II - Diagnostic - Bilan Avant propos : Comme nous venons de le voir, les dysfonctions temporo-mandibulaires (DTM) représentent un ensemble de troubles complexes affectant les muscles masticateurs, les articulations temporo-mandibulaires (ATM) et les structures environnantes. Leur étiologie multifactorielle et leur variabilité clinique posent des défis significatifs en termes de diagnostic et de prise en charge. Dans ce contexte, la kinésithérapie joue un rÎle crucial en offrant des approches diagnostiques précises et des interventions thérapeutiques ciblées. Nous allons voir dans cette partie les méthodes de diagnostic des DTM en kinésithérapie, dans nos cabinets libéraux.
Nous ne pouvons commencer cette partie diagnostic - bilan sans parler du DC/TMD. Câest LA classification des critĂšres diagnostic des DTM. Câest un systĂšme trĂšs largement utilisĂ© pour diagnostiquer les troubles temporo-mandibulaires et Ă©valuer leur sĂ©vĂ©ritĂ© comme le montre List & Jensen en 2017. Elle a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e pour standardiser le processus de diagnostic et faciliter la recherche clinique et Ă©pidĂ©miologique dans le domaine des DTM. Cette classification repose sur une approche multidimensionnelle, prenant en compte Ă la fois les symptĂŽmes cliniques et les rĂ©sultats des examens cliniques et radiographiques.Â
Il convient de noter que la classification DC/TMD est un outil clinique et de recherche en constante Ă©volution, avec des mises Ă jour rĂ©guliĂšres pour reflĂ©ter les avancĂ©es dans la comprĂ©hension et la prise en charge des DTM. Il faudra ĂȘtre familiarisĂ© avec les derniĂšres directives pour assurer une Ă©valuation et une prise en charge appropriĂ©es des patients.
Dans cette classification on retrouve un protocole dâexamen clinique de 91 pages que nous allons rĂ©sumer et simplifier dans cette prĂ©sentation. Lâobjectif de ce protocole est de fournir une procĂ©dure efficace et complĂšte pour rĂ©soudre les problĂšmes de fiabilitĂ© et de validitĂ©. Cependant, il est important de prĂ©ciser que câest un outil Ă©laborĂ© par (et pour) des Ă©quipes composĂ©es d'experts scientifiques, de chercheurs et de mĂ©decins, son utilisation peut demander quelques adaptations pour une pratique en cabinet de kinĂ©sithĂ©rapie. Je me permets donc dans cette prĂ©sentation de vous faire part de mon expĂ©rience et de mes prises de libertĂ© concernant certaines pratiques.
Voici le lien oĂč le trouver : DC-TMD | International RDC-TMD Consortium
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I) Lâentretien clinique L'entretien clinique est une Ă©tape cruciale pour obtenir une comprĂ©hension complĂšte et holistique du patient, ce qui est essentiel pour un diagnostic prĂ©cis, une planification efficace du traitement et l'Ă©tablissement d'une relation thĂ©rapeutique de confiance.Â
Dans un premier temps laissons le patient nous expliquer ses motifs de consultations. Il nâest pas rare dâĂȘtre surpris par la prĂ©cision des informations et des ressentis dĂ©crits par le patient concernant la mĂ©canique de sa douleur. Cette premiĂšre Ă©tape nous permet de connaĂźtre les signes cliniques prĂ©dominants : douleurs, bruits articulaires, limitations dâamplitude, localisation des signes cliniques. Profitez de ce temps dâexpression pour apprĂ©cier les gestes du patients, sa posture, son Ă©locution, ses parafonctions.
Dans un second temps, nous guiderons le patient avec des questions prĂ©cises afin dâobtenir une Ă©valuation complĂšte des DTM, permettant un traitement efficace et personnalisĂ©.
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1) Douleur Le bilan de la douleur eÌvalue les parameÌtres suivants : durĂ©e, localisation, intensitĂ©.
- Depuis combien de temps la douleur Ă©tait-elle prĂ©sente? Le DC/TMD s'intĂ©resse particuliĂšrement Ă la douleur âau cours des 30 derniers joursâ qui est jugĂ©e plus pertinente sur le plan clinique. Compte tenu de lâerrance thĂ©rapeutique encore prĂ©sente dans la prise en charge des DTM, nous devrons ĂȘtre attentifs en cabinet Ă des douleurs trĂšs souvent prĂ©sentes depuis bien plus longtemps. Nous essaierons de centrer le patient sur son ressenti des 30 derniers jours, en tenant compte de lâĂ©volution depuis lâapparition de la douleur.
- Quelle est sa localisation : preÌtragienne (proche tragus), pseudo-otalgique, reÌgions dentaires, sinusienne, reÌtro-orbitaire, temporale, peÌri-auriculaire, frontale, occipitale, heÌmifaciale, angulo-mandibulaire, unilateÌrale ou bilateÌrale,
- Est-ce une douleur musculaire? plutĂŽt articulaire?
- Quel est le type de douleur : lancinante, sourde, aiguÌe, paroxystique, neÌvralgique,
- Quelle est sa freÌquence : occasionnelle (stress) ou constante,
- Quel est le rythme, lâĂ©volution de la douleur : diurne, matinale, en fin de journeÌe, ou nocturne,
- Y-a-t-il des facteurs dĂ©clenchants : baÌillement, mastication, parole, ouverture buccale normale, forceÌe ou prolongeÌe, spontanĂ©ment
- Les circonstances dâapparition : stress ou traumatisme,
- LâintensiteÌ : coteÌe de 0 aÌ 10 aÌ lâaide dâune eÌchelle visuelle analogique, ce qui nous permettra dâavoir un point de dĂ©part prĂ©cis.
