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Facteurs de risques de tendinopathies

Masterclass
Publiée le
9/10/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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Les facteurs de risque de tendinopathie.

La tendinopathie est une étiologie multifactorielle encore mal comprise. Les facteurs de risques sont souvent divisés en facteurs extrinsèques, qui agissent sur le corps, et en facteurs intrinsèques, qui agissent depuis l’intérieur du corps. Dans leur papier en 2017, Malliaras et O’Neill ont divisé ces facteurs de risques en trois catégories :

1. Facteurs liés à la charge (extrinsèques)

2. Facteurs biomécaniques (intrinsèques)

3. Autres facteurs individuels tels que les facteurs systémiques (intrinsèques)

Facteurs liés à la charge

- Cycles d’étirement-raccourcissement (SSC)

Dans un premier temps, Malliaras et O’Neill ont pointé du doigts les cycles d’étirement-raccourcissement ou SSC, notamment au niveau des membres inférieurs dans le développement des tendinopathies.

Au cours du SSC, il y a un stockage d'énergie par l'allongement élastique du tendon puis la libération ultérieure d'une partie de cette énergie lors de la phase de raccourcissement (Alexander, 1991, Roberts, 2002). L'ampleur de la charge tendineuse peut donc être assez élevée au cours des activités de SSC.

Il a été rapporté que lors de la course, le tendon d’Achille subit une charge de 6 à 8 fois le poids du corps à chaque pas (Komi et al. 1992, Giddings et al, 2000). Lors de sautillements sous-maximaux unipodaux, la charge appliquée sur le tendon pourrait même représenter 8 à 10 fois le poids du corps (Lichtwark et Wilson, 2005). Même lors d’une contraction isométrique maximale en flexion plantaire, la charge sur le tendon serait équivalente à environ un tiers à la moitié de celle imposée lors du sautillement (3,5 fois le poids corporel) (Kubo et al. 2007).

L'ampleur de la charge sur le tendon est souvent plus faible lors de contractions lentes et lourdes. Ces modalités de contractions sont couramment appliquées dans des protocoles de type Heavy slow resistance ou dans un entrainement excentrique. Vous pouvez retrouvez ces protocoles d’exercices sur la plateforme. Il semble toutefois qu'une charge plus élevée ne soit pas toujours une caractéristique distinctive entre le SSC et les charges lourdes et lentes (Malliaras et O’Neill, 2017).

On sait que la charge sur le tendon patellaire pendant un squat est similaire à un saut vertical. Il peut subir une charge équivalente à 4,8 fois le poids du corps lors d’un squat et 5,2 fois le poids du corps lors d’un saut vertical (Janssen et al. 2013, Reeves et al. 2003). En fait, ce qui différencie véritablement les activités à charge élevée et rapide et les activités à charge élevée et lente est le taux de déformation des tendons. Si on compare de nouveau le squat et le saut vertical, on apprend que lors du squat, le tendon patellaire subit une déformation beaucoup plus faible (environ 1 à 2 fois le poids corporel par seconde) que lors d’un saut vertical (40 fois le poids corporel par seconde). Cela explique probablement pourquoi la tendinopathie est associée à des cycles d’étirement-raccourcissement répétés comme au basket par exemple plutôt qu’à des charges lourdes et lentes (Malliaras et al. 2015).

Compression Toujours dans ces facteurs extrinsèques liés à la charge, Malliaras et O’Neill mettent en avant le risque potentiel des charges de compression sur le tendon. Il a été suggéré que la compression jouait un rôle dans la plupart des enthésopathies (Cook et Purdam, 2012). Pour rappel, une enthésopathie est une pathologie de l'enthèse, à savoir la zone qui rattache les tendons, ligaments et autres structures fibreuses aux os.

D’un point de vue structurel, le tendon normal est un tissu fibreux avec une matrice extracellulaire hautement structurée à base de collagène de type I, et un minimum de cellules et de structures neurovasculaires (Magnusson, et al. 2010, Cook et Purdam, 2012, Millar et al. 2021).

