Les affections musculo-squelettiques comprennent plus de 150 diagnostics qui affectent l'appareil locomoteur - c'est-à-dire les muscles, les os, les articulations et les tissus associés tels que les tendons et les ligaments.
De nombreux traitements sont disponibles pour les troubles musculo-squelettiques, leurs objectifs étant de soulager la douleur, de retarder les complications et de prévenir la progression de la pathologie (Ernstzen et al. 2017).
Dans ce contexte, le taping élastique thérapeutique , également connu sous le nom de Kinesio taping® ou KT, est apparu comme une méthode intéressante et relativement nouvelle pour traiter les troubles musculo-squelettiques (Kamper et al. 2013). Cette méthode, développée à la fin des années 1970, consiste à appliquer un ruban adhésif élastique sur la peau du patient sous tension, plaçant ainsi le muscle cible dans une position étirée.
Selon le Dr Kenzo Kase, créateur de la méthode KT (Kase et al. 2013), le mécanisme peut être inhibiteur ou excitateur, selon la direction de l'application du ruban. Certains auteurs ont suggéré une amélioration de la proprioception par une stimulation accrue des mécanorécepteurs cutanés comme autre mécanisme d'action du KT (Halseth et al. 2004). Divers avantages thérapeutiques ont été proposés pour le KT, notamment la facilitation des habiletés motrices, l'augmentation de la force musculaire, la réduction de la fatigue musculaire, l'inhibition de la douleur, l'amélioration de la guérison, comme la réduction du lymphœdème lié au cancer du sein, et l'amélioration du drainage lymphatique et du flux sanguin, entre autres (Morris et al. 2013).
Malgré sa popularité, notamment chez les athlètes, et son utilisation croissante dans la pratique clinique, l'efficacité du KT reste incertaine en raison de l'insuffisance et de l'incohérence des preuves (Vanti et al. 2015).
Nous nous sommes penchés sur des revues systématiques, des méta-analyses et des études de hautes qualités afin d’avoir une idée plus claire de l’intérêt de ce KT chez nos patients.
En 2019, Ramírez-Vélez et son équipe ont réalisé une méta-analyse visant à étudier l'efficacité du KT par rapport au tape fictif chez les patients souffrants d'affections musculo-squelettiques lors d'interventions d'une durée d'au moins une semaine.
Dans l'ensemble, leur méta-analyse des essais contrôlés randomisés pertinents sur la lombalgie montre que le KT ne produit pas d'effets supérieurs sur les scores de douleur et d'invalidité ou sur l'amplitude de flexion du tronc, par rapport à une intervention fictive.
Paradoxalement, lorsque les deux groupes ont été analysé indépendamment, le groupe KT et le groupe intervention fictive (analyse pré-post) ont montré une amélioration significative de plusieurs paramètres chez les patients souffrants de lombalgie. Par conséquent, il semble que peu importe la manière dont on place ces bandes, il n’y aucune différence en terme d’effet sur la performance ou d’amélioration de l’état du patient lombalgique (Ramírez-Vélez et al. 2019).
En 2017, Keenan et son équipe ont examiné l'effet du KT sur la force de l'épaule, la proprioception et la cinématique scapulaire chez des sujets sains et des sujets souffrants du syndrome douloureux sous-acromial.
Les auteurs ont indiqué que la force de l'épaule, la proprioception de l'épaule et la cinématique scapulaire sont inchangées immédiatement après l'application de KT chez les sujets sains et pathologiques. Puisque le ruban adhésif est habituellement appliqué immédiatement avant l'entraînement ou la compétition, le KT ne devrait pas être utilisé si l'intention est d'améliorer immédiatement ces caractéristiques musculo-squelettiques (Keenan et al. 2017).
En 2018, Reneker et al ont réalisé une revue systématique afin de tenter d’établir l'efficacité du KT sur les capacités de performance sportive par rapport à d'autres rubans ou à l'absence de ruban.
Les auteurs ont conclu qu’il n'y a pas de preuve convaincante de l'efficacité du KT sur aucun des concepts des capacités de performance sportive qui avaient été incluses dans leur revue systématique (Reneker et al. 2018).
En 2016, Added et al ont effectué un essai contrôlé randomisé visant à comparer l'efficacité de l'ajout du KT à un programme de thérapie physique composé d'exercices et de thérapie manuelle chez des patients souffrant de lombalgie chronique non spécifique, par rapport aux patients qui ne recevaient que la thérapie physique sans KT.
Après cinq semaines de traitement, les comparaisons entre les groupes n'ont montré aucun avantage de l'utilisation du KT chez ces patients.
Par conséquent, la littérature suggère que l'utilisation du KT de manière isolée n'apporte aucun bénéfice aux patients souffrant de lombalgie chronique (Luz et al. 2015 ; Parreira et al. 2014). De même, son utilisation comme méthode supplémentaire dans un traitement basé sur l'exercice et la thérapie manuelle ne modifie pas les résultats (Added M et al. 2016).
En 2021, Nunes et son équipe ont réalisé une revue systématique et une méta-analyse afin d’étudier si la technique du KT, appliquée aux chevilles de personnes en bonne santé comme intervention préventive et chez les personnes souffrant de blessures à la cheville, est supérieure aux interventions fictives ou alternatives sur la fonction de la cheville.Au vu de leurs résultats, il semble que les preuves actuelles ne soutiennent pas l'utilisation du KT pour améliorer la fonction de la cheville dans un objectif de prévention chez les sujets sains. Également, les preuves actuelles ne soutiennent pas l'utilisation du KT au niveau de la cheville chez les personnes âgées, visant à améliorer l'équilibre et par conséquent, le risque de chute. Enfin, aucune preuve ne soutient l'utilisation du KT chez les personnes souffrant d'instabilité chronique de la cheville car les auteurs ont indiqué qu’il n'y a pas eu d'effet positif sur le contrôle postural, la fonction, la capacité musculaire et l'activité (Nunes et al. 2021).
En 2020, Gianola et son équipe ont réalisé une revue systématique pour déterminer les avantages et les inconvénients du KT chez les adultes souffrant d'une pathologie de la coiffe des rotateurs.
Sur la base de données de très faible certitude, leur revue systématique suggère que le KT pour la maladie de la coiffe des rotateurs a des effets incertains en termes de douleur auto‐déclarée, de fonction, de douleur au mouvement et d'amplitude de mouvement active par rapport à une bande fictive ou à un autre traitement conservateur.
De faibles preuves montrent que le KT pourrait améliorer la qualité de vie par rapport à un traitement conservateur (Gianola et al. 2020).
En résumé, le KT a des effets incertains, même s'il est largement utilisé, en raison de son côté pratique, facile à utiliser et de sa sécurité malgré les coûts supplémentaires.