Plus nous avons de dĂ©tails sur cette douleur, plus nous aurons dâĂ©lĂ©ments de comparaison pour les consultations ultĂ©rieures. Les DTM sont des pathologies plurifactorielles, il nâest pas toujours facile pour le patient de comparer ses gĂšnes dâune sĂ©ance Ă lâautre, suivant sa situation psycho-sociale. Nous devons pouvoir nous appuyer sur des rĂ©ponses prĂ©cises et dĂ©taillĂ©es pour observer une amĂ©lioration anatomique malgrĂ© des difficultĂ©s Ă©motionnelles par exemple.
Si vous souhaitez plus de prĂ©cisions concernant les douleurs oro-faciales vous trouverez lâInternational Classification of Orofacial Pain, 1st edition (ICOP) publiĂ©e en janvier 2020, qui se dĂ©crit comme un âmanuel complet de recherche et de diagnosticâ et qui se veut âparticuliĂšrement utile lorsque le diagnostic est incertainâ.
2) Troubles meÌcaniques Le bilan des troubles meÌcaniques recherche plusieurs eÌleÌments :
- Les bruits articulaires ou gnathosonies = claquements, crépitements, crissements.
Depuis quand sont-ils prĂ©sents? Sont-ils unilateÌraux ou bilateÌraux (rares). Quelles sont les circonstances dâapparition : sont-ils preÌcoces ou tardifs lors de lâouverture buccale, dâun baÌillement ou de la fermeture buccale, Ă la mastication? Sont-ils accompagnĂ©s de sensation de blocage Ă lâouverture ou Ă la fermeture de bouche?Â
Les claquements sont caracteÌristiques dâune luxation discale reÌductible. Ils surviennent aÌ lâouverture, lorsque le condyle recapture le disque articulaire, placeÌ dans une position trop anteÌrieure ; puis aÌ la fermeture quand le condyle repasse en arrieÌre du disque. Le claquement correspond au passage du bourrelet posteÌrieur du disque articulaire. Les creÌpitations, type sable mouilleÌ, sont eux caracteÌristiques de modifications morphologiques des surfaces articulaires, comme le dĂ©crit Duminil G dans un article en 2013.
- La cinĂ©tique mandibulaire = lâouverture buccale. Elle peut eÌtre deÌvieÌe, en baiÌonnette, sinusoiÌdal ou arciforme. Est-elle fluide ou avec ressaut ? Un ressaut aÌ lâouverture ou aÌ la fermeture buccale, unilateÌral ou bilateÌral.
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- Les amplitudes articulaires = ouverture buccale, diduction droite & gauche, propulsion. Est-ce que lâouverture de bouche se fait dans lâaxe, avec une dĂ©viation puis un recentrage, une dĂ©viation simple? Les diductions sont-elles Ă©quivalentes? La propulsion est-elle suffisante ? LâĂ©valuation prĂ©cise (avec mesures) de la mĂ©canique de la mĂąchoire se fera lors de lâexamen de la mobilitĂ© dans la partie II. Lors de lâentretien, on observe les mouvements de la mĂąchoire pour noter les premiers Ă©lĂ©ments que le patient dĂ©crit comme importants, en lien avec sa plainte initiale.
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3) Signes musculaires Le bilan musculaire se fait dans un second temps lors de la palpation. Cependant lors de lâentretien clinique nous pouvons dĂ©jĂ demander au patient sâil ressent des tensions, au niveau des muscles masticateurs (massĂ©ters, temporaux principalement) mais aussi au niveau des muscles du rachis cervical.Â
Le patient peut prĂ©ciser quâil serre les dents volontairement, que câest une habitude. Il peut Ă©galement serrer simplement quand il est concentrĂ©, quand il fait une activitĂ© physique ou encore lorsquâil stresse uniquement⊠ou de façon totalement involontaire et presque inconsciente.
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4) Parafonctions et habitudes nocives Le bilan et notamment lâinterrogatoire peuvent mettre en eÌvidence des parafonctions et des habitudes nocives qui peuvent impacter la prise en charge. Certaines de ces habitudes ne sont pas faciles Ă observer ou mĂȘme difficiles Ă avouer pour le patient. Nos questions peuvent surprendre et paraĂźtre hors de propos mais il faut expliquer au patient que lâon utilise beaucoup sa bouche quotidiennement, parfois sans sâen rendre compte mais que toute action, trop rĂ©pĂ©tĂ©e ou non, peut avoir un impact nĂ©gatif sur les ATM et tend Ă entretenir les dysfonctions.
Les tics buccaux sont souvent prĂ©sents et importants Ă dĂ©cĂ©ler dĂšs le dĂ©part : mordillements labiaux, digitaux ou encore dâobjets, onychophagie (se ronger les ongles ou les peaux), chewing-gum, maÌchonnementm de la langue ou de la muqueuse juguale.
La succion du pouce ou de la langue sera Ă noter, elle peut ĂȘtre encore prĂ©sente chez les patients adultes, plus ou moins facile Ă avouer.Â
Le bruxisme : il peut ĂȘtre centreÌ, excentreÌ, diurne ou nocturne.
La mastication : si elle nâest pas bilateÌrale alterneÌe (unilatĂ©rale, inefficace ou absente) cela peut crĂ©er des asymĂ©tries musculaires.
Les habitudes positionnelles : ordinateur, jeux-videÌos, instruments aÌ vent ou violon.