Les tendons vont s'adapter aux charges de compression accrues au niveau de l'enthèse avec une augmentation du fibrocartilage, de plus grands protéoglycanes et du collagène de type II (Benjamin et Ralphs, 1998, Malliaras et O’Neill, 2017). L'accumulation de ces éléments, avec le changement vers un collagène de type III est une caractéristique de l’enthésopathie (Magnusson et al. 2010, Cook et Purdam, 2012)

Cependant, dans leur étude en 2002, Soslowsky et al ont étudié l'effet de différentes charges sur le tendon du supra-épineux de rats. Ils ont examiné l'effet de la charge de compression, de la surutilisation et de la combinaison des deux. Les résultats de cette étude ont montré que la combinaison de compression extrinsèque et de surutilisation était plus dommageable que la compression ou la surutilisation seule (Soslowsky et al. 2002).

Cela suggère le rôle multifactoriel dans l'étiologie de certaines lésions de la coiffe des rotateurs et nous amène à penser que la combinaison de charges est particulièrement dommageable pour le tendon (Soslowsky et al. 2002, Cook et Purdam, 2012).

- Changement de charge

Un autre facteur extrinsèque et pas des moindres qui est abordé dans le papier de Malliaras et O’Neill est le changement de charge.

Les “erreurs d’entrainement” sont considérées comme la cause de tendinopathie la plus fréquente avec des changements soudains de charge appliquée au tendon. On dit souvent “trop et trop vite”. Il s’agit principalement des fluctuations de l’intensité, de la fréquence, de la durée de l’exercice ou d’une combinaison des trois (Malliaras et O’Neill, 2017).

Les tendons sont sensibles aux changements rapides de charge. Une tendinopathie peut se développer lorsqu'un athlète modifie brusquement sa charge, car la capacité du tendon, du muscle, de la chaîne cinétique et du cerveau est dépassée (FC Barcelone, 2021).

Comme exemple d’erreur d’entrainement, on peut par exemple citer la reprise de l'entraînement après une courte pause, comme après des vacances, qui implique un changement soudain de la charge. Cette période d’interruption de l'exercice pourrait conduire à un déconditionnement, pouvant entraîner une tendinopathie lors du retour à une charge normale (Malliaras et O’Neill, 2017). C’est pour cette raison que la tendinopathie est souvent observée chez les athlètes lors de la pré-saison après les vacances (FC Barcelone, 2021). Des durées, des intensités et fréquences d’entraînements importantes sont couramment associées à un risque de tendinopathie. Une charge intense répétée sans temps de récupération suffisant peut ainsi être un facteur de risque de tendinopathie (Malliaras et al. 2015, Malliaras et O’Neill, 2017, Millar et al. 2021, FC Barcelone, 2021). C’est particulièrement vrai dans les sports impliquant des charges de types stockage d’énergie comme le SSC qui sont, comme nous l’avons vu précédemment, plus contraignants pour le tendon (Malliaras et al. 2015). Il convient toutefois de préciser que les facteurs tels que les heures d'entraînement et les sessions par semaine ne sont pas systématiquement associés à la tendinopathie dans la littérature. Cela peut s'expliquer par des facteurs de confusion comme la variation de charge lors de ces sessions d’entrainements (Malliaras et O’Neill, 2017).

En ce qui concerne les footballeurs, la surface de jeu ne semble pas liée au risque de lésion tendineuse, mais la transition entre les surfaces peut être importante. En revanche, aucune association entre la fréquence de changement entre le gazon naturel et artificiel et le risque de blessure par surmenage n'a été observée (Kristenson et al. 2013, FC Barcelone, 2021).

Facteurs biomécaniques

Au niveau des facteurs intrinsèques, Malliaras et O’Neill identifient tout d’abord les facteurs biomécaniques.

