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La ténosynovite de De Quervain - Introduction à la pathologie

Module EBP
Mis à jour le
28/6/2023
Denis Gerlac
Kinésithérapeute spécialisé en rééducation de la main
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Préambule

La ténosynovite de De Quervain est une pathologie se manifestant par une douleur localisée sur le bord radial du poignet. Longtemps considérée comme une pathologie tendineuse, de nouvelles études semblent confirmer qu’il s’agirait d’une inflammation des gaines synoviales et non pas des tendons. Ainsi, nous aborderons la ténosynovite de De Quervain depuis l’anatomie du poignet au traitement kinésithérapique sans oublier la physiopathologie et la réalisation de son bilan.

1 - Introduction

Avant d'aborder la physiopathologie et le traitement de cette ténosynovite, nous présenterons d’abord un bref rappel de l'anatomie du poignet et de la main, ainsi que des structures directement concernées par cette affection.

1. Anatomie

a - Os de la main et de l’avant-bras

Lorsque l’on aborde les structures osseuses et articulaires de l’avant-bras et du poignet dans une direction cranio-caudale, nous rencontrons dans un premier temps les deux os de l’avant- bras : le radius et l’ulna (anciennement cubitus).

Le premier, le radius, est un os long situé latéralement sur l’avant-bras. Mobile, il s’articule avec l’humérus en proximal, avec le carpe caudalement et l’ulna médialement. Cet os est caractérisé par sa diaphyse triangulaire plus volumineuse caudalement ainsi que par sa courbure pronatrice au sommet de laquelle se trouve l’insertion du muscle rond pronateur. Son épiphyse proximale comprend une tête radiale de forme ovale-ronde, un col radial ainsi qu’une tubérosité radiale. L’épiphyse distale se caractérise quant à elle par une forme quadrangulaire (et non pas triangulaire comme la diaphyse) avec notamment une face latérale prolongée par le processus styloïde. Le second, l’ulna est l’os long médial de l’avant-bras. Il s’articule quant à lui avec l’humérus en proximal, le radius en latéral et le ligament triangulaire du carpe. Tout comme le radius, sa diaphyse présente une forme triangulaire tandis que sa partie proximale présente l’olécrane ainsi qu’un processus coronoïde permettant de former l’incisure trochléaire. Distalement, l’épiphyse distale présente une tête ulnaire arrondie et un processus styloïde ulnaire. Il est à noter que ce dernier est fixe en comparaison au radius.

Distalement aux os de l’avant-bras, on retrouve les 27 os de la main qui peuvent être divisés en plusieurs parties : les os du carpe, les métacarpiens et les phalanges. Les premiers sont composés de 8 os unis par un système ligamentaire puissant afin de constituer le squelette du poignet. Anatomiquement et fonctionnellement, ces os sont divisés en deux rangées : une rangée proximale qui ne comporte aucune insertion musculaire et se comporte comme un ménisque afin d’absorber les charges axiales se dirigeant sur le poignet et est composée du scaphoïde, du lunatum, du triquetrum ainsi que du pisiforme. La rangée distale est quant à elle composée de l’hamatum, du capitatum, du trapézoïde et du trapèze. Contrairement à la rangée proximale, cette rangée compte de nombreuses insertions tendineuses et réagit donc en fonction des contraintes musculaires.

Distalement, et en direction du pouce, on rencontre le premier métacarpien. Comme tous les métacarpiens, ce dernier est un os long comportant un corps, une base ainsi qu’une tête. Il est à noter que le premier métacarpien est le plus court, mais aussi le plus mobile de tous les métacarpiens. Finalement, deux phalanges constituent la zone la plus distale de la colonne du pouce et sont composées au même titre que les métacarpiens d’un corps, d’une base et d’une tête.

Au niveau articulaire, concernant le coude, rappelons que l’articulation huméro-ulnaire est de type ginglyme tandis que l’articulation huméro-radiale est de type sphéroïde. L’articulation radio-ulnaire est quant à elle de type trochoïde. L’ensemble de ces articulations permet d’aboutir à une unité fonctionnelle contenant deux degrés de liberté : la flexion-extension et la prono-supination.

