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Tendinopathies Achilléennes : Focus sur la force réactive

Masterclass
Publiée le
5/8/2024
Musculo-squelettique
Kinésithérapie
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À propos

Les tendinopathies achilléennes peuvent avoir une incidence de 20% dans certains sports. Elles peuvent limiter les capacités fonctionnelles et la qualité de vie des patients. Chez ceux pratiquant une activité sportive cela va diminuer leur participation et leurs performances. Après rééducation des déficits semblent persister sur le long terme.  La force réactive est un de ces déficits persistants. Après cette masterclass les participants seront capables de :

  1. Définir la force réactive
  2. Décrire le Stretch and shortening cycle (SSC)
  3. Décrire de quelle manière le SSC est altéré au niveau du tendon d'Achille dans le cadre d'une tendinopathie
  4. Définir la notion biomécanique de raideur
  5. Évaluer la force réactive du triceps sural
  6. Développer un plan de rééducation visant à l'amélioration de la force réactive chez les patients souffrant de tendinopathie achilléenne.

Bienvenue à cette session dédiée aux tendinopathies achilléennes, avec un focus particulier sur la force réactive.

Rappels épidémiologiques

D'entrée, il est pertinent de rappeler certains faits épidémiologiques autour de la tendinopathie achilléenne. Une vaste étude menée aux Pays-Bas a révélé un taux d'incidence de 2,16 pour 1000 personnes par an, soulignant une prévalence notablement plus élevée par rapport à l'arthrose. Cette observation est d'autant plus frappante au regard des ressources allouées à la recherche et à la communication sur l'arthrose, comparativement à la tendinopathie qui, bien que plus répandue, bénéficie de moins de moyens pour son étude.

Il est également important de noter que, bien que notre discussion porte sur une population sportive, seulement 30 % des cas de tendinopathie sont associés à la pratique sportive. Chez les athlètes, l'incidence varie significativement selon les disciplines et les méthodologies d'étude. Par exemple, une revue systématique de Lopes et al., datant de 2012, a mis en lumière une incidence de 11 % pour les blessures des membres inférieurs chez les coureurs, tandis que d'autres recherches suggèrent un taux pouvant atteindre 50 %.

Des sports comme le basketball, avec ses nombreux changements de direction et sauts, affichent également une incidence élevée, estimée à 20 % dans une étude menée à Barcelone sur une période de huit ans par Florit et al. en 2019. Le football présente des variabilités, avec des incidences allant de 5 à 20 % selon les études.

Le continuum du RTS

Dans le cadre de notre discussion sur le retour au sport, il est essentiel de se référer à un vocabulaire commun. Le consensus de Berne, publié en 2016 par Ardern et al. dans le BJSM, décrit le continuum de retour au sport en trois phases distinctes, offrant ainsi un cadre pour notre discussion.

Ce continuum de retour au sport se déploie en plusieurs phases clés : initialement, le retour à la participation, marquant la période de la blessure jusqu'à la reprise d'activités telles que l'entraînement en course à pied et la participation aux entraînements collectifs. Ensuite, le retour à la compétition où l'athlète recommence les activités compétitives, suivi par le retour à la performance, visant idéalement une capacité équivalente ou supérieure à celle d'avant la blessure.

Dans le cadre de la rééducation, nous pouvons structurer le processus en quatre segments principaux. Le premier concerne la phase aiguë de la pathologie, centrée sur la gestion de la douleur, la correction des déficits neuro-moteurs et de force. Le second segment se focalise sur la biomécanique des mouvements de saut et de course, le développement de la force réactive, la pliométrie, et l'explosivité. Le troisième aborde la course multidirectionnelle, et le quatrième intègre des exercices spécifiques au sport pratiqué.

Les trois premiers segments correspondent au retour à la participation, tandis que le dernier est dédié au retour au sport et à la performance. Cette progression idéale permet de préparer l'athlète à reprendre le sport dans les meilleures conditions possibles.