La biomécanique individuelle inclue la cinétique et la cinématique du mouvement, la posture du pied, la souplesse, les capacités neuromusculaires et l’anatomie structurelle. Tous ces éléments pourraient influencer le risque de tendinopathie (Malliaras et O’Neill, 2017).

Dans leur étude en 2010, Edwards et al. ont montré que les patients asymptomatiques, avec une anomalie du tendon patellaire à l’échographie, présentaient une charge sur le tendon similaire à des sujets sains lors d’une épreuve de stop jump. La différence résidait dans la stratégie d’atterrissage des participants lors de la phase horizontale. Les patients avec l’anomalie échographique ont atterri avec une plus grande flexion de genou et étendaient leurs hanches contrairement à leurs homologues présentant des tendons patellaires normaux qui fléchissaient les hanches (Edwards et al. 2010).

Une différence dans la cinématique et la force musculaire a également été observée entre des coureurs présentant une tendinopathie d’Achille et des coureurs sains. Si les deux groupes présentaient des forces d’impact au sol similaires, les participants avec un tendon atteint avaient une flexion de genou plus faible et une diminution de l’activité musculaire du tibial antérieur, du droit fémoral et du moyen fessier (Azevedo et al. 2008).

Il est toutefois difficile de savoir si ces modifications sont des causes ou des conséquences de la douleur (Malliaras et O’Neill, 2017).

Le lien entre les changements neuromusculaires et la douleur n’est pas encore très clair. Il est supposé qu'une diminution de la force, par exemple après une blessure ou une période de décharge, soit un facteur de risque de tendinopathie des membres inférieurs (O’Neill et al. 2016, Van Der Vlist et al. 2019). Alors que de nombreuses études sur les personnes souffrant de douleurs tendineuses montrent une diminution de la force, la douleur peut également provoquer une décharge et une inhibition musculaire (McAuliffe et al. 2019). Difficile alors d'établir une relation de cause à effet (Malliaras et O’Neill, 2017, FC Barcelone, 2021).

Il existe des preuves contradictoires concernant une association entre les facteurs biomécaniques du pied et les tendinopathies du membre inférieur (Malliaras et O’Neill, 2017, Sprague et al. 2018, Vand der Vlist et al. 2019, FC Barcelone, 2021). Une revue de synthèse de 2019 n’a d’ailleurs pu identifier aucun facteur biomécanique comme concluant pour expliquer le développement d’une pathologie du coureur comme la tendinopathie d’Achille (Ceyssens et al. 2019). Depuis quelques années et notamment avec l’émergence de la clinique du coureur, référence internationale dans les blessures liées à la course à pied, les experts suggèrent que les facteurs biomécaniques semblent en réalité des singularités sans incidence sur les blessures (Blaise Dubois, 2019).

Des éléments comme la pronation du pied, l'inversion ou l’éversion de l'arrière-pied et la voûte plantaire ne sont donc pas des valeurs certaines mais il peut être intéressant d'en tenir compte (Malliaras et O’Neill, 2017, FC Barcelone, 2021), notamment si ces modifications sont apparues de manière soudaine et corrélées avec l’arrivée des symptômes.

La souplesse musculaire et l'amplitude de mouvement ont suscité beaucoup d'intérêt, probablement plus que tout autre facteur. Malheureusement, les résultats sont souvent limités ou contradictoires (Malliaras et O’Neill, 2017, Sprague et al. 2018, Vand der Vlist et al. 2019, FC Barcelone, 2021). Il existe par exemple des preuves limitées d'une association entre l'amplitude de mouvement en dorsiflexion de la cheville, la flexibilité des muscles antérieurs et postérieurs de la cuisse et le risque de tendinopathie patellaire (Sprague et al. 2018).