L’unité radio-ulnaire est quant à elle maintenue par l’articulation radio ulnaire proximale et radio-ulnaire distale (toutes deux trochoïdes) ainsi que par la corde oblique (un ligament oblique en bas et latéralement) et la membrane interosseuse (une membrane fibreuse comblant l’espace entre le radius et l’ulna. Comme dit précédemment, la première est de type trochoïde tout comme l’articulation distale. Fonctionnellement, l’articulation radio-ulnaire permet la réalisation des mouvements de prono-supination.

Dans une direction toujours distale, on rencontre alors l’articulation radio-carpienne qui est une articulation de type ellipsoïde mettant en lien la surface articulaire de l’avant-bras (composée de la surface articulaire du radius ainsi que du disque articulaire radio-carpien (ou ligament triangulaire du carpe) et la surface articulaire radiale du carpe (formée par les os scaphoïde, lunatum et triquétrum). Fonctionnellement, cette articulation participe principalement aux mouvements de flexion/extension ainsi que d’inclinaison ulnaire/radiale du carpe. On parle ainsi de « dart throwing motion » que l’on pourrait traduire par « mouvement de lancer de fléchettes »

Ainsi, il est intéressant de noter que le coude est une jonction entre l’humérus et le cubitus principalement tandis que le poignet est principalement lié au carpe et au radius. Il est à noter que de nombreuses autres articulations existent (inters carpiens et médio carpienne) mais que ces dernières dépassent le champ d’exploration de ce module.

Lorsque l’on s’approche de la colonne du pouce, on rencontre alors l’articulation trapézo- métacarpienne qui est une articulation en selle. Cette articulation, permet une flexion/extension, une adduction/abduction du pouce ainsi qu’une prono-supination « automatique » autorisant les mouvements d’opposition.

Puis, on retrouve une articulation ellipsoïde entre le premier métacarpien et la phalange proximale permettant une flexion extension, une légère adduction abduction ainsi qu’une prono-supination « automatique » permettant les prises pulpo-pulpaires entre D1 et D2. Enfin, distalement, on retrouve l’articulation inter phalangienne qui est de type ginglyme et qui permet la réalisation de flexion/extension combinée à des prono-supination une nouvelle fois « automatiques » et qui permettent cette fois aux pulpes de D2 à D5 de faire face à celle du pouce lors des prises pulpo-pulpaires (Dufour, 2015; Kamina & Martinet, 2009).

b- Muscles

Les habiletés motrices de la main résultent de nombreuses structures travaillant de manière synchronisée pour produire tous les mouvements de la vie quotidienne. Ainsi, bien que les mains ne soient qu'une petite partie du corps humain, elles contribuent significativement à la fonctionnalité.

De ce fait, la main sert d'origine et/ou d'insertion à un grand nombre de muscles. Les muscles intrinsèques de la main possèdent leurs origines/insertions sur les os de la main (os carpiens et métacarpiens principalement) à l’exception des muscles lombricaux pour ont pour origine et insertion des tendons. À l’inverse, les muscles extrinsèques de la main prennent naissance à l'extérieur de la main, généralement l'avant-bras, et s'insèrent sur le squelette de la main.

Muscles intrinsèques

Les muscles intrinsèques de la main ont pour origine et/ou insertion les os, les ligaments et le fascia de la main. Ces muscles produisent principalement des mouvements de motricité fine et sont divisés en trois compartiments: un compartiment thénarien, un compartiment hypothénarien et un compartiment adducteur (Raszewski & Varacallo, 2022).

L’éminence thénar est composée de trois muscles principaux qui permettent de contrôler la plupart des mouvements du pouce : le court abducteur du pouce, le fléchisseur court du pouce et l’opposant du pouce (J. D. Nguyen & Duong, 2022). Ils forment le renflement de la surface palmaire du pouce et du premier métatarsien. L’éminence hypothénarienne est constituée principalement par les muscles opposant du petit doigt, abducteur du petit doigt, le fléchisseur du petit doigt. Finalement, le compartiment des adducteurs est composé uniquement par l’adducteur du pouce bien que l’existence réelle d’un « troisième compartiment » ne fasse pas l’unanimité.

À ces muscles intrinsèques viennent s’ajouter les quatre muscles lombricaux. Ces derniers ne se trouvent que d’un côté sur les doigts : le versant radial. Leur rôle est avant tout d’ajuster la tension entre les fléchisseurs profonds et les extenseurs afin d’éviter l’effet « corde molle ». Cependant, ils participent aussi à la flexion de métacarpo-phalangienne avec une extension des inter phalangiennes proximales et distales. Les muscles interosseux participent quant à eux aux écartements et rapprochements des doigts (en référence au majeur qui ne possède pas d’interosseux palmaire) l’adduction et à l’abduction des doigts.