Toutefois, la réalité peut différer, comme le montre l'étude prospective de Florit et al. 2019 sur huit ans concernant les clubs de Barcelone. Cette étude révèle une médiane de jours d'absence due à la tendinopathie achilléenne inférieure à cinq jours, indiquant que les joueurs, dans ce contexte, cessent rarement leurs activités sportives ou le font pour une très courte période. Les données suggèrent qu'un délai prolongé avant le retour au sport, au-delà de vingt jours par exemple, diminue le risque de récidive. Cependant, la reprise rapide du sport peut augmenter ce risque, soulevant des questions sur le niveau de performance et la gestion des déficits fonctionnels persistants.

Corrigan et al. (2022) ont étudié des coureurs un an après le début de leur pathologie, considérés en phase de retour au sport, ce qui signifiait l'absence de symptômes dans les activités quotidiennes et la capacité de courir au moins deux fois trente minutes par semaine.

Dans la réalité, qu'observe-t-on chez ces individus ? Lorsqu'ils courent, une douleur persistante est souvent rapportée, ainsi qu'une altération morphologique du tendon, comme une modification de son épaisseur ou de sa section. On note également des changements dans les propriétés mécaniques du tendon, sujet sur lequel nous reviendrons, et une détérioration de la force réactive, qui est notre principal sujet d'intérêt de cette masterclass.

La force réactive

La force réactive est définie comme la capacité de l'athlète à absorber un impact lors d'un étirement et à convertir rapidement cette énergie en une contraction concentrique. Elle illustre le fonctionnement du cycle d'allongement-raccourcissement (SSC), qui est une composante clé de ce que l'on appelle communément la pliométrie. Comment se décompose ce cycle ? Il comprend principalement trois phases : une phase de pré-activation avant le contact avec le sol, où les unités motrices commencent à être recrutées et où les ponts actifs de myosine se préparent à l'impact à venir. Ceci est suivi par une contraction musculaire excentrique lors du contact avec le sol, qui sera elle-même suivie d'une contraction concentrique propulsive.

Le cycle d'allongement-raccourcissement peut être de deux types : court, caractérisé par un temps de contact au sol inférieur à 250 millisecondes, typique de la course ou de petits sauts répétés, et long, pour un temps de contact supérieur à 250 millisecondes, où l'on cherche à maximiser le recrutement de la force et la puissance.

Quel est donc le rôle de ce cycle ? Il s'agit d'une fonction classique de l'unité musculo-tendineuse visant à augmenter la force développée lors de la contraction concentrique. Plusieurs théories expliquent ce phénomène : la composante viscoélastique du muscle permet le stockage et la libération d'énergie, tandis que les fuseaux neuromusculaires, sensibles à un étirement rapide, facilitent cette libération d'énergie.

Lors de l'allongement musculaire, un mécanisme facilitateur intervient via la boucle gamma du fuseau neuromusculaire, entraînant une amplification de la contraction musculaire. Cette dynamique est illustrée dans une étude de Komi et al., datant de 2000, où un dispositif expérimental a été mis en place, intégrant des fibres optiques traversant le tendon et équipées d'EMG et de capteurs pour mesurer les variations de lumière en fonction de la tension appliquée, permettant ainsi de quantifier la force intratendineuse durant des sauts répétés. Cette approche a rendu possible la création de la courbe force-vitesse du tendon dans des conditions in vivo.

Le suivi de la courbe de l'Achille a révélé, à travers une zone spécifique de la courbe, une augmentation significative de la force générée, attribuable à l'activité des fuseaux neuromusculaires. Ce phénomène, combiné aux propriétés mécaniques de l'élasticité du tendon et à l'effet neurophysiologique des mécanorécepteurs, optimise la contraction concentrique qui succède à la phase excentrique. L'observation détaillée au niveau de l'unité musculo-tendineuse révèle un allongement de 6 à 8 % durant la phase de contact, attribué principalement à la composante élastique du tendon, plutôt qu'à une action musculaire.

Cette observation remet en question la notion d'une action excentrique du muscle au moment du contact, suggérant plutôt une action isométrique initiale suivie d'une contraction concentrique. L'allongement global de l'unité musculo-tendineuse serait donc essentiellement dû à l'élasticité du tendon, ce qui joue un rôle crucial dans le stockage d'énergie pour la phase concentrique subséquente.