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5) Autres manifestations Dâautres manifestations peuvent eÌtre rencontreÌes lors du bilan comme des signes otologiques (acoupheÌnes, bourdonnements, sensation dâoreille boucheÌe) ou des troubles de la convergence oculaire, des ceÌphaleÌes de tension, des vertiges, des cervicalgies, un stress ou encore un Ă©tat Ă©motionnel instable⊠Autant de dĂ©tails qui peuvent ĂȘtre en lien avec les DTM ou influencer le traitement. Notons les pour en suivre lâĂ©volution parallĂšlement Ă notre prise en charge.Â
Nous chercherons Ă©galement Ă recueillir dâautres informations plus gĂ©nĂ©rales mais pouvant aussi impacter lâATM ou les sphĂšres psycho sociales :
- le patient a-t-il dĂ©jĂ eu des traitements anteÌrieurs pour ce probleÌme?
- le patient a-t-il eu un traitement orthodontique, pendant sa croissance ou Ă lâĂąge adulte? A-t-il Ă©tait long, douloureux? Les rĂ©sultats ont-ils bougĂ©?
- y a-t-il des antĂ©cĂ©dents traumatiques (accidents, intervention chirurgicale, intubation, chute aÌ cheval/vĂ©loâŠ)?
-Â le patient a-t-il une pratique sportive? Certains sports auront un impact plus important sur les ATM que dâautres (boxe, natation (respiration buccale quasi exclusive))
- des manipulations cervicales ont-elles été faites?
- quelle est la profession du patient? Un professeur qui parle toute la journĂ©e nâaura pas la mĂȘme utilisation de ses ATM quâun patient programmeur informaticien en tĂ©lĂ©travail, de mĂȘme quâun patient musicien (Ă vent ou Ă corde, violoniste notamment). Ă©tude dâisabelle breton?
De nombreuses Ă©tudes (citation) ont dĂ©montrĂ© le lien entre un sommeil de mauvaise qualitĂ© et lâinstallation de douleurs chroniques et de DTM. S'intĂ©resser au sommeil de son patient peut se faire simplement en lui demandant son ressenti sur la qualitĂ© de son sommeil, son Ă©tat de fatigue au rĂ©veil et pendant la journĂ©e, ou grĂące Ă des questionnaires de rĂ©fĂ©rence, communs aux mĂ©decins spĂ©cialisĂ©s dans le sommeil.
- Pour la qualitĂ© du sommeil : lâindex de Pittsburgh (PSQI, Pittsburgh Sleep Quality Index) : permet dâĂ©valuer la qualitĂ© du sommeil de maniĂšre gĂ©nĂ©rale.âš
- l'index de sévérité de l'insomnie (ISI,InsomniaSeverityIndex).
- lâĂ©chelle de somnolence dâEpworth (ESS, Epworth Sleepiness Scale).
- le questionnaire de Berlin pour les dĂ©pister les risques de SAHOS (syndrĂŽme dâapnĂ©e hypopnĂ©e du sommeil). Ce questionnaire ne permet pas de faire le diagnostic, mais permet de classifier un risque et d'Ă©valuer la nĂ©cessitĂ© de rĂ©aliser une polysomnographie.
Vous pouvez retrouver ces diffĂ©rents tests sur le site ârĂ©seau morphĂ©eâ , ainsi quâun questionnaire assez complet qui regroupe de nombreux items des diffĂ©rents index, Ă©chelle et questionnaires citĂ©s ci-dessus.
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GrĂące Ă toutes ces questions vous avez maintenant un meilleur aperçu de lâĂ©tat gĂ©nĂ©ral de votre patient. Le stress auquel le patient est exposĂ© (dans la vie professionnelle mais aussi personnelle) et sa gestion (sport, mĂ©ditation, prise en charge psyâŠ) sont des points importants. Comme nous lâavions dĂ©jĂ Ă©voquĂ©, de nombreuses Ă©tudes ont prouvĂ© le lien important entre les DTM et les facteurs psycho sociaux. De façon simple un patient dĂ©pressif, stressĂ© ou peu compris, aura une rĂ©Ă©ducation plus longue et un rĂ©tablissement plus tardif.Â
Pour aller plus loin dans lâanalyse de ces facteurs psycho sociaux vous pouvez vous reporter Ă la partie V de ce module.
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6) Praxies oro-faciales et respiration Le bilan des praxies oro-faciales explore la langue, les leÌvres, et la ventilation. Il est Ă mi-chemin entre lâentretien clinique et lâexamen clinique.
Lâobjectif est de mettre en Ă©vidence de possibles dyspraxies qui auraient un impact nĂ©gatif sur les DTM.
Isabelle Breton explique le lien entre la posture, les dyspraxies et les DTM dans deux articles sortis en 2016. De façon simplifiĂ©e, si le patient a une respiration buccale, sa langue sera en position basse, donc moins tonique, ses lĂšvres seront entrouvertes (moins toniques Ă©galement) et sa mĂąchoire nâaura pas dâautre force de maintien que celle des muscles masticateurs. Le manque de tonicitĂ© labiale et linguale va augmenter le travail des muscles du rachis cervical et impacter sa posture la journĂ©e mais aussi la nuit. Cela crĂ©e plus de tensions au niveau des ATM avec un risque de compression dans lâarticulation. âUne posture prolongĂ©e en bascule de la mandibule et en extension cervicale entraĂźne des raccourcissements uni ou bilatĂ©raux des muscles digastriques et des muscles extenseurs cervicaux ce qui provoque une augmentation uni ou bilatĂ©rale de la pression au niveau des ATMâ.