Muscles extrinsèques

Comme dit précédemment, les muscles extrinsèques de la main ont pour la plupart origine sur l'avant-bras et sont situés sur la face antérieure et postérieure de ce dernier avant de venir s’insérer distalement sur la main.

Afin d’y voir plus clair, il peut être plus simple de les regrouper par leur anatomie et/ou par leur fonction. Ainsi, on retrouve les muscles antérieurs (divisés en plans superficiels, intermédiaire et profonds) qui sont pour la plupart fléchisseurs. Ensuite, les muscles postérieurs sont réparties en deux plans musculaires (un superficiel et un profond) et sont pour la plupart des extenseurs

Pour approfondir le sujet, abordons les détails des muscles inclus dans chaque groupe décrit précédemment :

  • Plan antérieur – groupe superficiel : il est composé du fléchisseur radial du carpe, du long palmaire, du fléchisseur ulnaire du carpe ainsi que du muscle rond pronateur. Ils participent basiquement à la flexion du poignet ainsi qu’aux déviations ulnaires/radiales bien que le rond pronateur ne participe pas à ces mouvements mais plutôt à la pronation de l’avant-bras.
  • Plan antérieur – groupe intermédiaire : il comprend le fléchisseur superficiel des doigts qui participe comme son nom l’indique à la flexion des doigts longs (via l’interphalangienne proximale) ainsi que du poignet et de la métacarpophalangienne.
  • Plan antérieur – groupe profond : il est composé du fléchisseur profond des doigts, du long fléchisseur du pouce ainsi que du carré pronateur.
  • Plan postérieur – groupe superficiel : il comprend le long extenseur radial du carpe, le court extenseur radial du carpe, l’extenseur des doigts, l’extenseur du petit doigt et l’extenseur ulnaire du carpe. Ces muscles participent principalement à l’extension du poignet et de la main ainsi qu’à l’inclinaison ulnaire/radiale.
  • Plan postérieur – groupe profond : il est composé du long abducteur du pouce, du long extenseur du pouce, du court extenseur du pouce, de l’extenseur du second doigt et du supinateur. Ce groupe participe quant à lui à l’extension du poignet ainsi qu’à l’abduction et l’extension du pouce.

Afin de mieux appréhender la suite du module, nous aborderons avec plus de précisions l’anatomie du muscle abducteur long du pouce, de l’extenseur court et long du pouce ainsi que du rond pronateur (Dufour, 2015).

Rond pronateur :

  • Origine : apophyse coronoïde de l’ulna, épicondyle médial
  • Insertion : tiers supérieur et latéral du radius
  • Innervation : nerf médian (qui passe entre les deux portions du muscle)
  • Action : pronation et fléchisseur indirect du coude

Extenseur long du pouce (forme le bord cubital/médial de la tabatière anatomique) :

  • Origine : face postérieure dans le tiers moyen de l’ulna et de la membrane interosseuse
  • Insertion : face postérieure de la base de la phalange distale du pouce
  • Innervation : nerf radial
  • Action : extension de la phalange distale et extension des articulations du pouc et du poignet.

Abducteur long du pouce (forme le bord latéral de la tabatière anatomique) :

  • Origine : 1/3 moyen de la face postérieure du radius, du cubitus et de la membrane interosseuse
  • Insertion : face latérale de la base du premier métacarpien
  • Innervation : nerf radial
  • Action : abduction du pouce et participation limitée à l’extension du pouce ainsi que la supination de l’avant-bras

Extenseur court du pouce (forme le bord latéral de la tabatière anatomique) :

  • Origine : face postérieure du cubitus, du radius et de la membrane interosseuseo
  • Insertion : face postérieure de la base de la phalange proximale du pouce
  • Innervation : nerf radial
  • Action : extension de la phalange proximale du pouce, extension et déviation radiale de la main

c - Rétinaculum des extenseurs

Lorsque l’on s’intéresse au trajet des muscles abducteur long du pouce et court et long extenseurs du pouce, il est important de noter que ces derniers ont pour point commun de passer sous le rétinaculum des extenseurs avant de se diriger vers leurs sites respectifs d’insertion (Maw et al., 2016).