Abordons les propriétés mécaniques du tendon d'Achille, réputé pour être le tendon le plus large et le plus robuste du corps humain. Sa performance optimale repose sur une certaine raideur. La raideur, ou "stiffness" en anglais, se définit par le coefficient de raideur k, qui est le rapport entre la force appliquée et l'élongation du tendon, mesurée en mètres; ce coefficient est exprimé en Newtons. Ce rapport indique qu'une plus grande variation de longueur du tendon sous force appliquée signifie une moindre raideur, et inversement. Outre le coefficient de raideur, le module de Young est une autre mesure importante, reflétant la relation entre contrainte et élongation, et est exprimé en pascals ou en Newtons par mètre carré, contrairement au coefficient de raideur exprimé en Newtons par mètre. Ces mesures sont cruciales pour comprendre la raideur intrinsèque du tendon.

La raideur du tendon d'Achille a une corrélation directe avec la performance, notamment visible dans le temps de contact lors d'un drop jump : une raideur accrue du tendon est associée à un temps de contact réduit, indiquant une phase rapide et efficace du cycle d'allongement-raccourcissement.

En cas de tendinopathie achiléenne, les études montrent des différences significatives dans la raideur globale du membre inférieur, pas seulement la raideur intrinsèque du tendon. Les personnes atteintes de cette condition présentent une raideur moindre, permettant une plus grande déformation du membre inférieur lors d'un test de saut. Cette diminution de la raideur est également observée au niveau de la cheville, avec une augmentation notable de la dorsiflexion et de l'amplitude d'étirement par rapport à des individus sains.

Cette réduction de raideur, confirmée par une baisse du coefficient de raideur et du module de Young dans les groupes atteints de tendinopathie, indique une capacité d'élongation plus élevée du tendon. Le "strain" (taux d'élongation) est également plus important chez les sujets tendinopathiques, soulignant une différence significative dans la capacité du tendon à s'allonger sous force appliquée, comparativement à un groupe témoin. Ces observations suggèrent que la tendinopathie affecte la capacité du tendon d'Achille à stocker et à restituer efficacement l'énergie, influençant potentiellement la performance et le risque de blessure.

Dans le contexte de la tendinopathie achilléenne, une compliance accrue du tendon a été observée, particulièrement soulignée dans une revue systématique par Obst et al. en 2018, indiquant une altération de la raideur chez les patients, moins prononcée toutefois chez ceux souffrant de tendinopathie d’insertion. Cette différence s'explique par le fait que la tendinopathie d’insertion affecte une zone du tendon moins élastique, plus fibro-cartilagineuse, comparée à celle riche en collagène de type 1, essentiel pour les propriétés élastiques du tendon.

Une observation clinique pertinente pour évaluer la raideur du tendon est le comportement du talon lors d'activités spécifiques comme les sauts : un talon touchant le sol indique une raideur insuffisante. Cette observation n'est pas aisée à l'œil nu, recommandant l'usage de ralentis vidéo pour une évaluation précise du cycle d'allongement raccourcissement.

La mesure de la fonction du tendon et de l'unité musculo-tendineuse peut se faire via la force réactive, indicatrice des capacités pliométriques. Cette force peut être calculée de deux manières : soit par le rapport de la hauteur du saut au temps de contact au sol lors d'un drop jump, soit par le rapport du temps de vol au temps de contact. Il est crucial de prêter attention à la méthode de calcul utilisée lors de la comparaison des résultats avec ceux de la littérature, car les indices de force réactive varient selon la méthode. Cet indice est associé à la performance sportive, la vitesse, les changements de direction, et une endurance améliorée en course, grâce à une réduction du coût énergétique.

Comment la mesurer ?

Pour mesurer cliniquement cette force, des outils comme le single leg drop jump sont utilisés, avec des applications smartphone ou des tapis de contact fournissant une méthode accessible et économique, bien que chronophage, pour calculer le temps de contact au sol, le temps de vol, et par conséquent, l'indice de force réactive.