Nous observerons la respiration du patient puis nous évaluerons la langue, sa position de repos, sa force, sa mobilité, sa coordination, son contrÎle et ses fonctions (déglutition, phonation, mastication). La langue est le pilier central de la bouche, si elle ne remplit pas ses fonctions les muscles masticateurs et du rachis cervical devront compenser.
â DĂ©glutition : on demande au patient dâavaler sa salive, rien ne doit bouger.
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â Mastication : la mastication est-elle efficace et unilatĂ©rale alternĂ©e. Le patient peut ĂȘtre particuliĂšrement lent (toujours le dernier Ă table = langue inefficace) ou au contraire trĂšs rapide (tendance Ă gober = langue qui ne travaille pas)
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â Phonation : faire rĂ©pĂ©ter certains sons (sons palatins âLA-NA-DA-TAâ, la langue doit toucher le palais) sans que la langue ne sâinterpose entre les arcades dentaires.
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II) Lâexamen clinique â1) Examen musculaire Le bilan musculaire se fait par la palpation des muscles aÌ la recherche de tensions et de contractures. Nous Ă©tudions des muscles exo buccaux et endo buccaux (masseÌters, temporaux, ptĂ©rygoĂŻdiens mĂ©diaux et latĂ©raux, sterno-cleÌido-mastoiÌdiens, trapeÌzes supeÌrieurs et des muscles cervicaux profonds). Lâobjectif est de localiser la douleur et de noter son intensitĂ©. Schimann & cie, dans leur rĂ©sumĂ© du DC/TMD paru en 2016, prĂ©cisent que la palpation doit comprendre au minimum les massĂ©ters et les temporaux. Les autres muscles masticateurs peuvent ĂȘtre plus difficiles Ă palper et les rĂ©sultats de leur palpation restent peu fiables selon certaines Ă©tudes telles que Conti & cie en 2008.
La palpation se fait muscle au repos puis muscle contracteÌ (on demande au patient de contracter : âserrez les dentsâ). Enfin la palpation se fait en Ă©tirant passivement le muscle. Nous comparons toujours les deux cĂŽtĂ©s du visage. La pression est ferme et de 1 aÌ 2 secondes. La palpation preÌcise la localisation de la douleur, l'eÌtat de sensibiliteÌ ou de douleur, de contracture ou dâhypertrophie du muscle. Nous pouvons retrouver diffĂ©rents Ă©tats musculaires pouvant crĂ©er des dĂ©sĂ©quilibres : les cordons myalgiques souvent signes hypercontractilitĂ© (spasme), une hypocontractilitĂ© (faible contraction par rapport au cĂŽtĂ© opposĂ©), un retard de contraction ou encore des fibrillations. On demande au patient de quantifier sa douleur sur lâeÌchelle EVA. Nous utilisons cette Ă©chelle analogique afin de comparer la sensibilitĂ© dâune sĂ©ance Ă lâautre ou au bout de quelques sĂ©ances avant de revoir le prescripteur par exemple.
Attention, en cas de douleur il faudra bien demander au patient sâil y a similariteÌ entre la douleur de la palpation et le symptoÌme douloureux liĂ© au motif de consultation.
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2) Examen articulaire Nous recherchons ici les bruits articulaires, les gnathosonies.
Le claquement pourra ĂȘtre un signe de dĂ©sunion discale rĂ©ductible (DDR) ou de subluxation.Â
Les crépitements marquent une atteinte articulaire. Ils peuvent signifier une désunion discale irréductible (DDI) ancienne ou une maladie dégénérative.
Les crissements ou bruits de sable sont des signes d'arthrose.
Pour objectiver au mieux lâexamen nĂ©cessite une palpation en regard de lâarticulation, le patient est alors allongĂ©, la palpation est bilatĂ©rale et symĂ©trique. Le patient fait des sĂ©ries dâOB/OF et des mouvements de latĂ©ralitĂ©. Lâutilisation dâun stĂ©thoscope est possible mais non obligatoire. Nous cherchons Ă Ă©valuer le caractĂšre synchrone et symĂ©trique ou les diffĂ©rences quâil peut y avoir entre les deux ATM. Un ressaut est-il observĂ©? Si oui Ă quel degrĂ© dâOB/FB se manifeste-t-il? Y a-t-il un claquement ou un crĂ©pitement ?
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3) Examen de la mobiliteÌ Lâouverture buccale :
Nous mesurons lâouverture buccale grĂące Ă un pied Ă coulisse, son amplitude normale est de 40 mm, +/- 12mm. Elle est normalement rectiligne.
Dans les DTM les dyskinĂ©sies sont trĂšs frĂ©quentes. Elles sâĂ©tudient en prenant pour repĂšre les points inter-incisif supĂ©rieur et infĂ©rieur (soit le repĂšre entre les deux incisives maxillaires et mandibulaires), lorsquâils sont bien alignĂ©s en position dâocclusion.
Il existe diffĂ©rents cas possibles en ce qui concerne lâouverture buccale :
â Trajectoire du point inter-incisif infeÌrieur rectiligne : trajectoire verticale droite que lâon peut tracer lors de lâOB entre les deux points inter-incisif.
Sâil est rectiligne sagittal il sâagit dâOB normale.
Sâil est rectiligne mais avec ressaut bilateÌral synchrone et une amplitude normale il sâagit dâune DDR bilateÌrale et synchrone.
Si le mouvement est bloqueÌ avec une ouverture reÌduite rectiligne (les deux condyles sont bloqueÌs) il sâagit dâune DDI bilateÌrale ou dâune contracture musculaire bilateÌrale.