Ce ligament annulaire postérieur du carpe est une bande fibreuse situé sur le dos du poignet permettant de maintenir les tendons extenseurs sans obtenir d’effet « corde d’arc » lors des mouvements du poignet. Anatomiquement, de récentes études cadavériques ont pu montrer que le rétinaculum des extenseurs pourrait être abordé en trois « parties » :

  • Le premier, le rétinaculum original serait attaché entre le radius et le pisiforme avec une direction oblique.
  • Le second, le rétinaculum proximal se dirigerait depuis le fascia du fléchisseur ulnaire du carpe jusqu’au 2ème ou 3ème compartiment
  • Le troisième, le rétinaculum distal se dirigerait quant à lui depuis le fascia de la région hypothénar jusqu’au 1er ou 2ème compartiment.
  • De plus, le rétinaculum forme six compartiments contenant les différents tendons. (Komutrattananont et al., 2019). Le premier compartiment contient l’abducteur long du pouce et l’extenseur court du pouce, le second contient l’extenseur radial court et long du carpe. Le troisième contient l’extenseur long du pouce. Le quatrième contient l’extenseur de l’index ainsi que l’extenseur commun des doigts. Le cinquième contient l’extenseur du petit doigt et le sixième contient l’extenseur ulnaire du carpe (Maw et al., 2016).

2. Définition

La ténosynovite de De Quervain (TDDQ) est définie comme une inflammation des gaines synoviales de l’abductor pollicis longus (APL) et de l’extensor pollicis brevis (EPB). Elle se caractérise par une douleur essentiellement mécanique localisée sur le bord radial du poignet, dans la zone où les deux tendons de l’APL et de l’EPB croisent le rétinaculum des extenseurs. Comme vue précédemment, ce dernier forme avec le radius un tunnel ostéo-fibreux étroit, appelé premier compartiment du rétinaculum et servant de poulie de réflexion.

La douleur, pouvant être intense, elle est principalement provoquée par des mouvements actifs d'abduction/extension du pouce associés à une inclinaison radiale du poignet, ou des mouvements aussi bien passifs qu'actifs de flexion du pouce associés à une inclinaison ulnaire du poignet.

Si elle est généralement considérée comme idiopathique, il est possible d’en distinguer deux formes :

  • La forme « sèche » sténosante : dans celle-ci, l’épaississement du rétinaculum prédomine. Ce dernier mesurant parfois plusieurs millimètres d’épaisseur. Il rétrécit le tunnel. Dans ce cas, les tendons ne présentent pas d’épanchement synovial massif, ce qui rend l’échographie peu contributive pour établir le diagnostic.
  • La forme exsudative, l’aspect clinique est celui d’un empâtement douloureux en amont de la styloïde radiale, avec un épanchement liquidien péri tendineux important qui lève tous les doutes sur le diagnostic.

3. Epidémiologie

La ténosynovite de De Quervain est une des tendinopathies les plus fréquentes du membre supérieur (avec la ténosynovite des fléchisseurs doigts ou « doigt à ressaut ») et peut faire suite à une fracture distale du radius.

La prédominance féminine est avérée, Cette maladie affecte environ 0,5 % de la population masculine pour environ 1,3 % de l’ensemble des femmes (Stonnington, 1990; Walker-Bone et al., 2004), on évoque un dérèglement hormonal (non démontré à ce jour). Deux classes d’âge sont particulièrement affectées : la première de 20 à 40 ans, la seconde de 50 à 70 ans (Gerlac, 2019).

Cette pathologie est fréquente chez les personnes qui manutentionnent des bébés ou des enfants en bas âge. Pour signifier cette fréquence, le Dr. Anderson nomme cette affection : « baby wrist » (Anderson et al., 2004).

4. Physiopathologie

Comme dit précédemment, on parle bien d’une ténosynovite et non pas d’une tendinite. Cela indique donc que les tendons ne souffrent pas alors que les gaines synoviales oui. En effet, il est communément admis que le frottement engendré entre les muscles APL et EPB avec la coulisse ostéofibreuse produit une inflammation. Effectivement, de récentes études histopathologiques ont pu montrer une augmentation de cytokines pro inflammatoires (IL-1β, COX-2, PGE2). De plus, une augmentation la production de l’élastase (par les neutrophiles) serait à noter témoignant encore une fois de la réaction inflammatoire associée) (Kuo et al., 2015). À noter que cette production d’élastase serait proportionnelle au stade de la ténosynovite.

