pour le groupe de contrôle moteur se situaient entre 10 et 15 points, se rapprochant des scores normatifs pour la population générale, indiquant une amélioration considérable pour les personnes souffrant de douleurs chroniques à l'épaule.
Concernant le WORC, plus spécifique aux atteintes de la coiffe des rotateurs, le groupe de contrôle moteur a montré une amélioration plus rapide et plus importante, en particulier à 12 et 24 semaines. Le groupe éducation, malgré le fait qu'il n'ait participé qu'à deux séances sans exercices spécifiques, a également montré une amélioration notable, similaire à celle du groupe renforcement sur 24 semaines. Bien que des différences statistiques aient été observées entre le groupe de contrôle moteur et les deux autres groupes, ces différences n'atteignaient pas le seuil de 12 points considéré comme cliniquement significatif pour le patient sur l'échelle du WORC.
Pour nos mesures plus physiques, soit les variables secondaires concernant la force musculaire en abduction et en rotation externe de l'épaule, aucune différence significative n'a été observée entre les groupes. Cela inclut même le groupe de renforcement, qui visait spécifiquement une hypertrophie musculaire. Cette absence de changement dans la force musculaire suggère que l'amélioration observée chez tous les participants pourrait être principalement attribuée à la réduction de la douleur plutôt qu'à un accroissement réel de la force musculaire. Initialement, la présence de douleur peut inhiber la capacité à générer une force maximale ; ainsi, à mesure que la douleur diminue, il semble que les participants soient mieux capables de recruter leurs groupes musculaires, ce qui se traduit par une augmentation apparente de la force.
Concernant l'espace acromio-huméral, mesuré par échographie, aucune différence n'a été constatée entre les groupes lorsque l'épaule était en position neutre (0°). Cependant, à 60° d'abduction – une position où l'épaule est élevée à un angle de 60° – une légère augmentation de cet espace a été notée dans le groupe de contrôle moteur, une augmentation qui dépassait l'erreur de mesure habituelle en échographie. Cette observation pourrait contribuer à expliquer les améliorations significatives constatées dans ce groupe, suggérant que les exercices de contrôle moteur pourraient favoriser une meilleure mécanique d'épaule, se traduisant par une augmentation de l'espace sous-acromial lors des mouvements d'abduction.
Ces résultats indiquent que, bien que les exercices de renforcement n'aient pas conduit à des augmentations mesurables de la force musculaire par rapport aux autres groupes, les exercices de contrôle moteur ont pu induire des modifications subtiles mais mesurables dans la cinématique de l'épaule, potentiellement bénéfiques pour les personnes souffrant de douleurs liées à la coiffe des rotateurs.
Discussion
Les améliorations observées dans les trois groupes de notre étude semblent principalement attribuables à l'éducation et aux conseils fournis, des éléments communs à toutes les interventions. Cette composante éducative visait à réduire la kinésiophobie et la catastrophisation tout en augmentant l'auto-efficacité des participants dans la gestion de leur douleur. L'implication active du patient dans le processus de gestion de la douleur est cruciale pour obtenir des résultats positifs à long terme. En fournissant des informations claires sur ce qui peut aider ou nuire, nous avons potentiellement facilité une amélioration clinique significative.
Bien que l'étude n'ait pas inclus de groupe contrôle strict sans intervention, l'amélioration constatée au-delà du changement cliniquement minimal pour le QuickDASH et le WORC sur 24 semaines suggère que les résultats ne peuvent pas être attribués uniquement à l'effet du temps. Ceci est d'autant plus pertinent que les participants souffraient de douleurs à l'épaule depuis plus de 37 mois en moyenne, rendant improbable une amélioration spontanée de cette ampleur sans intervention ciblée.
L'amélioration plus marquée observée chez les participants du groupe de contrôle moteur pourrait être attribuée à l'augmentation de l'espace acromio-huméral à 60 degrés d'élévation du bras. Cette observation suggère que l'élargissement de cet espace pourrait contribuer à réduire la douleur pour ceux ayant une diminution de l'espace sous-acromial lors de l'élévation du bras, bien que les preuves à ce sujet soient encore sujettes à débat. Une hypothèse plausible pour expliquer cette amélioration est la progression plus graduelle des exercices dans le groupe contrôle moteur, en comparaison avec le groupe renforcement qui intégrait des charges significatives dès le début de la réadaptation.
La méthode progressive adoptée par le groupe contrôle moteur, débutant sans charge puis augmentant graduellement l'intensité, pourrait aider à diminuer la kinésiophobie et la catastrophisation, favorisant ainsi une amélioration progressive. Travailler sur des mouvements sans douleur dès le départ peut également renforcer la confiance des participants, les encourageant à s'engager davantage dans leurs exercices et à améliorer leur niveau fonctionnel plus rapidement.
Ces théories, suggérant que la progression graduelle et la correction des mouvements pour éviter la douleur peuvent améliorer l'efficacité du traitement, méritent d'être explorées davantage dans des études futures pour confirmer leur validité et préciser les mécanismes sous-jacents à ces améliorations observées.
En conclusion, voici nos recommandations cliniques basées sur les résultats de notre étude :
L'éducation comme fondement : Nous recommandons de faire de l'éducation l'élément central de la prise en charge des patients souffrant de douleurs à l'épaule associées à la tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Cette approche devrait également être personnalisée en fonction des besoins et du profil de chaque patient. Bien que notre intervention ait inclus six vidéos standardisées pour tous, les conseils donnés lors des rencontres individuelles étaient adaptés à la situation spécifique de chaque participant.
Priorisation des exercices de contrôle moteur : Sur la base des améliorations observées, nous suggérons de privilégier les exercices de contrôle moteur sur les exercices de renforcement au début de la réadaptation. Les exercices de contrôle moteur ont montré une amélioration plus marquée, ce qui indique leur efficacité potentielle dans la gestion initiale de la douleur et l'amélioration de la fonction.
Intégration progressive des exercices de renforcement : Cela ne signifie pas qu'il faille abandonner les exercices de renforcement, mais plutôt qu'ils pourraient être plus bénéfiques s'ils sont intégrés à un stade ultérieur de la réadaptation, une fois que le contrôle moteur et la gestion de la douleur ont été adressés.