â Trajectoire du point inter-incisif infeÌrieur deÌvieÌe (lateÌrodeÌviation) :
Si la trajectoire est deÌvieÌe sans ressaut, avec limitation de lâOB (LOB) : DDI unilateÌrale ou dysfonction/douleur musculaire unilateÌrale (contracture seÌveÌre unilateÌrale). Nous demanderons au patient sâil y a des antĂ©cĂ©dents de claquement.
Si la trajectoire est deÌvieÌe avec ressauts bilateÌraux (d'un coÌteÌ puis de l'autre) il sâagit dâune DDR asynchrones.
Si la trajectoire est deÌvieÌe avec ressaut unilateÌral (mouvement dâouverture en baiÌonnette) il sâagit dâune DDR unilateÌrale.
Nous détaillerons les désunions dans la partie III.
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La propulsion :
Nous demandons au patient dâavancer la mĂąchoire du bas. Elle se mesure Ă©galement au pied aÌ coulisse, entre la face vestibulaire (face de la dent situĂ©e Ă la partie externe de lâarcade dentaire, en contact avec les joues et les lĂšvres) de lâincisive maxillaire et le bord libre de l'incisive mandibulaire. Elle est gĂ©nĂ©ralement entre 8 et 10 mm. Elle peut ĂȘtre axĂ©e ou dĂ©viĂ©e, douloureuse ou non, fluide ou saccadĂ©e.
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Les diductions :
Nous demandons au patient de partir en position dâocclusion puis de dĂ©caler sa mandibule Ă droite puis Ă gauche. Lâamplitude est mesureÌe entre les 2 points inter-incisifs quand ils coiÌncident, sinon tracer la ligne verticale meÌdiane entre le maxillaire et la mandibule. En moyenne les diductions sont de 4 Ă 5 mm. Elles peuvent ĂȘtre symĂ©triques ou inĂ©gales. Un cĂŽtĂ© peut ĂȘtre plus simple, plus confortable, plus mobile.
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Dans lâexamen clinique des DTM nous nous retrouvons parfois avec des cas oĂč il peut ĂȘtre difficile de faire la diffĂ©rence entre trouble musculaire et articulaire, surtout sâil nây a pas de bruit articulaire. Des tests cliniques peuvent alors nous aider.
4. Tests cliniques Il existe plusieurs tests cliniques pour diffeÌrencier les composantes musculaires et articulaires.Test de Krogh-Poulsen :Â
Le test de morsure se reÌalise aÌ lâaide dâun baÌton en bois ou de trois abaisses langues. On fait mordre le patient sur cet eÌleÌment dâun coÌteÌ, en secteur molaire. La morsure provoque une augmentation de la pression au niveau de lâarticulation controlateÌrale et une diminution de cette pression dans lâhomolateÌrale.
Le soulagement de la douleur dans lâarticulation du coÌteÌ testeÌ est un signe pathognomonique dâune pathologie articulaire.
Au contraire, lâaugmentation de la douleur du cĂŽtĂ© de la morsure signe une pathologie dâorigine musculaire.
Si la morsure dĂ©clenche des douleurs du cĂŽtĂ© opposĂ© Ă la morsure câest le signe dâune inflammation intracapsulaire.
Câest le test le plus utilisĂ©, il est dĂ©crit par Cazals G et Fleiter B. en 2017.
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Test de comparaison des mouvements actifs et passifs :
Nous pouvons tester lâOB et la FB en passif et en actif.
Un mouvement passif indolore et actif douloureux orientera vers une atteinte musculaire.
Un mouvement passif et actif douloureux signera une atteinte articulaire.â
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Test de reÌsistance eÌlastique en ouverture forceÌe :
â Ce test est peu pratiquĂ© de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, encore plus lorsque le patient est trĂšs douloureux.
En ouverture maximale, le praticien exerce un appui digital sur les incisives mandibulaires.
-Â si lâaugmentation de lâouverture maximale de 1 aÌ 2 mm est possible sans douleur lâATM semble saine.
-Â sâil apparaĂźt une reÌsistance dure, la limitation est dâorigine articulaire.
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5. Examens compleÌmentaires La Radiographie : â
Un panoramique permet de visualiser des anomalies morphologiques ou structurelles (telles quâun petit condyle ou une asymĂ©trie des branches mandibulaires). Il peut Ă©galement nous permettre de voir des asymĂ©tries cranio-faciales (hypo ou hyperplasie du condyle, du col ou de la branche mandibulaire), des fractures ou des formes inhabituelles. On ne peut pas observer le disque articulaire avec cet examen.
Lâaxiographie : â
Lâaxiographe est un instrument de mesure permettant lâenregistrement graphique des mouvements du condyle mandibulaire. Il permet de suivre lâexcursion mandibulaire dans les diffĂ©rents plans de lâespace. La cinĂ©matique condylo-discale est alors visualisĂ©e dans les mouvements dâouverture, fermeture et de propulsion essentiellement. Lâaxiographie est utile pour la caractĂ©risation des troubles de la mĂ©canique articulaire mais il ne permet pas de poser un diagnostic Ă lui tout seul. Il est aujourdâhui bien moins utilisĂ© que lâimagerie.