Pourtant, si cette pathologie est connue depuis 1895, l’étiologie exacte de cette pathologie reste énigmatique bien que de nombreuses hypothèses ont pu être avancées au cours de ces dernières années (Gerlac, 2019). Abordons donc au cours des prochaines lignes les différentes hypothèses existantes sur le sujet :

Variations du premier compartiment des extenseurs

La ténosynovite de Quervain est régulièrement qualifiée de sténosante. Effectivement, il existe une certaine étroitesse du diamètre de la première coulisse par rapport au calibre des deux tendons (APL et EPB). Cette sténose inflammatoire, lorsqu'elle est présente depuis longtemps engendrerait un aspect de "sablier" à ces tendons.

De plus, Il présente parfois un septum médian séparant le tunnel ostéo-fibreux en deux, (Chang et al., 2017; Gousheh et al., 2009; Gurses et al., 2015; Nam et al., 2018) bien que ce septum soit incomplet dans de nombreux cas (Nam et al., 2018). À ce propos, une revue systématique dirigée par Lee et ses collaborateurs a pu montrer que chez les patients présentant un De Quervain, seul 41% d’entre eux possédaient un compartiment classique (sans septum interposé) tandis que 57% des patients asymptomatiques présentaient un premier compartiment sans septum interposé entre les deux tendons (Lee et al., 2017). Plus récemment, une étude réalisée sur 102 patients a pu montrer qu’un septum médian était présent dans 89% des cas chez les patients atteints de ténosynovite contre seulement 79% pour les patients sains au point que les auteurs considèrent que ce septum pourrait être considéré comme faisant partie d’un poignet « sain » (Beutel et al., 2020). Certains auteurs considèrent d’ailleurs qu’il serait pertinent de classifier les ténosynovites de Quervain en fonction de la présence ou de l’absence d’un septum médian (Volpe et al., 2010)

Finalement, il est intéressant de noter que parallèlement au phénomène inflammatoire, il se développerait un épaississement du rétinaculum au niveau du premier compartiment réduisant une nouvelle fois l’espace. Cet épaississement se caractérise par un tissu conjonctif lâche épaissi et vascularisé avec une dégénérescence myxoïde associée. Dans les cas plus avancés, le rétinaculum pourrait avoir une épaisseur 3 à 4 fois supérieure à la normale (Kuo et al., 2015).

Variations anatomiques de l’APL (duplication) et de l’EPB :

Parallèlement aux variations anatomiques de la coulisse ostéo-fibreuse, il existe parfois des variations anatomiques du long abducteur du pouce ainsi que du court extenseur du pouce. Dans les faits, le tendon terminal du long abducteur du pouce peut se dupliquer augmentant ainsi son volume dans la gaine avec pour conséquence une augmentation des contraintes de frottement (Chang et al., 2017; Lacey et al., 1951).

Ces faits ont pu être corroborés par l’équipe de Lee et ses collaborateurs qui ont pu montrer qu’une différence significative existait entre les patients sains et les patients présentant une ténosynovite de Quervain puisque ces derniers présentaient des duplications du tendons (aussi appelés « tendon slip ») dans 27% des cas contre seulement 18% des cas pour les sujets sains (Lee et al., 2017). Il est à noter que certaines études montrent des variations de l’APL pouvant aller jusqu’à six duplications terminales (Alturkistani, n.d.). Selon Nam et ses collaborateurs, la variation la plus rencontrée serait celle de trois duplications terminales (Nam et al., 2018). Concernant l’extenseur court du pouce, une différence significative existerait aussi puisque plus de deux « tendons slips » seraient observées dans 6% des poignets sains contre 3% des poignets atteints d’un De Quervain (Lee et al., 2017).

Il est à noter que certaines études montrent aussi qu’il existerait une augmentation de la surface sectionnelle des tendons de l’extenseur court du carpe et de l’abducteur long du carpe chez les patients atteints d’une ténosynovite (Chang et al., 2017).