Concrètement, qu’est ce que ça veut dire pour la rééducation ? Si on considère qu’un programme de mise en charge est nécessaire pour tous les patients, une intervention ciblée sur les facteurs biomécaniques et sur les changements neuromusculaires pourrait être intéressant seulement pour certains patients situés aux extrémités des normes (Malliaras et O’Neill, 2017). La clinique du coureur insiste sur le fait que décider de corriger une biomécanique par simple conviction, pour qu’elle nous plaise à l’œil, soulève un risque réel à considérer.

Autres facteurs individuels et facteurs systémiques

Finalement Malliaras et O’Neill ont rassemblés les autres facteurs intrinsèques dans une même catégorie comprenant les facteurs systémiques.

De multiples facteurs systémiques ont été reliés à la tendinopathie comme l’âge, l’hyperlipidémie, une adiposité importante, la génétique ou le diabète sucré (Malliaras et O’Neill, 2017, FC Barcelone, 2021, Millar et al. 2021). Ces facteurs réduiraient progressivement la capacité du tissu à tolérer la charge, de sorte qu’une marche plus importante ou une session de jardinage puisse suffire à surcharger le tendon et déclencher les symptômes. Ces facteurs peuvent être particulièrement pertinents chez les patients qui n'effectuent pas régulièrement des charges de type SSC. Ils doivent être pris en compte dans la pratique clinique car une population non athlétique peut être plus difficile à gérer et répondre moins favorablement aux interventions basées sur la charge (Malliaras et O’Neill, 2017, Millar et al. 2021). Il pourrait alors être plus bénéfique d’aller sur d'autres interventions complémentaires comme l'exercice aérobique (Malliaras et O’Neill, 2017). Ces facteurs peuvent également expliquer, avec les facteurs biomécaniques, pourquoi tous les athlètes exposés aux mêmes charges ne développent pas une tendinopathie (Malliaras et O’Neill, 2017).

Il existe une association connue entre les lésions tendineuses, en particulier l'enthésopathie, et les maladies rhumatologiques (psoriasis, arthrite rhumatoïde, etc.) ou rénales (Maffulli et Wong, 2003, Hopkins et al. 2016). Par conséquent, on prêtera une attention particulière aux individus connus pour souffrir de troubles inflammatoires ou ayant des antécédents familiaux(FC Barcelone, 2021, Millar et al. 2021). L'utilisation d’antibiotiques comme les fluoroquinolones est aussi associée à un risque accru d’atteinte du tendon par rapport au risque chez les personnes témoins (Millar et al. 2019, Alves et al. 2019).

La présence d’anomalie du tendon pourrait également être un facteur de risque de tendinopathie. Il a en effet été démontré que les anomalies tendineuses détectées par échographie chez des athlètes en début de saison étaient associées à un risque accru de développer une tendinopathie en cours de saison (Fredberg et Bolvig, 2002, FC Barcelone, 2021).

Une blessure antérieure semble être un facteur prédictif important de tendinopathie. Les taux de récidives de tendinopathie chez des footballeurs professionnels sont très importants et plus encore chez les joueurs amateurs (Malliaras et O’Neill, 2017, FC Barcelone 2021). La raison de ce phénomène n'a pas été établie, mais on suppose qu'il est lié à des changements dans la résilience des tissus et/ou du système neuromusculaire (Saragiotto et al, 2014). Cela réduirait la capacité d’adaptation de l’unité muscle-tendon diminuant la capacité de résister aux exigences de l'entraînement (Scott et al. 2013, Malliaras et al. 2013). Si on suit le modèle de l’enveloppe de fonction de Dye, une charge continue pourrait alors amener le tissu à dépasser le point d'homéostasie, conduisant à la dégradation du tissu et à l'apparition des symptômes (Dye, 2005, Malliaras et O’Neill, 2017).

Finalement des facteurs cognitifs et émotionnels tels que l’anxiété et les croyances liées à la maladie peuvent augmenter le risque de développer une douleur chez les personnes asymptomatiques. Ces facteurs peuvent influencer l’expérience de la douleur d’un individu et ne doivent donc pas être négligés (Mallows et al. 2016, Malliaras et O’Neill, 2017).

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