La Tomographie :
Elle permet de visualiser lâespace articulaire (bouche fermeÌe et bouche ouverte), les anomalies morphologiques et structurelles des tissus durs (fractures, hypo ou hyperplasies) et la cineÌmatique : bouche ouverte et bouche fermeÌe. Les images anatomiques de cet examen manquent de prĂ©cision comparĂ©es Ă celles obtenues par un scanner ou une IRM
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La TomodensitomeÌtrie ou scanner :
Le scanner permet de visualiser les alteÌrations morphologiques et structurelles, les anomalies squelettiques ainsi que la cineÌmatique mandibulaire. Cet examen permet dâanalyser lâespace articulaire mais reste moins performant que lâIRM pour lâanalyse des tissus mous.
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Cone Beam :
Il permet de visualiser une possible eÌvaluation morphologique, la cineÌmatique mandibulaire et lâeÌtat de surface des condyles, lâusure ou la fracture.
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IRM : Imagerie par reÌsonance magneÌtique nucleÌaire :
LâIRM est le seul examen qui permet de visualiser les tissus mous et le disque. On peut Ă©galement observer la cineÌmatique mandibulaire et les alteÌrations morphologiques et structurelles. Une Ă©tude menĂ©e par Ahmad et al. en 2018 a dĂ©montrĂ© l'efficacitĂ© de l'IRM dans l'Ă©valuation des structures anatomiques de l'ATM, permettant une visualisation prĂ©cise des disques articulaires et des tissus environnants. Câest vraiment lâexamen radiologique de choix lors de dysfonctionnements de lâappareil manducateur dâorigine articulaire. Il faudra rĂ©aliser diffĂ©rentes coupes Ă diffĂ©rents degrĂ©s dâOB (bouche fermeÌe, bouche semi ouverte et bouche compleÌtement ouverte) pour observer la course du disque articulaire.
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Tous les patients qui arrivent au cabinet nâont pas forcĂ©ment fait dâexamen complĂ©mentaire. Cela dĂ©pend beaucoup du prescripteur et ce nâest pas un problĂšme pour rĂ©aliser notre bilan et commencer notre rĂ©Ă©ducation. Si malgrĂ© un traitement conservateur bien menĂ© le patient ne ressent pas dâamĂ©lioration, un examen complĂ©mentaire pourra ĂȘtre utile. De plus, on se souvient quâil y a de nombreux diagnostics diffĂ©rentiels dans le cadre des DTM. Si vous avez un doute et que les rĂ©sultats des soins ne sont pas satisfaisants, lâimagerie permettra dâĂ©liminer dâautres causes de douleurs qui pourraient ne pas rĂ©pondre au traitement kinĂ©.
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III) Les diffĂ©rents DTM Nous avons vu dans la premiĂšre partie quâun groupe dâexperts avait, grĂące au RDC/TMD, classĂ© en 4 groupes les DTM simples et complexes. Nous allons dĂ©tailler ici les DTM du groupe I, les dĂ©sordres articulaires et plus spĂ©cifiquement, les dĂ©sunions condylo-discales, catĂ©gorie que lâon rencontre souvent en cabinet.
Petites prĂ©cisions : Lorsque les pressions intra-articulaires augmentent de façon excessive, le nerf auriculo-temporal est exciteÌ, provoquant une contracture reÌflexe du muscle ptĂ©rygoidien latĂ©ral. Ce spasme irradie dans lâensemble des muscles masticateurs, provoquant un cercle vicieux de compression articulaire. Lors dâune dĂ©sunion discale, reÌductible ou non, on observe un eÌtirement voire une rupture du frein meÌniscal posteÌrieur et du ligament meÌniscal posteÌrieur. Ces deux structures eÌtant innerveÌes, leur deÌteÌrioration est aÌ lâorigine de douleurs qui sâauto-entretiennent par voie reÌflexe.Â
Le diagramme de FARRAR est un schĂ©ma qui reprend lâamplitude et la linĂ©aritĂ© de la propulsion et des latĂ©ralitĂ©s, montrant les diffĂ©rentes trajectoires possibles.
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1) DĂ©sunion Discale RĂ©ductible DDR Bouche fermeÌe, le disque se trouve en anteÌposition par rapport aÌ la teÌte condylienne, il est recaptĂ© au sommet du condyle lors de lâouverture buccale. Des claquements, sauts ou craquements peuvent eÌtre perçus lors de la reÌduction. Un historique deÌcrivant des blocages en position bouche fermeÌe avec des probleÌmes de mastication exclut ce diagnostic.
Il faut la preÌsence dâun ou plusieurs bruits articulaires lors des mouvements de la mĂąchoire dans les 30 derniers jours ou lors de lâexamen. Lors de lâexamen il faut un bruit au moins une fois sur trois lors des mouvements dâouverture-fermeture buccale +/- lors dâun mouvement de diduction ou de propulsion.
A noter que sans imagerie, la sensibiliteÌ est de 0,34 et la speÌcificiteÌ de 0,92.
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2) DDR avec blocage intermittent Bouche fermĂ©e, le disque est en antĂ©ro position par rapport Ă la tĂȘte condylienne, il effectue une rĂ©duction de façon intermittente lors de lâOB. Lorsque le disque ne fait pas cette rĂ©duction (ne se replace pas au dessus de la tĂȘte), une limitation dâamplitude survient. Des dĂ©placements mĂ©diaux et latĂ©raux peuvent Ă©galement ĂȘtre prĂ©sents. Des bruits articulaires peuvent ĂȘtre dĂ©crits lors de la rĂ©duction.
CritĂšres Ă©noncĂ©s lors de lâentretien : il faut quâil y ait des bruits articulaires lors des mouvements de la machoire dans les 30 derniers jours ou le jour de lâexamen. Ou un Ă©pisode de blocage avec limitation de lâOB puis libĂ©ration de lâarticulation. Comme pour la DDR il faut Ă lâexamen un bruit articulaire prĂ©sent au moins une fois sur trois lors des mouvements de lâATM.