L'emploi d'outils peu onéreux pour l'évaluation de la force réactive offre une solution pratique et immédiate, mais l'utilisation de plateformes de force représente la méthode optimale, bien qu'elle soit plus coûteuse. Ces plateformes permettent une évaluation précise et en temps réel, fournissant un tracé direct des courbes de force pour les deux jambes et révélant des différences significatives entre elles. Grâce à ces données, il est possible d'analyser le temps de contact, la hauteur de saut, la réponse impulsive, le temps de contraction, et la force maximale, entre autres paramètres. Cette technologie est idéale pour personnaliser la rééducation en identifiant les domaines spécifiques à améliorer, tels que la force excentrique, la puissance, ou un temps de contact prolongé.

Les valeurs de référence pour l'indice de force réactive (RSI), calculées lors d'un drop-jump sur deux jambes, varient selon la performance et le type d'activité. Un RSI inférieur à 1,5 suggère une performance suboptimale en pliométrie, tandis qu'un RSI au-dessus de 2 indique des capacités adéquates. Les athlètes élites, tels que les sprinteurs ou les sportifs spécialisés dans les sports de sauts, peuvent afficher un RSI supérieur à 3.

Comment l'optimiser ?

Pour optimiser la force réactive dans la rééducation, il est essentiel de commencer par gérer la douleur, car les activités imposant une contrainte élevée sur le tendon d'Achille peuvent exacerber la douleur. Il existe une relation généralement proportionnelle entre la douleur et la contrainte appliquée. La gestion de la douleur est suivie par la récupération de la force dans toutes ses formes—excentrique, isométrique, et concentrique. Avec une force adéquate, il est ensuite possible de travailler sur la vitesse et de se concentrer spécifiquement sur l'amélioration du cycle d'allongement-raccourcissement et des capacités pliométriques pour une rééducation ciblée et efficace.

L'efficacité de l'entraînement pliométrique sur l'augmentation de la raideur a été examinée dans une étude où un groupe a suivi 14 semaines d'entraînement exclusivement pliométrique, consistant en divers sauts, comparé à un groupe témoin sans entraînement spécifique. Les résultats ont montré une augmentation de la raideur chez le groupe entraîné, sans changement notable dans le groupe contrôle.

Cependant, il est important de noter que cette étude portait sur des tendons sains et que l'augmentation de la raideur, bien que statistiquement significative, n'était pas considérable. De plus, cette étude semble être une exception, car d'autres recherches n'ont pas trouvé d'impact significatif de l'entraînement pliométrique sur les propriétés mécaniques du tendon. Il a été suggéré qu'une forte intensité d'exercice, à au moins 90% de la force isométrique maximale volontaire, est nécessaire sur une durée minimale de trois semaines pour observer un effet positif sur la raideur du tendon. Une intensité élevée est cruciale, car un exercice à 60% de l'intensité maximale ne montre pas d'effet sur la raideur.

Pour améliorer la raideur et la fonction du tendon, il est recommandé de se concentrer sur le renforcement musculaire traditionnel, en appliquant une charge suffisante pour induire une adaptation mécanique. Des exercices tels que les heel rises, réalisés en position debout ou assise avec une charge correspondant à au moins 1,5 fois le poids du corps pour six répétitions, sont suggérés comme base.

Une fois la force de base établie, l'entraînement peut se focaliser sur l'amélioration du cycle d'allongement-raccourcissement, en travaillant sur l'absorption de la contrainte, le temps de contact, et la restitution d'énergie. Des exercices progressifs sont utilisés pour améliorer l'absorption de l'impact et la capacité excentrique, réduire le temps de contact au sol, et finalement, augmenter la puissance et la hauteur des sauts. L'objectif est de minimiser le temps de contact tout en maximisant la production de force et la hauteur des sauts, en progressant vers des exercices plus complexes et en augmentant la charge si nécessaire.

Ces approches visent à optimiser les capacités pliométriques, mesurées par la force réactive, en renforçant la capacité du patient à absorber et à restituer efficacement l'énergie, améliorant ainsi la performance et la fonction tendineuse.

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