Si ces deux hypothèses semblent différentes par leur origine, il est clair que leurs conséquences sont similaires puisque ces deux particularités anatomiques (déjà décrites en 1862 par J. Cruveilher), entraineraient une réduction de l’espace de glissement à l’intérieur de la coulisse et favoriseraient ainsi les frottements, source d’inflammation.

Angulation formée par les tendons à la sortie :

Après avoir abordé les modifications structurelles pouvant expliquer l’apparition de cette pathologie, il est désormais temps de s’intéresser à des facteurs plus dynamiques comme l’angulation formée par les tendons de l’APL et de l’EPB à la sortie du tunnel ostéo-fibreux. En effet, certains auteurs ont pu montrer que le déplacement du tendon de l’EPB dépend des positions de flexion et d'extension du poignet. Lorsque le poignet est en position neutre, l’amplitude de mouvement du tendon serait supérieure en référence à un poignet en position d’extension ou de flexion. Cette amplitude de mouvement du tendon serait minimale lorsque le poignet est en flexion (Kelly et al., 2019). Il est à noter que cette étude se corrèle avec des études cadavériques précédentes (Kutsumi et al., 2005).

De même, pour certains auteurs, il est pertinent d’étudier l’angle de pénétration des tendons de l’APB et de l’EPB. En effet, ces derniers ne s’insèrent pas de manière droite et rectiligne dans le premier compartiment mais bien d’une manière oblique avec un angle. Ce même angle pourrait être augmenté lors de la pronation ou lorsque le radius est « ascensionné ». C’est ce qu’on put rapporter Kawanashi et ses collaborateurs en montrant que les mouvements de pronation de l’avant-bras, entrainent une ascension automatique du radius par rapport à l’ulna. En allant plus loin dans l'analyse biomécanique des mouvements de rotation de l'avant-bras, on constate que la pronation du radius sur lui-même, majore de façon défavorable l’angulation à l'entrée de la coulisse.

Afin de connaître l’impact réel de cette ascension, une étude réalisée sur 29 sujets a pu montrer qu’en réalisant une traction manuelle sur le radius lors de la réalisation active d’un test d’Eichhoff, cela permettait de diminuer la symptomatologie de manière significative en référence à un test d’Eichhoff sans traction (Gerlac, 2019). Si cette étude ouvre une porte sur une meilleure compréhension de la physiopathologie, de nouvelles études doivent permettre de confirmer ces premières avancées tout en apportant des réponses sur les effets concrets de cette manœuvre permettant d’aboutir à une diminution de la douleur.

En faisant le rapprochement des gestes susceptibles de déclencher une TDDQ (coup droit lifté au tennis, mobilisation de l’archet au violon, utilisation d’un marteau, soulèvement d’un bébé sous les aisselles...), il est intéressant de noter que la physiologie du rond pronateur (pronator teres) participe aux deux composantes incriminées (ascension et pronation du radius) dans l’augmentation de l’angle des muscles APB et EPB, avec probablement un impact sur l’apparition de la ténosynovite. En effet, ses fibres musculaires sont orientées de proximal à distal dans le sens médial à latéral. Donc, chaque fois que le muscle se contracte pour fléchir le coude et produire une pronation de l’avant-bras, il développe une force ascendante et rotatoire du radius (Gerlac, 2019).

Répétitions (overuse syndrome) :

Souvent considéré comme un syndrome lié à la surcharge d’activité manuelle (« overuse syndrom») ou bien lié à l’accumulation de gestes répétitifs (travail, sport, musique) (Bourbonnais et al., 2007; A. Nguyen et al., 2012; Stonnington, 1990), de récentes études sur le sujet ont pu montrer que pour l’heure actuelle, aucun lien direct n’existerait entre la ténosynovite de Quervain et la profession (Leclerc et al., 2001; Stahl et al., 2013, 2015) Pourtant, quelques études montrent que certains facteurs répétitifs pourraient augmenter le risque de développer une ténosynovite :

  • C’est le cas de l’étude de 2021 ayant pu montrer que l’usage intensif du téléphone (instagram, envois de messages, temps d’utilisation) pourrait être corrélé à une prévalence plus importante de la pathologie (Benites-Zapata et al., 2021). Il est cependant à noter que la qualité méthodologique de l’étude devrait être améliorée pour établir un réel lien.
  • En revanche, la dominance manuelle ainsi que les différences d’utilisation entre les côtés ne semblent pas contribuer au développement de la pathologie (Gurses et al., 2015)

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