La sensibilitĂ© est de 0,38 et la spĂ©cificitĂ© de 0,98 sans imagerie.Â
Les rĂ©sultats Ă lâimagerie dĂ©pendent de lâĂ©tat de lâarticulation Ă ce moment-lĂ . Si le blocage est prĂ©sent lâimagerie conclura la prĂ©sence dâune dĂ©sunion discale sans rĂ©duction et lâexamen clinique sera nĂ©cessaire pour marquer le cĂŽtĂ© intermittent du blocage. A contrario si pas de blocage pendant lâimagerie elle montrera une dĂ©sunion rĂ©ductible.
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3) DĂ©sunion Discale IrrĂ©ductible (DDI) avec limitation OB Bouche fermĂ©e le disque est en antĂ© position par rapport Ă la tĂȘte condylienne et il nây a de rĂ©duction lors de lâOB. Le dĂ©sordre est associĂ© Ă une limitation dâamplitude persistante, il nây a pas de rĂ©duction possible hors chirurgie.
Le patient dĂ©crit deux situations : sa machoire sâest bloquĂ©e crĂ©ant une OB limitĂ©e et/ou une limitation dâOB impactant mĂȘme sa capacitĂ© Ă sâalimenter. LâOB maximale passive est infĂ©rieure Ă 40 mm.
La sensibiliteÌ est de 0,80 et la speÌcificiteÌ de 0,97.
Lors dâune DDI lâIRM montrera en OIM, le bourrelet posteÌrieur du disque situeÌ anteÌrieurement aÌ la position 11:30, et/ou la zone intermeÌdiaire du disque est situeÌe anteÌrieurement aÌ la teÌte condylienne.
Attention, la preÌsence de bruits articulaires (par exemple un claquement lors de lâouverture) nâexclut pas ce diagnostic.
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4) DDI sans limitation OB Bouche fermĂ©e le disque est en antĂ©ro position par rapport Ă la tĂȘte condylienne, il nây a pas de rĂ©duction lors de lâOB et il nây a pas de limitation dâamplitude sur lâOB.
Le patient dĂ©crit des antĂ©cĂ©dents de DDI avec limitation dâamplitude ayant impactĂ© ou non lâalimentation. LâOB est normale, autour de 40 mm.
Sans imagerie, la sensibiliteÌ est de 0,54 et la speÌcificiteÌ de 0,79.
Lorsquâil y a besoin de confirmer le diagnostic, les criteÌres aÌ lâimagerie IRM sont les meÌmes que lors dâune deÌsunion sans reÌduction avec limitation dâouverture buccale.
La preÌsence de bruits articulaires Ă lâOB nâexclut pas ce diagnostic.
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Petite parenthĂšse pour aller encore plus loin :Â
Cette dernieÌre classification est treÌs utiliseÌe mais il semble que la distinction ne soit pas faite entre les DD de grade I (deÌsunions disco-condyliennes partielles avec reÌunion) et de grade II (deÌsunions disco-condyliennes totales avec reÌunion) : elle distingue uniquement les deÌsunions discales avec reÌunion et les deÌsunions discales avec reÌunion et blocages occasionnels. LâeÌtude de Litko M. de 2017 prĂ©cise que les deÌsunions disco-condyliennes peuvent eÌtre partielles ou totales, multidirectionnelles, avec ou sans ââreÌductionââ en position bouche ouverte ; bien quâil y ait un certain flou concernant la deÌfinition de « partiel » et « total » : il est rappeleÌ que la DC-TMD ne comporte pas la cateÌgorie diagnostique « deÌsunion partielle », alors que certains auteurs effectuent bien une diffeÌrence entre les grades I et II selon les donneÌes apporteÌes par lâimagerie et les analyses anatomiques.
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Grade I â DDR partielle
Structurellement et IRM : La teÌte du condyle est uniquement en rapport avec le bourrelet posteÌrieur du disque en occlusion dâintercuspidie maximale (OIM). Cliniquement : PreÌsence dâun claquement preÌcoce, au premier quart de lâouverture, au moment de la reÌunion entre la teÌte condylienne et le bourrelet, de faible intensiteÌ, sans claquement de retour et non observeÌ en diduction.
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Grade II â DDR totale
Structurellement et IRM : En OIM, le condyle est en arrieÌre du disque. Cliniquement : PreÌsence dâun double claquement constant, aÌ lâouverture et aÌ la fermeture, ainsi quâaÌ la diduction.
IV) Diagnostics diffĂ©rentiels Il existe de nombreux diagnostics diffĂ©rentiels. Le premier motif de consultation Ă©tant le plus souvent la douleur il nous faut garder en tĂȘte certaines pathologies.
Lâodontalgie (douleur dentaire) est la 2Ăšme cause de douleur oro-faciale. GĂ©nĂ©ralement, le patient qui souffre dâune dent consultera un dentiste en premiĂšre intention. Mais il peut arriver quâun patient souffrant des cervicales nous parle dâune gĂȘne dentaire, ce qui peut nous faire penser Ă une douleur rĂ©fĂ©rĂ©es dâun muscle masticateur. En fonction des circonstances dâapparition et des explications donnĂ©es par le patient, la cause dentaire sera Ă Ă©liminer.
Lâotalgie (douleur Ă lâoreille) peut amener un patient Ă prendre rdv. Si aucun mĂ©decin ni ORL nâa examinĂ© son oreille et que lâexamen clinique ne met rien en Ă©vidence, il se peut que la rĂ©ponse soit simplement une douleur en lien avec lâoreille uniquement.
Des patients atteints de certaines pathologie/syndromes (tels que la polyarthrite rhumatoĂŻde ou le syndrĂŽme dâEhlers danlos) peuvent dĂ©crire des douleurs aux ATM sans que lâon parle de DTM. De mĂȘme pour la maladie de Horton, les nĂ©vralgies (du V, du IX ou dâarnold).
En cabinet nous recevons un certain nombre de patients migraineux ou souffrant de cĂ©phalĂ©es (post taumatique ou cĂ©rĂ©bro-vasculaire) qui peuvent se plaindre de douleurs aux ATM sans que cela rentre dans la catĂ©gorie des DTM forcĂ©ment. Un patient migraineux peut avoir une vraie DTM en plus de ces douleurs faciales mais il faudra la prĂ©sence de dyskinĂ©sies +/- avec bruits articulaires. Dans ces cas-lĂ il faudra traiter la dysfonction en prenant en compte les facteurs dĂ©clenchants et aggravants de la migraine pour ne pas ĂȘtre dĂ©lĂ©tĂšre.
Dans certains cas plus rares les patients souffrant de douleurs oro-faciales peuvent avoir des troubles morphologiques non encore objectivĂ©s (hypo ou hyperplasie condylienne notamment). Des examens complĂ©mentaires tels quâun panoramique pourront aider.
Notons aussi le syndrome de Eagle, rare et trĂšs algique, il correspond Ă la calcification du ligament stylo-hyoĂŻdien. Et le psoriasis qui a parfois lâATM comme primo localisation.
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V) Lâaxe II du DC/TMD Pour aller plus loin dans lâĂ©valuation de notre patient il nous faut parler de lâAXE IIÂ
L'Ă©valuation de l'Axe II analyse les facteurs psychosociaux, tels que l'anxiĂ©tĂ©, la dĂ©pression et la douleur catastrophique.Â
Ces facteurs peuvent avoir un impact sur le dĂ©veloppement, la progression ou le maintien des symptĂŽmes des  DTM. En incluant l'Ă©valuation de l'Axe II dans le diagnostic des DTM, nous pouvons dĂ©velopper un plan de traitement complet qui prend en compte les facteurs physiques et psychosociaux.Â
DiffĂ©rents questionnaires existent pour Ă©valuer lâĂ©tat de nos patients. Si vous souhaitez approfondir cette dimension dans vos sĂ©ances voici une liste dâĂ©chelle et de questionnaires.Â
EÌtat psychosocial (PHQ-4) et eÌvaluation deÌpression (PHQ9) et anxieÌteÌ (GAD7) Localisation, intensiteÌ et handicap lieÌs aÌ la douleur (eÌchelle GCPS, « pain drawing ») Limitations fonctionnelles (eÌchelle JFLS) FreÌquence des comportements oraux parafonctionnels (OBC) Echelle EDAS-21, dĂ©pression, anxiĂ©tĂ© et stress en 21 questions â
Nous pouvons Ă©galement poser au patient quelques questions simples sur son Ă©tat de stress, sa gestion du stress, son ressenti gĂ©nĂ©ral. En fonction des rĂ©ponses nous pourrons proposer des thĂ©rapeutes spĂ©cialisĂ©s pour aider au mieux le patient.Â
Le fait de rĂ©orienter le patient est important dans la prise en charge des DTM. En effet, lâimpact de lâĂ©tat Ă©motionnel du patient sur ces douleurs oro-faciales est trĂšs marquĂ© comme lâont montrĂ© de nombreuses Ă©tudes avant et depuis la crĂ©ation du DC/TMD. Que ce soit vers un psychologue, un sophrologue, un professeur de yoga ou autre, la rĂ©orientation permettra au patient de mieux gĂ©rer son Ă©tat Ă©motionnel, en parallĂšle de la prise en charge kinĂ©sithĂ©rapique pour des rĂ©sultats optimum et pĂ©rennes.
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VI) Conclusion Les dysfonctions temporo-mandibulaires reprĂ©sentent un ensemble complexe de troubles affectant l'ATM, les muscles masticateurs et les structures associĂ©es. Leur diagnostic nâest pas toujours simple, nous devons garder une approche bio-psycho-sociale complĂšte pour Ă©tablir un diagnostic prĂ©cis. Schiffman et son Ă©quipe en 2014 ont dĂ©montrĂ© que l'anamnĂšse et l'examen clinique sont les piliers du diagnostic des DTM, permettant de recueillir des informations sur les symptĂŽmes du patient, ses antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux et dentaires, ainsi que d'identifier les signes cliniques caractĂ©ristiques. Nous pourrons nous rĂ©fĂ©rer au questionnaire clinique du DC/TMD ainsi quâaux diffĂ©rents tests de lâaxe II. Nous pourrons Ă©galement nous appuyer sur des examens complĂ©mentaires tels que lâimagerie. En cas de doute, sur le diagnostic mais aussi sur lâimportance du contexte psycho-social, nous pourrons rĂ©-orienter vers un spĂ©cialiste (chirurgien maxillo-facial, dentiste, psychologueâŠ).
Le diagnostic prĂ©coce des DTM revĂȘt une importance particuliĂšre, car il permet d'initier rapidement une prise en charge appropriĂ©e et de prĂ©venir la progression des symptĂŽmes. Une intervention prĂ©coce peut Ă©galement rĂ©duire le besoin de traitements invasifs Ă long terme.Â
Nous aborderons les différents traitements possibles pour les DTM dans la 3Úme partie.
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